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dant on préfere la beche. L’usage en est plus sûr ; mais le tems est plus long. A mesure que des travailleurs détachent les racines, d’autres les retirent sur le terrein avec des fourches. Dès le lendemain ou sur le champ on peut les enlever. On peut évaluer la récolte à 5 liv. par mesure, qui avec la dépense précédente font 38 liv. 19 s. 9 d.

On retire par cent de terre une année dans l’autre, depuis quatre jusqu’à dix ou douze faix au plus, ou année commune, huit faix, qui pourront peser 15 à 1600 livres, qui se réduiront à 200 livres à la sortie des étuves. On aura à-peu-près le même poids en poudre.

Quand la plante donneroit graine, les rejettons qu’on a en abondance produisant tous les deux ans une dépouille, on n’auroit garde d’employer une semence dont la plante ne seroit recueillie qu’au bout de cinq à six ans.

On la placera après la récolte hors des hangards, où on la laissera à l’abri de la pluie sécher pendant quelques mois. On pourra, si l’on aime mieux, la tenir dans des lieux fermés, amoncelée comme le foin, mais très-perméable à l’air.

Quand elle sera séchée on la lavera, ou si l’on veut la battre, on la battra pour en ôter la terre ; on la portera ensuite au séchoir, & de-là au moulin. On fait des séchoirs de mille manieres différentes. La construction d’un moulin peut coûter depuis 1000 liv. sans autre bâtiment, jusqu’à 20000 liv. selon sa grandeur. Il y en avoit un à Tournay qui ne servoit plus, qu’on disoit avoir coûté au-moins 20000 écus. On voit que l’entretien en est proportionné à sa grandeur. Pour le servir, il faut un homme qui tamise, dans un moulin à six pilons, & un cheval qui tourne. Il faudroit un second cheval pour relever le premier, dans un moulin qui tourneroit tous les jours de l’année. On peut donner 20 s. par jour au tamiseur, & estimer l’entretien du cheval au même prix.

Un moulin de six pilons broyera 400 liv. & sur ce pié, si la dépouille d’un cent de terre se réduit à 200 liv. de poudre, comme nous l’avons dit, ce moulin pourra broyer en 24 heures la dépouille d’un 100 de terre, & par conséquent en 54 fois 24 heures, la dépouille de huit boniers, c’est-à-dire le produit total de presque toute la quantité de terre cultivée en garance dans la châtellenie de Lille.

Toute la poudre n’est pas d’un prix égal. On distingue la robée, dont on peut évaluer à 45 ou 50 l. le cent ; la non-robée, à 30 ou 32 liv. la fine-grappe, à 62 ou 63 liv. & le son à 10 liv.

Si l’on ramasse toute dépense faite ci-dessus depuis le commencement de la dépouille jusqu’à la fin de la récolte, on trouvera pour deux années 33 liv. 11 s. 9 d.

La récolte de 8 faix à 7 10 s. produira 60 liv. il restera donc 16 liv. 8 s. 3 d. ou 13 l. 4 s. 1 d. par an ; sur quoi il faut diminuer le loyer de la terre, les rentes foncieres, & autres charges, les impositions ou tailles, l’inconvénient que le laboureur compte pour quelque chose de ne pouvoir dépouiller tous les ans.

Si l’on ajoûte à cela 60 liv. pour l’achat des meres-plantes, ou 68 liv. pour celui des rejettons, ce qui est indispensable pour la premiere plantation, on trouvera une perte certaine dans les deux premieres années, & l’on ne peut espérer de joüir entierement qu’au bout de quatre ans.

Ainsi il n’est pas étonnant que, quoiqu’on ait accordé dans la châtellenie de Lille une gratification au-dessus de l’exemption, cette culture ait bien de la peine à s’y ranimer.

La garance d’un an passe pour la meilleure ; celle qui reste trop perd de sa vivacité.

De quelques phénomenes singuliers sur la garance. En 1737 un chirurgien anglois appellé Belchier, remar-

qua que les os d’un pourceau qu’on avoit nourri

avec du son chargé d’un reste d’infusion de racine de garance, étoient teints en rouge. Il fit prendre de la racine pulvérisée à un coq, dont les os se teignirent aussi de la même couleur. M. Duhamel est revenu sur ces expériences qu’il a réitérées avec le même succès que Belchier, sur les poulets, les dindons, les pigeonneaux, & autres animaux. Dès le troisieme jour un pigeon avoit ses os teints. Ni tous les os dans un même animal, ni les mêmes os en différens animaux ne prennent pas la même nuance. Les cartilages qui doivent s’ossifier, ne se teignent qu’en s’ossifiant. Si on cesse de donner en nouriture les particules de garance, les os perdront peu à-peu leur teinture. Les os les plus durs se coloreront le mieux. Ils soûtiendront les débouillis. Ils ne sont cependant pas intacts à l’action de l’air. Les plus rouges y perdent de leur couleur ; les autres blanchissent tout-à-fait en moins d’un an. La moëlle de ces os teints, & toutes les autres parties molles de l’animal conservent leur couleur naturelle.

La garance que prennent ces animaux, agit aussi sur leur jabot & sur leurs intestins, du-moins dans la volaille ; ils en sont teints ; pour peu qu’on les tienne à ces alimens, ils tombent en langueur & meurent ; on leur trouve quand ils sont morts, les os plus gros, plus moëlleux, plus spongieux, plus cassans. On peut demander pourquoi les parties colorantes ne se portent qu’aux os. Mizaldus qui a fait imprimer en 1566 un mauvais livre intitulé memorab. jucund. & utilium cent. IX. a dit le premier de la garance qu’elle teignoit en rouge les os des animaux vivans. On voit dans le recueil de l’acad. des Scien. année 1746. qu’elle n’est pas la seule plante qui ait cette propriété.

La racine de garance est aussi d’usage en Medecine. Quelques auteurs la comptent parmi les cinq racines apéritives mineures. On a dit qu’elle résolvoit puissamment le sang épanché, les obstructions des visceres. & sur-tout celle des reins & des voies urinaires. Mais si l’on tire des expériences précédentes les conséquences naturelles qu’elles présentent, on en inférera que l’usage de la garance est tout-au-moins mal-sain.

Nous nous sommes fort étendus sur cette plante, à cause de son importance dans la teinture. On s’en sert pour fixer les couleurs déjà employées sur les toiles de coton. Il y a un grand nombre de cas où le succès des opérations demande qu’on garance. Voyez l’article Teinture.

GARANT, adj. pris subst. (Hist.) est celui qui se rend responsable de quelque chose envers quelqu’un, & qui est obligé de l’en faire joüir. Le mot garant vient du celte & du tudesque warrant. Nous avons changé en g tous les doubles v, des termes que nous avons conservés de ces anciens langages. Warant signifie encore chez la plûpart des nations du nord, assûrance, garantie ; & c’est en ce sens qu’il veut dire en anglois édit du roi, comme signifiant promesse du roi. Lorsque dans le moyen âge les rois faisoient des traités, ils étoient garantis de part & d’autre par plusieurs chevaliers, qui juroient de faire observer le traité, & même qui le signoient, lorsque par hasard ils savoient écrire. Quand l’empereur Frédéric Barberousse céda tant de droits au pape Alevandre III. dans le célebre congrès de Venise en 1177, l’empereur mit son sceau à l’instrument, que le pape & les cardinaux signerent. Douze princes de l’Empire garantirent le traité par un serment sur l’évangile ; mais aucun d’eux ne signa. Il n’est point dit que le doge de Venise garantit cette paix qui se fit dans son palais.

Lorsque Philippe-Auguste conclut la paix en 1200 avec Jean roi d’Angleterre, les principaux barons de France & ceux de Normandie en jurerent l’observation comme cautions, comme parties garantes.