les inflammations, l’étranglement, l’infiltration, les contusions & stupéfactions, la morsure des bêtes venimeuses, le froid excessif, la brûlure & la pourriture. La gangrene seche vient ordinairement du défaut des sucs nourriciers.
De la gangrene par inflammation. La vie ne subsiste que par le cours des fluides des arteres dans les veines. Toute inflammation suppose un obstacle dans les extrémités artérielles, par le moyen duquel le passage du liquide, qui doit traverser les vaisseaux, est intercepté. Lorsque cet obstacle a lieu dans tous les vaisseaux d’une partie, le mouvement vital y est entierement aboli, elle tombe en gangrene. Les signes qui caractérisent cette espece de gangrene sont assez faciles à saisir. L’inflammation qui étoit l’état primitif de la maladie, diminue à mesure que l’engorgement devient excessif ; le jeu des arteres est empêché par le sang qui les remplit ; la chaleur s’affoiblit de plus en plus : elle ne suffit plus pour entretenir la fluidité du sang : la tumeur s’affaisse, la rougeur vive de l’inflammation devient plus foncée : les sucs stagnans se putréfient : la partie exhale une odeur fétide & cadavéreuse ; effets de la pourriture qui détruit les parties solides.
L’essentiel de la cure des inflammations qui tendent à dégénérer en gangrene par un engorgement extrème, est de débarrasser au-plûtôt la partie malade. La diete & la saignée se présentent d’elles-mêmes pour satisfaire à cette intention ; mais lorsque ces secours poussés aussi loin qu’il est possible, ne réussissent pas, & qu’on voit la tumeur s’affaisser, la chaleur s’éteindre, la rougeur s’obscurcir, l’élasticité s’anéantir, les chairs devenir compactes & un peu pâteuses, qui sont les signes de la cessation de l’action organique des vaisseaux engorgés ; les saignées sont inutiles aussi-bien que les topiques, qui ne peuvent agir que par l’entremise de l’action des solides. Or dans ce cas les vaisseaux ont perdu toute action ; ils ne sont donc plus capables de déplacer les humeurs arrêtées. Les scarifications produisent alors un dégorgement efficace ; les cataplasmes résolutifs & antiputrides donnent aux vaisseaux le ton nécessaire pour détacher les parties mortifiées. Il se fait dans les parties vives une suppuration purulente ; les chairs animées se distinguent, & l’ulcere se cicatrise suivant la marche ordinaire que tient la nature dans la réunion des plaies avec perte de substance. Voyez Incarnation & Ulcere.
M. Quesnay ne croit pas qu’il puisse survenir gangrene par excès d’inflammation simplement ; il pense que c’est plûtôt la malignité qui accompagne l’inflammation ou les étranglemens qu’elle suscite, lorsqu’elle occupe ou qu’elle avoisine des parties nerveuses qui attirent cette gangrene.
A l’égard de la malignité qui accompagne les inflammations, il y en a une qui se déclare d’abord par l’extinction du principe vital : à peine l’inflammation se saisit-elle d’une partie, qu’elle la fait périr sur le champ. Les malades perdent presque tout-à-coup la sensibilité ; ils sont ordinairement assez tranquilles, le pouls est petit & sans vigueur ; il s’affoiblit peu-à-peu, & les malades périssent lorsque la gangrene est fort étendue. Il y a de la ressource lorsque cette sorte de gangrene est circonscrite & bornée à un certain espace. L’inflammation maligne qui la précede est causée par un hétérogene pernicieux répandu dans la masse des humeurs, & qui fait périr l’endroit où il se rassemble. L’indication qui se présente le plus naturellement, c’est de fortifier & de ranimer le principe vital affoibli & languissant, afin qu’il puisse résister à la malignité de l’humeur gangréneuse. Les saignées ne conviennent point dans ce cas, puisqu’elles diminuent la force de l’action organique : loin d’arrêter les effets funestes de cette
malignité, elles peuvent au contraire les accélerer. C’est vraissemblablement, selon M. Quesnay, dans de pareils cas que Boerhaave dit que dans certaines inflammations épidémiques, on a vû les malades périr presqu’aussi tôt qu’ils ont été saignés, & plus ou moins promptement, selon qu’on leur tiroit plus ou moins de sang. On ne doit donc pas trop legerement recourir à ce remede dans ces inflammations languissantes qui tendent si fort à la gangrene : il y a des exemples sans nombre de fievres malignes & pestilentielles, de petites véroles, & de fievres pourprées, & autres maladies inflammatoires causées par des substances malignes qui tendent immédiatement à éteindre le principe vital, dans lesquelles la saignée, si utile dans d’autres cas, n’a d’autre effet que celui d’accélerer la mort.
Les Chirurgiens qui voyent à découvert les effets de la malignité des inflammations dont il s’agit, pensent plûtôt à défendre & à ranimer la partie mourante, qu’à répandre le sang du malade. Cependant si ces inflammations arrivent dans des corps pléthoriques, si elles ne dégénerent pas d’abord en gangrene, ou si elles sont fort ardentes, comme le sont souvent les érésipeles malignes, quelques saignées paroissent alors bien indiquées pour faciliter le jeu des vaisseaux, & tempérer un peu, s’il est possible, l’inflammation & la fievre ; mais lorsque la gangrene est décidée par l’œdématie pateuse, accompagnée de phlyctaines & de taches livides, la saignée est inutile.
Il faut considérer ces inflammations sous deux états différens ; savoir, lorsqu’elles font encore du progrès, & lorsqu’elles sont entierement dégénérées en gangrene. Dans le premier état, loin de s’opposer au progrès de cette inflammation, il faut la ranimer ; elle dépend d’une cause maligne qu’on doit laisser déposer entierement. On se sert avec succès des topiques résolutifs fort actifs, & quelquefois même des sinapismes les plus animés. Lorsque la mortification s’est emparée de la partie qui a été frappée d’inflammation maligne, il faut soûtenir les forces du malade par des cordiaux ; & s’il reste de l’espérance pour la vie, on pense à procurer la séparation des chairs mortes d’avec les chairs vives. Cette séparation dépend plus de la nature que de l’art ; on favorise l’action vitale en emportant une partie des escarres gangréneuses, sans intéresser les chairs vives, en touchant la circonférence des chairs mortes avec une dissolution de mercure dans l’esprit de nitre ; c’est un remede que Belloste vantoit beaucoup. Son efficacité vient de ce qu’il raffermit l’escarre, & qu’il suscite au bord des chairs vives voisines une petite inflammation, d’où résulte une suppuration purulente bien conditionnée, par laquelle se doit faire la séparation du mort d’avec le vif. Ce procédé, ou tout autre équivalent, a lieu dans toutes les gangrenes de causes humorales bornées, pour appeller la suppuration lorsqu’elle ne se déclare point, ou qu’elle est languissante.
L’étranglement est une des principales causes de la gangrene, & c’est celle qui a été le plus ignorée. M. Quesnay en a parlé savamment dans son traité de la gangrene ; on range sous le genre d’étranglement toutes les causes capables de comprimer ou de serrer assez les vaisseaux pour y arrêter le cours des liquides. Les anciens ne rapportoient à ce genre de cause que les compressions sensibles, qui empêchoient la distribution du sang ou des esprits dans une partie, comme une forte ligature, une tumeur, un os de plaie, ou une autre cause sensible qui comprimoit les nerfs ou les arteres d’une partie.
Les étranglemens qui arrêtent le sang dans les veines, peuvent être suivis d’engorgemens prodigieux, sans inflammation considérable ; M. Wanswieten rap-