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tribuoit en même tems une vertu corroborative : mais Hoffmann vantoit beaucoup tous les remedes qu’il composoit lui-même. (D. J.)

GAYER, terme de Riviere, pour exprimer combien un bateau prend d’eau : le grand-maître gaye sept piés d’eau.

GAZAILLE, (Jurisprud.) en quelques pays signifie un bail de bestiaux. Voy. la coûtume de Saint-Sever, tit iij. art. 13. le for de Navarre, tit. xvj. art. dernier ; la Roche-Flavin, des droits seigneur. p. 90. Caseneuve, au mot gain. (A)

* GAZE, s. f. (Manufactur.) tissu leger ou tout de fil, ou tout de soie, ou fil & soie, travaillé à claire voie, & percé de trous comme le tissu de crin dont on fait les cribles : la fabrication de cette espece d’étoffe ou de toile est très-ingénieuse ; ceux qui en ont parlé n’ont pas considéré le métier d’assez près ; & à juger de la gaze par ce qu’on en lit dans le dictionnaire du Commerce, il est bien difficile de la distinguer de la toile ou du satin.

Pour fabriquer la gaze, il faut commencer par disposer la chaîne comme si on avoit à fabriquer une autre étoffe de soie ; je veux dire la devider sur l’ourdissoir (Voyez l’article Ourdissoir) ; la porter de l’ourdissoir sur le plioir (Voyez l’article Plioir) ; & du plioir sur les ensuples ; l’encroiser, & achever le montage du métier.

Le métier du gazier ne differe guere des autres métiers de la fabrique des étoffes en soie, soit unies soit figurées ; & il se monte exactement de la même maniere. Il y a lecture du dessein, gravassine, gravassiniere, lacs, semple, rame, tirage, &c. Voyez à l’art. Soie, le travail des étoffes en soie ; voyez sur-tout l’article Velours ciselé, frisé, & de plusieurs couleurs.

Quoique nous renvoyions ici à un grand nombre d’articles étrangers à la gaze, cela n’empêchera point que nous ne fassions entendre très-distinctement la différence qu’il y a entre la fabrication de cette étoffe & celle de la toile ou du satin. Pour cet effet, laissant-là toutes les manœuvres qui sont communes au gazier, au tisserand, & au manufacturier d’étoffes en soie, nous nous attacherons à celles qui lui sont propres ; & nous insisterons sur la partie qui distingue son métier des autres métiers à ourdir.

Cette partie est une lisse qui porte des petits grains de chapelets qu’on appelle des perles. C’est la fonction de cette lisse qui empêche que la gaze unie ne soit une toile ou un satin, & qui en fait une gaze : c’est ce que nous allons démontrer de la maniere la plus simple & la plus claire.

Si vous comparez nos Planches I. & II. du Gazier avec nos Planches du Manufacturier en soie, vous appercevrez d’un coup-d’œil ce qu’il y a de commun entre le métier à gaze & les autres métiers à ourdissage : mais pour bien entendre la fabrication de la gaze, il suffit de s’occuper de la III. Pl. Voyez donc cette Planche.

Les cylindres AB, ab, (fig. 1. Pl. IV.) sont les ensuples ; AB est celle de devant ; ab une de celles de derriere. 1, 2 ; 1, 2 ; 1, 2 ; 1, 2, sont les fils de la chaîne portés sur les deux ensuples : c, c ; c, c ; c, c, &c… représentent les dents du peigne : d, d, e, e, e, e, la lisse avec ses perles ; f, f, g, g, g, g, une autre lisse avec des annelets de verre qu’on appelle des maillons ; h h, i i, les bâtons d’encroix.

On voit que les fils de chaîne 1, 1, 1, &c. passent dans les perles e, e, e, e, & dans les maillons g, g, g, g, & qu’ils sont placés sur les ensuples de maniere qu’ils se croisent aux points k, k, k, k. D’où il suit que, si nous supposons que la lisse d, d, soit levée, les fils de chaîne restant dans leurs situations relatives ; les fils 1, 1, 1, 1, feront angle avec les fils 2, 2, 2, 2, le fil 1 devant le fil 2, le fil 1 devant le fil 2, le fil 1

devant le fil 2, & ainsi de suite, comme ils sont rangés sur les ensuples. Donc, si le fil l, l, l, l, l, m, m, m, m, m, &c. représente un fil de trame, & que le gazier ait donné un coup de navette de droite à gauche, ce fil de trame sera pris en l, l, l, l, entre les fils de chaîne, comme on voit fig. 2. même Pl.

Mais si on laisse retomber la lisse dd, & qu’on fasse lever la lisse ff, comme on voit fig. 2. même Pl. qu’arrivera-t-il ? que les fils de chaîne 1, 1, 1, 1, &c. ne garderont plus leurs situations relatives avec les fils 2, 2, 2, 2 ; que ces fils 1, 1, 1, 1, passeront de l’autre côté des fils 2, 2, 2, 2 ; que les fils 2, 2, 2, 2, feront angle avec les fils 1, 1, 1, 1, le fil 2 devant le fil 1, le fil 2 devant le fil 1, le fil 2 devant le fil 1, & ainsi de suite ; & que, si l’ouvrier donne un second coup de navette de gauche à droite, le fil de trame l, l, l, l, m, m, m, m, &c. sera pris entre les fils de chaîne, comme on le voit fig. 2. en m, m, m, m ; il y aura donc entre ces deux coups de navette, ou la portion du fil de trame l, l, l, l, & la portion du même fil m, m, m, m, une espece d’encroix 0, 0, 0, 0, ou de tour des fils de chaîne 1, 1, 1, 1, sur les fils de chaîne 2, 2, 2, 2, qui tient les portions de fil de trame séparées, & qui ne leur permet jamais de s’approcher, & de former un tissu serré comme il est à la toile & au satin : c’est ce tour ou cet encroix & le déplacement alternatif des fils de chaîne qui écartent les coups de navette ou les portions de fil de trame ; & c’est cet écart qui forme les trous ou claires voies de la gaze.

Qu’on laisse retomber la lisse ff, & qu’on fasse lever la lisse dd, comme on la voit fig. 3. même Pl. les fils de chaîne reprendront leur position relative aussi-tôt que la lisse ff sera retombée, & les fils 1, 1, 1, 1, feront angle avec les fils 2, 2, 2, 2 ; de maniere que le fil 1 soit devant le fil 2, le fil 1 devant le fil 2, le fil 1 devant le fil 2, & ainsi de suite, comme il est arrivé figure 1. Donc si l’ouvrier donne un troisieme coup de navette de droite à gauche, le fil de trame se trouvera pris, comme on le voit figure 3. en n, n, n, n ; ensorte que la portion m, m, m, m, de ce fil se trouvera séparée de la portion n, n, n, n, comme celle-ci l’étoit de la premiere l, l, l, l, par un tour ou espece d’encroix p, p, p, p, qui empêchera que le coup de battant ne puisse tenir les portions de trame m, m, m, m & n, n, n, n, approchées ; ce qui donnera lieu à une nouvelle rangée de trous.

Ainsi à chaque coup de navette, chaque fil de chaîne 1, 1, 1, 1, faisant par le moyen de la lisse à perle & de la lisse à maillon, sur chaque autre fil de chaîne 2, 2, 2, 2, une espece de tour ou d’encroix, ces fils ne pourront jamais être serrés ; ces tours ou encroix les tiendront séparés ; & à l’aide de ces séparations, il y aura à chaque coup de navette une rangée de petits espaces vuides entre chaque portion de fil de trame & de chaîne ; ce qui fera la claire voie de la gaze.

Voici en un mot tout le mystere de la gaze expliqué, sans même qu’il soit besoin de figures. Imaginez des fils horisontaux & paralleles les uns aux autres, comme sur le métier du tisserand ; soit le premier de ces fils nommé a, le second b, le troisieme a, le quatrieme b, le cinquieme a, le sixieme b, & ainsi de suite : si vous faites lever tous les fils a, a, a, a, les fils b, b, b, b, restant horisontaux & paralleles, & que vous donniez un coup de navette, ou que vous passiez un fil de trame ; que vous fassiez baisser les fils a, a, a, a ; & que les laissant horisontaux & paralleles, vous fassiez lever les fils b, b, b, b ; & que vous donniez un second coup de navette, ou que vous passiez un fil de trame ; il est clair que le battant pressera l’une contre l’autre ces deux portions des fils de trame ; & que vous ferez de la toile, en continuant toûjours ainsi.