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raison approfondie & épurée que plusieurs ont répandue dans leurs écrits & dans leurs conversations, a contribué beaucoup à instruire & à polir la nation : leur critique ne s’est plus consumée sur des mots grecs & latins ; mais appuyée d’une saine philosophie, elle a détruit tous les préjugés dont la société étoit infectée ; prédictions des astrologues, divinations des magiciens, sortiléges de toute espece, faux prodiges, faux merveilleux, usages superstitieux ; elle a relegué dans les écoles mille disputes puériles qui étoient autrefois dangereuses & qu’ils ont rendues méprisables : par-là ils ont en effet servi l’état. On est quelquefois étonné que ce qui boulversoit autrefois le monde, ne le trouble plus aujourd’hui ; c’est aux véritables gens de lettres qu’on en est redevable.

Ils ont d’ordinaire plus d’indépendance dans l’esprit que les autres hommes ; & ceux qui sont nés sans fortune trouvent aisément dans les fondations de Louis XIV. de quoi affermir en eux cette indépendance : on ne voit point, comme autrefois, de ces épîtres dédicatoires que l’intérêt & la bassesse offroient à la vanité. Voyez Epitre.

Un homme de lettres n’est pas ce qu’on appelle un bel esprit : le bel esprit seul suppose moins de culture, moins d’étude, & n’exige nulle philosophie ; il consiste principalement dans l’imagination brillante, dans les agrémens de la conversation, aidés d’une lecture commune. Un bel esprit peut aisément ne point mériter le titre d’homme de lettres ; & l’homme de lettres peut ne point prétendre au brillant du bel esprit.

Il y a beaucoup de gens de lettres qui ne sont point auteurs, & ce sont probablement les plus heureux ; ils sont à l’abri des dégoûts que la profession d’auteur entraîne quelquefois, des querelles que la rivalité fait naître, des animosités de parti, & des faux jugemens ; ils sont plus unis entre eux ; ils joüissent plus de la société ; ils sont juges, & les autres sont jugés. Article de M. de Voltaire.

Gens de Corps, ou de Poeste, ou de Poste, (Jurisprud.) quasi potestatis alienæ, sont des serfs ou gens main-mortables. V. Main-mortables. (A)

Gens main-mortables, voyez Main-mortables, Main-morte, & Affranchissement.

Gens de Main-morte, voyez Amortissement & Main-morte.

Gens du Roi, (Jurisprud.) est un terme générique qui dans une signification étendue comprend tous les officiers du roi, soit de judicature, de finance, ou même d’épée.

Par exemple, le roi en parlant des officiers de son parlement, les qualifie de nos gens tenant la cour de Parlement.

Dans une ordonnance de Philippe de Valois, du mois de Juin 1338, on voit que ce prince donne à des trésoriers des troupes les titre de gentes nostræ.

Charles VI. dans des lettres du mois de Juin 1394, en parlant des juges royaux de Provins, les appelle les gens du roi ; & dans d’autres lettres du mois de Janvier 1395, il désigne même par les termes de gentes regias, les officiers de la sénéchaussée de Carcassonne.

Ces exemples suffisent pour donner une idée des différentes significations de ces termes, gens du roi.

Ce titre paroît venir du latin agentes nostri, qui étoit le titre que les empereurs, & après eux nos rois, donnoient aux ducs & aux comtes, dont l’office s’appelloit agere comitatum.

Du mot agentes on a fait par abbréviation gentes regis, & en françois gens du roi.

Dans l’usage présent & le plus ordinaire, on n’entend communément par les termes de gens du roi, que ceux qui sont chargés des intérêts du roi & du ministere public dans un siége royal, tels que les

avocats & procureurs généraux dans les cours souveraines, les avocats & procureurs du roi dans les bailliages & sénéchaussées, & autres siéges royaux.

Les substituts des procureurs généraux & des procureurs du roi, sont aussi compris sous le terme de gens du roi, comme les substituant en certaines occasions.

La fonction des gens du roi n’est pas seulement de défendre les intérêts du roi, mais aussi de veiller à tout ce qui intéresse l’église, les hôpitaux, les communautés, les mineurs, & en général tout ce qui concerne la police & le public ; c’est pourquoi on les désigne quelquefois sous le titre de ministere public, lequel néanmoins n’est pas propre aux gens du roi, leur étant commun avec les avocats & procureurs fiscaux, lesquels dans les justices seigneuriales, défendent les intérêts du seigneur comme les gens du roi défendent ceux du roi dans les jurisdictions royales, & ont au surplus les mêmes fonctions que les gens du roi pour ce qui concerne l’église, les hôpitaux, les communautés, les mineurs, la police, & le public.

A la rentrée des tribunaux royaux, les gens du roi font ordinairement une harangue ; ce sont eux aussi qui sont chargés de faire le discours des mercuriales.

Ils portent la parole aux audiences dans toutes les causes tant civiles que criminelles, dans lesquelles le roi, l’église, ou le public, sont intéressés : dans quelques siéges il est aussi d’usage de leur communiquer les causes des mineurs.

Ils donnent des conclusions par écrit dans toutes les affaires civiles de même nature qui sont appointées, & dans toutes les affaires criminelles.

Ils font aussi d’office des plaintes & requisitions, lorsque le cas y échet.

Les fonctions que les gens du roi exercent étoient remplies chez les Romains par différens officiers.

Il y avoit d’abord dans la ville deux magistrats, l’un appellé comes sacrarum largitionum ; l’autre appellé comes rei privatæ, qui étoient chacun dans leur district, comme les procureurs généraux de l’empereur.

Les lois romaines font aussi mention qu’il y avoit un avocat du fisc dans le tribunal souverain du prefet du prétoire, qui étoit le premier magistrat de l’empire : dans la suite, les affaires s’étant multipliées, on lui donna un collegue.

Il y avoit aussi un avocat du fisc auprès du premier magistrat de chaque province.

La fonction de ces avocats du fisc étoit d’intervenir dans toutes les causes où il s’agissoit des revenus de l’empereur, de son thrésor, de son domaine, & autres affaires semblables ; les juges ne les pouvoient décider sans avoir auparavant oüi l’avocat du fisc : celui-ci étoit tellement obligé de veiller aux intérêts du prince, que si quelque droit se perdoit par sa faute, il en étoit responsable.

Il y avoit aussi dans chacune des principales villes de l’empire un officier appellé procurator Cæsaris ; ses fonctions consistoient non-seulement à veiller à la conservation du domaine & des revenus du prince ; mais il étoit aussi juge des causes qui s’élevoient à ce sujet entre le prince & ses sujets, à l’exception des causes criminelles & des questions d’état de personnes, dont il ne connoissoit point, à-moins que le président ne lui en donnât la commission.

Les avocats du fisc ni les procureurs du prince n’étoient pas chargés de la protection des veuves, des orphelins, & des pauvres ; on nommoit d’office à ces sortes de personnes dans les occasions un avocat qui prenoit leur défense ; & lorsque c’étoient des pauvres, l’avocat étoit payé aux dépens du public.

Le même ordre étoit établi dans les Gaules par les Romains, lorsque nos rois en firent la conquête : mais suivant les capitulaires, il paroît qu’il y eut quelque