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Ce sont de ces compagnies que l’on tire tous les officiers de la marine.

Garde-Ménagerie, (Marine.) c’est celui qui a soin des volailles & des bestiaux qu’on embarque pour la table du capitaine & les besoins de l’équipage. (Z)

Garde, (Jurisprud.) signifie conservation & administration ; ce terme s’applique aux personnes & aux choses.

Il y a pour les personnes plusieurs sortes de garde ; savoir la garde des enfans mineurs, que l’on distingue en garde noble & bourgeoise, garde royale & seigneuriale.

Il y a aussi la garde-gardienne pour la conservation des priviléges de certaines personnes.

On donne aussi en garde la justice & plusieurs autres choses ; c’est de-là que certains juges ne sont appellés que juges-gardes ou gardes simplement de telle prevôté.

Enfin, plusieurs autres officiers ont le titre de garde, comme garde des Sceaux, garde des rôles, garde-marteau, &c. Nous allons expliquer ces différentes sortes de gardes, en commençant par la garde des personnes.

Garde d’Enfans mineurs, appellée dans la basse latinité bailia, ballum, warda, & en latin plus correct custodia, est l’administration de leur personne pendant un certain tems, & le droit qui est accordé au gardien pour cette administration, de jouir des biens du mineur ou d’une partie d’iceux, sans en rendre compte, aux charges prescrites par la coûtume.

Quelques-uns prétendent trouver l’origine de la garde jusque chez les Romains, & citent à ce sujet la loi 6 au code de bonis quæ liberos, qui fait mention du droit d’usufruit accordé au pere ou ayeul sur les biens du fils de famille étant en sa puissance. Cet usufruit est accordé comme une suite du droit de puissance paternelle, avec lequel la garde a en effet quelque rapport ; mais elle differe en ce que la puissance paternelle n’est accordée qu’aux peres & ayeuls, au lieu que la garde est aussi accordée aux meres & ayeules, & même en quelques coûtumes aux collatéraux. L’usufruit que donne la puissance paternelle ne finit que par l’émancipation du fils de famille, à la différence de la garde, qui finit à un certain âge, qui est toûjours avant la majorité.

D’autres comparent la garde à l’administration que les meres avoient de leurs enfans étant en pupillarité, lorsque le pere ou ayeul étoit décédé. Seneque en son livre de la consolation ad Martiam, dit : pupillus relictus est usque ad quattordecimum annum sub matris custodia ; à quoi il rapporte aussi ce que dit Horace, liv. I. de tes epîtres.

Ut piger annus
Pupillis, quos dura premit custodia matrum.

Pontanus sur la coûtume de Blois, tit. ij. art. 4. tient que la garde est une espece de tutelle qui vient des mœurs & coûtumes des Gaulois.

Mais il est plus vraissemblable que l’origine de la garde vient des fiefs ; qu’elle fut établie en faveur des vassaux mineurs qui n’étoient point en âge de faire le service de leurs fiefs. Le Roi ou autre seigneur dont le fief relevoit, prenoit sous sa garde & protection le vassal mineur ; & comme il avoit soin de son éducation, & qu’il faisoit desservir le fief par un autre, il jouisoit pour cela des revenus du fief, jusqu’à ce que le vassal fût en âge de faire la foi, sans être tenu d’en rendre aucun compte.

Loisque le Roi avoit la garde, on l’appelloit garde royale ; lorsqu’elle appartenoit au seigneur, elle étoit appellée garde seigneuriale.

Quelquefois le Roi ou le seigneur la cédoient aux

pere, mere, ou autres ascendans ou parens du mineur : & comme en ce tems on ne donnoit les fiefs qu’aux nobles, qu’il n’y avoit presque point de noble qui n’eût quelque fief, & que les roturiers auxquels on permit dans la suite d’en posséder, devenoient nobles par la possession de ces fiefs lorsqu’ils se soûmettoient à en faire le service ; on appella garde noble, la garde de tous les mineurs nobles ou possédant fiefs ; & à l’imitation de cette garde noble, on accorda dans la suite aux pere & mere non nobles la garde bourgeoise de leurs enfans mineurs.

La premiere source de la garde se trouve donc dans le droit féodal des Saxons, où il est dit article xviij. §. 6. dominus etiam est tutor pueri in bonis quæ de ipso tenet infrà annos pueriles, dum nulli contulit hoc emolumentum, & debet inde reditas accipere, donec puer ad annos perveniat suprà scriptos, infra quos puer se negligere non valebit, si à domino non potuerit investiri.

Quelques-uns prétendent qu’il est parlé de la garde dans les capitulaires de Charlemagne ; mais il est constant que le droit de garde est moins ancien en France, & qu’il ne commença d’y être usité, que lorsque les fiefs devinrent héréditaires ; ce qui n’arriva, comme on sait, que vers le commencement de la troisieme race, ou au plûtôt vers la fin de la seconde.

En effet, tant que les fiefs ou bénéfices ne furent qu’à vie, il ne falloit point de gardien pour administrer ces sortes de biens, parce qu’on ne les donnoit jamais qu’à des gens en état de porter les armes & d’administrer leurs biens.

Ce ne fut donc que quand les fiefs commencerent à devenir héréditaires, que les seigneurs prévoyant que ces fiefs pourroient échoir à des mineurs qui ne seroient pas en état de faire le service militaire dû à cause des fiefs, se réserverent en quelques lieux la joüissance de ces fiefs, lorsque ceux auxquels ils appartenoient, n’étoient pas en âge de remplir leurs devoirs de vassaux ; savoir lorsque les mâles n’avoient pas vingt ou vingt-un ans accomplis, parce qu’avant cet âge, ils n’étoient pas réputés capables de porter les armes, comme il est dit dans Fleta, liv. I. chap. jx. §. 3. & à l’égard des filles, elles tomboient en garde pour leurs fiefs jusqu’à ce qu’elles eussent atteint l’âge de puberté, parce que jusque-là elles n’étoient point en état de prendre un mari pour servir le fief.

De-là vint la garde royale & seigneuriale ; la garde royale étoit dévolue au Roi pour les fiefs mouvans immédiatement de lui, qui appartenoient à des mineurs ; & le Roi dans ce cas joüissoit non-seulement des fiefs mouvans de lui, mais aussi des arriere-fiefs ; au lieu que les autres seigneurs ne joüissoient que des fiefs qui étoient mouvans d’eux immédiatement, comme il est dit dans les articles 215. & 216. de la coûtume de Normandie.

Dans quelques endroits les seigneurs, au lieu de se réserver cette joüissance, permirent aux parens les plus proches des mineurs du côté dont les fiefs leur étoient échûs, de desservir ces fiefs ; ils choisissoient même quelquefois entre ces parens celui qui étoit le plus propre à s’acquitter de ce devoir, comme on voit dans la chronique de Cambrai & d’Arras, liv. XXXIII. ch. lxvj. où la garde est nommée custodia : hujus custodiæ puerum cum bono ejus commisit, dit cette chronique ; & en françois cette commission fut nommée bail ou garde ; & les parens qui en étoient chargés furent appellés bails ou baux, & baillistres, du latin bajulus, qui dans la moyenne & basse latinité signifioit gouverneur, administrateur.

Dans quelques coûtumes on distinguoit la garde du bail ; la garde proprement dite n’étoit accordée qu’aux ascendans, le bail aux collatéraux. D’autres