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L’on compte parmi les géographes arabes Abou Isac, Mahamed Ben Hassan, Hossen Ahmed Alkhalé, Schansedden Al Codsi, Abou Rilsan, Abou Abdallah Mohammed Edrissi, connu sous le nom de géographe de Nubie ; enfin Ismaël Abulfeda prince de Hamah ville de Syrie, qui composa une Géographie universelle.

La Perse a eu aussi ses géographes, au nombre desquels l’on peut bien mettre Nassir Edden natif de Thus en Corasan, savant dans les Mathématiques ; il avoit parcouru une partie de l’Asie. Les écrits arabes & indiens lui servirent à construire des tables géographiques.

Pendant que la Géographie étoit cultivée par les orientaux, elle commençoit à se réveiller parmi les européens ; mais il n’y avoit guere que ceux qui avoient connoissance de la sphere qui pussent dire quelque chose d’un peu sensé sur cette science. L’état des sciences en France depuis Charlemagne jusqu’au roi Robert, & depuis ce dernier jusqu’à Philippe-le-Bel, a été le sujet des recherches de M. l’abbé le Bœuf de l’académie des Belles-Lettres : l’on y voit combien les connoissances étoient grossieres non seulement en France, mais même chez les peuples voisins.

Les voyages de Marc-Pol, de Rubruquis & de Plan-Carpin en Tartarie au treizieme siecle, furent fort utiles à la Géographie.

Dans le quatorzieme siecle l’on vit paroître en France une traduction des livres d’Aristote du ciel & du monde, que Nicolas Oresme avoit entreprise par ordre de Charles V.

En Italie François Berlinghieri florentin, publia en 1470 un poëme italien en six livres, dans lequel il expliquoit la Géographie de Ptolomée. Cet ouvrage fut dédié à Frédéric duc d’Urbin, & orné de plusieurs cartes gravées sur le cuivre.

Un vénitien nommé Dominico Mario Negro composa en 1490 une Géographie en vingt-six livres, dont l’Europe & l’Asie occupoient chacun onze livres, & l’Afrique les quatre autres.

Dans le seizieme siecle Guillaume Postel publia un traité de Cosmographie. Un voyage que ce savant avoit fait dans l’orient enrichit l’Europe de la Géographie d’Abulfeda. De retour à Venise il en laissa un abrégé à Ramusius, qui le premier cita cet ouvrage, & indiqua l’usage que l’on en pouvoit faire. Castaldo s’en servit ensuite pour corriger les longitudes & les latitudes des différens lieux ; & c’est sur la foi de ce dernier, qu’Ortelius parle d’Abulfeda dans son thrésor géographique.

Ce fut dans ce siecle que la Géographie commença à prendre vigueur en Europe. L’art de la gravure en bois multiplia les ouvrages ; mais à cet art succéda celui de la gravure en cuivre, qui par la promptitude & la netteté produisit encore une plus grande abondance de morceaux capables de contenter la curiosité des amateurs.

L’Allemagne, l’Angleterre, l’Italie, l’Espagne, la Suede, la Russie & la France ont procuré beaucoup de travaux précieux qui sont d’autant plus estimables, qu’ils sont les fruits de la perfection à laquelle les autres parties de Mathématiques ont été poussées.

Il seroit inutile de rapporter ici tous les savans qui ont fait leur étude particuliere de cette science. L’on connoît parmi ceux d’Allemagne les ouvrages de Cluvier, de Jean Mayer, de Mathieu Mérian, des Homann & de leurs héritiers, d’Hasius, de Wieland géometre, auteur du nouvel & grand atlas de Silésie ; & enfin de Micovini mort à Vienne en 1750, qui avoit levé géométriquement toute la Hongrie autrichienne.

En Angleterre l’on a vû Humfreid, Saxton, Speed,

Timothée Pont, Robert Gordon, Petty, Ogilby, Elphinston, Douvet, &c. & sur-tout Cambden. Quoique la plûpart de ces savans ayent porté leurs vûes sur tout le monde entier, l’on est redevable cependant à plusieurs d’entr’eux de la connoissance exacte des Etats britanniques.

La Hollande & la Flandre ont eu de la réputation par les travaux considérables de Mercator & d’Ortelius ; on ne doit pas oublier Hondius, Wischer & les célebres Janson & Blaeu, dont on voit encore aujourd’hui l’amour pour la Géographie, par les dépenses considérables qu’ils ont faites pour publier leur atlas en quatre langues différentes. L’on doit parler encore des célebres Dominique Villem Carle & Antoine Hattinga freres, ingénieurs des Etats-Généraux. Les cartes nouvelles de la Zélande, levées sur les lieux depuis 1744 jusqu’en 1752, sont si bien exécutées, qu’elles devroient bien animer ces habiles géometres à lever les autres provinces de la Hollande, ou du-moins à corriger les cartes qui en ont été publiées jusqu’à-présent.

Quant à l’Espagne, l’on ne peut pas y trouver tant de géographes ; mais le petit nombre qu’elle fournit est digne d’une estime aussi grande que ceux dont je viens de parler. On consultera, si l’on le juge à-propos, l’essai sur la Géographie cité ci-dessus. Il me suffira de dire que l’auteur qui mérite le plus d’être consulté est Rodrigo Mendez Sylva ; qu’il parut en 1739 quelques cartes de différentes parties de l’Espagne pour le tems des Romains, par le célebre D. Marc Henri Florez, docteur en Théologie, & historiographe de S. M. catholique. Un autre ouvrage pour lequel on doit avoir encore une attention particuliere, est la carte de la province de Quito, levée par D. Pedre Maldonado, gouverneur de la province de las Esmeraldas en Amérique. Cette carte en quatre feuilles, & dont le roi d’Espagne a les planches, a été dressée par M. d’Anville de l’académie royale des Belles Lettres, & secrétaire de M. le duc d’Orléans. C’est le résultat des opérations que les académiciens espagnols & françois firent de concert pour constater la véritable figure de la terre. Si l’Espagne n’a pas été fertile en géographes comme les pays voisins, l’on en sera bien dédommagé par les nouveaux ordres du gouvernement, pour lever la carte du royaume. Des ingénieurs habiles ont déjà été envoyés par l’académie de Madrid pour cette grande entreprise. Le choix que l’on a fait doit répondre de l’exactitude d’un ouvrage si intéressant pour le progrès des connoissances géographiques.

L’Italie a toûjours été recommandable par de grands hommes en tout genre. Beaucoup d’ingénieurs ont contribué par leurs travaux particuliers à connoître en détail cette partie de l’Europe ; mais il n’y en a pas qui se soit plus signalé que Jean Antoine Magin de Padoue. Il composa à la fin du seizieme siecle une géographie ancienne & moderne, d’après la géographie de Ptolomée, comparée à l’état actuel de son tems. C’est à son fils que l’on est redevable du détail d’Italie, commencé par son pere & dédié au duc Vincent de Gonzague duc de Mantoue en 1600. Cet ouvrage composé de 61 cartes, a toûjours été très-estimé des savans.

Riccioli savant jésuite de Ferrare, publia en 1662 un livre estimable, contenant toutes les parties de Mathématiques qui ont rapport à la Géographie & à l’Hydrographie. Il a été un des premiers qui ait eu le dessein de réformer la Géographie par les observations astronomiques.

Personne n’ignore le grand ouvrage de la méridienne de Rome, entrepris par les PP. Maire & Boscovich jésuites, dont les opérations contribuant encore à déterminer la figure de la terre, doivent produire incessamment une nouvelle carte de l’état ecclésiastique.