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Le sens du toucher n’est pas le seul que la gaule affecte, ses aides s’impriment encore sur ceux de l’oüie & de la vûe : l’action de la faire siffler en avant & en arriere, ou d’en frapper les murs, chasse le cheval en avant, & l’effraye même quelquefois trop, puisqu’elle le détermine à fuir, sur-tout quand il n’est pas accoûtumé à ce bruit ; celle de la porter tantôt d’un côté, tantôt d’un autre, lui indique celui sur lequel il doit se mouvoir, soit dans les changemens, soit dans les contre-changemens de main de deux pistes, & dans lesquels les hanches sont observées : mais on doit bannir des manéges bien réglés cette aide prétendue qui confirme les chevaux dans une mauvaise routine, & qui est fort éloignée des principes que les éleves doivent recevoir. Du reste, rien n’est plus pitoyable que de voir des maîtres harceler eux-mêmes sans cesse les chevaux avec la gaule, & abuser misérablement d’un moyen utile dans de certains cas, mais qui dans d’autres est aussi desagréable aux spectateurs que fatiguant pour l’animal.

Gaule d’écuyer, est une gaule semblable à celle des éleves, à l’exception qu’elle est un peu plus forte, & beaucoup plus longue ; le maître en fait usage sur les chevaux des piliers.

GAULIS, subst. m. (Jardinage.) veut dire bois marmentaux ou de touche, que l’on pratique dans les beaux jardins, lesquels forment de la moyenne futaie. (K)

GAULOIS, s. m. (Hist. anc.) habitans de l’ancienne Gaule. Ceux qui ont cherché curieusement l’étymologie du mot, ont commencé par perdre leur tems & leurs peines. L’un tire cette étymologie du grec, l’autre du cimbrique, & un troisieme la trouve dans l’ancien breton. Cluvier est venu jusqu’à se persuader que Gallus dérive du celtique Gallen, qu’on dit encore en allemand, & qu’on écrit Wallen, qui signifie voyager ; & là-dessus il suppose qu’on donna ce nom aux Gaulois lorsqu’ils sortirent de leur pays, & qu’ils s’emparerent d’une partie de la Germanie, de l’Italie & de la Grece. César moins savant que Cluvier dit simplement, qui ipsorum linguâ celtæ, nostrâ Galli appellantur.

Mais ce n’est pas à l’étymologie du mot que se borne ici notre ignorance, c’est à tout ce qui concerne les Gaulois ; nous ne savons rien par nous-mêmes de l’état de l’ancienne Gaule, de l’origine de ses peuples, de leur religion, de leurs mœurs & de leur gouvernement : le peu qu’on en connoît se recueille de quelques passages échappés, comme par hasard, à des historiens de la Grece & de Rome. Si nous assûrons qu’il y a eu des Gaulois voisins des Alpes, qui joints aux habitans de ces montagnes, se sont une fois établis sur les bords du Tesin & de l’Eridan ; si nous savons que d’autres Gaulois vinrent jusqu’à Rome l’année 363 de sa fondation, & qu’ils assiégerent le capitole, ce sont les historiens romains qui nous l’ont appris. Si nous savons encore que de nouveaux Gaulois, environ cent ans après, entrerent dans la Thessalie, dans la Macédoine, & passerent sur le rivage du Pont-Euxin, ce sont les historiens grecs qui le racontent, sans nous dire même quels étoient ces Gaulois, & quelle route ils prirent : en un mot il en reste dans notre pays aucun vestige de ces émigrations qui ressemblent si fort à celles des Tartares ; elles prouvent seulement que la nation celtique étoit très-nombreuse, qu’elle quitta par sa multitude un pays qui ne pouvoit pas la nourrir, & chercha pour subsister des terres plus fertiles, suivant la remarque de Plutarque : je ne le cite guere que sur ce point ; car ce qu’il nous débite d’ailleurs sur les premiers Gaulois qui se jetterent en Italie, & sur leurs descendans qui assiegerent Rome, est chargé d’exagérations, d’anachronismes ou

d’anecdotes populaires ; ainsi nous devons nous borner aux témoignages de Tite-Live & de César.

Ce fut, selon Tite-Live, liv. V. chap. xxxjv. sous le regne de l’ancien Tarquin, l’an de Rome 165, qu’une grande quantité de Gaulois transalpins passerent les monts, sous la conduite de Bellovese & de Sigovese, deux neveux d’Ambigate chef de cette partie de la nation. Les deux freres tirerent au sort les pays où ils se porteroient ; le fort envoya au-delà du Rhin Sigovese, qui prenant son chemin par la forêt Hercinienne, s’ouvrit un passage par la force des armes, & s’empara de la Boheme & des provinces voisines. Bellovese eut pour son partage l’Italie ; ce dernier prit avec lui tout ce qu’il y avoit de trop chez les Bituriges, les Arverniens, les Sénonois, les Eduens, les Ambarres, les Carnutes & les Aulerques qui voulurent tenter fortune ; il passa les Alpes avec cette multitude de différens Gaulois, qui ayant vaincu les Toscans assez près du Tesin, se fixerent dans cet endroit, & y bâtirent une ville qu’ils nommerent Milan.

Quelque tems après une autre bande de Cenomans conduits par un chef nommé Elitovius, marchant sur les traces déja frayées, passa les Alpes par le même chemin, & fut aidée des troupes du même Bellovese qui avoit amené les premiers Gaulois dans le Milanès ; ces derniers venus s’arrêterent dans le Bressan & dans le Véronois. Quelques auteurs leur attribuent l’origine & la fondation de Vérone, Padoue, Bresse, & autres villes de ces belles contrées qui subsistent encore aujourd’hui.

A la suite de ces deux émigrations se fit celle des Boyens & des Lingons qui vinrent par le grand Saint-Bernard, & qui trouvant occupé tout l’espace qui est entre les Alpes & le Pô, passerent ce fleuve, chasserent les Ombriens, de même que les Etrusques, & se tinrent néanmoins aux bords de l’Apennin. Les Sénonois qui leur succéderent se placerent depuis le Montoné jusqu’à l’Esino.

Environ deux cents ans après les premiers établissemens des Gaulois cisalpins, ils attirerent les transalpins, & leur donnerent entrée sur les terres de Rome ; tous ensemble marcherent à la capitale dont ils se rendirent les maîtres l’an 363 de sa fondation, & n’en firent qu’un monceau de ruines. Sans Manlius le capitole auroit été pris, & sans Cantille on alloit leur payer de grandes contributions ; on pesoit déja l’or quand il parut à la tête des troupes du sénat : « Remportez cet or au capitole, dit-il aux députés ; & vous Gaulois, ajoûta-t-il, retirez-vous avec vos poids & vos balances ; ce n’est qu’avec du fer que les Romains doivent recouvrer leur pays ». A ces mots on prit les armes de part & d’autre ; Camille défit Brennus & ses Gaulois, qui furent la plûpart tués sur la place, ou dans la suite par les habitans des villages prochains.

Une nouvelle nuée de Gaulois rassemblés des bords de la mer Adriatique, s’avança vers Rome l’an 386 de sa fondation, pour venger cette défaite de leurs compatriotes ; mais la victoire des romains ne fut ni difficile ni douteuse sous ce même Camille élevé pour la cinquieme fois à la dictature. Il périt un grand nombre de Gaulois sur le champ de bataille ; & le reste dispersé par la fuite, & sans se pouvoir rallier, fut assommé par les paysans.

L’on vit encore l’an 404 de Rome une armée de Gaulois se répandre sur les terres des Romains pour les ravager ; mais au combat particulier d’un de leurs chefs vaincu par Valerius surnommé Corvus, succéda le combat général qui eut les mêmes revers pour l’armée gauloise.

Depuis cette derniere époque, les Gaulois ne firent que de foibles & stériles efforts pour s’opposer à l’accroissement des Romains ; ceux-ci après les