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auteurs ont dit unanimement que les nerfs liés ne se gonfloient point ; cependant M. Molinelli dit dans les commentaires de l’académie de Boulogne, qu’après avoir lié le même nerf dans deux endroits différens & fort près l’un de l’autre, le nerf se gonfle entre les deux ligatures ; mais dans les expériences que j’ai faites, je l’ai vû gonflé au-dessus de la ligature ; il est bien vrai que cela n’arrive pas aussi-tôt & aussi sensiblement que dans les vaisseaux sanguins.

Ceci est confirmé par les observations que j’ai eu occasion de faire sur les cadavres de deux malades auxquels on avoit amputé à l’un la jambe, & à l’autre la cuisse. J’ai vû les nerfs sensiblement gonflés dans l’endroit où ils avoient été liés, & j’ai même observé la même disposition dans leurs filets gonflés que dans ceux des ganglions vertébraux. J’ai outre cela trouvé dans le cadavre d’un homme mort paralytique, une tumeur ganglioforme de la longueur de 7 à 8 lignes sur 4 à 5 de diametre dans la huitieme paire, un peu au-dessus de l’endroit où le nerf recurrent se détache de cette paire ; les glandes jugulaires étoient gonflées au-dessus de cette tumeur ; le malade avoit perdu l’usage de la parole quelque tems avant sa mort ; cependant la huitieme paire du côté opposé paroissoit dans son état naturel ; j’ouvris cette tumeur, & j’observai deux membranes très distinctes qui enveloppoient un corps transparent, comme de la gelée, mais beaucoup plus solide. J’ai eu d’ailleurs occasion de voir plusieurs fois les ganglions extraordinairement gonflés, mais les glandes conglobées qui les environnoient l’étoient aussi.

Tout ceci ne donne-t-il pas lieu de présumer que le tiraillement, le frottement, la compression, ou d’autres mouvemens méchaniques font former ces tumeurs ? & ne sembleroit-t-il pas même qu’on pourroit en déduire la présence d’un fluide, tel qu’il puisse entrer dans les nerfs ? (L)

Ganglion, (Chir.) tumeur circonscrite, mobile, sans douleur, & sans changement de couleur à la peau, qui vient dans les parties membraneuses sur les articulations des os du carpe & du tarse. Ces tumeurs sont du genre des enkistées. Elles se forment communément sans qu’il ait précédé aucun accident. Si elles ne se dissipent pas d’elles-mêmes, ce qui arrive quelquefois, on qu’on ne les détruise point par les secours convenables, lorsqu’elles sont encore récentes, elles parviennent souvent à une grandeur considérable. Elles deviennent alors incommodes, en gênant le mouvement de la partie, & le rendant pénible & douloureux.

La cause de ces tumeurs est une lymphe retenue dans une cellule du tissu folliculeux qui est entre les tendons & les os du poignet. Les contusions, les distensions violentes, les coups, les chûtes en sont ordinairement les causes occasionnelles. La mobilité de la tumeur montre bien qu’originairement elle ne tient ni aux os, ni aux tendons.

Les remedes résolutifs, discussifs, & fondans ne sont pas de grande utilité dans la cure de cette maladie, quoique les auteurs rapportent en avoir éprouvé de bons effets dans les ganglions récemment formés. La compression a communément plus de succès. On recommande aux personnes qui en ont, de les frotter fortement avec le pouce plusieurs fois par jour. Ces attritions répétées usent le kiste ; & il est ordinaire de sentir enfin la tumeur se dissiper absolument sous l’action du doigt qui la frottoit.

C’est pour favoriser l’ouverture du kiste & l’évacuation de l’humeur lymphatique, qu’on fait porter une plaque de plomb bien serrée sur la tumeur. On la fait frotter de vis-argent du côté qui touche à la peau ; ce qui ne paroît pas donner à cette plaque plus de vertu. On a des exemples de guérisons subites des ganglions par une forte compression qui rom-

poit ou faisoit crever le kiste. Muys vouloit qu’on

la fît avec le pouce ; Job à Mecustren recommandoit que la main fût posée sur une table, & qu’on frappât plusieurs fois le ganglion à coups de poing ; d’autres se sont servi avec succès d’un marteau de bois pour cette percussion : Solinger, fameux chirurgien hollandois, propose l’extirpation des ganglions ; d’autres auteurs rejettent cette opération ; elle n’est pas sans inconvénient, par rapport aux parties circonvoisines. Mais comme il est constant par toutes les cures qu’on a faites en comprimant, qu’il suffit que la membrane soit ouverte en un point quelconque de sa circonférence, pour laisser échapper l’humeur qu’elle renferme ; on ne courroit aucun risque de piquer le kiste avec une lancette, comme on ouvre une veine en saignant. M. Warner, de la société royale & chirurgien de l’hôpital de Guy à Londres, vient de nous donner dans un recueil d’observations de Chirurgie, le détail de deux cures de ganglions très-considérables, qu’il a jugé à-propos d’extirper ; ils étoient devenus adhérens aux tendons des doigts ; il a été obligé de couper dans son opération le ligament transversal du carpe : les malades qui ne pouvoient plus fermer la main, ni mouvoir les doigts, ont recouvré parfaitement l’usage de ces parties, après la guérison qui fut accomplie en 40 jours. L’auteur convient que ces opérations peuvent être suivies d’inflammation & d’abcès ; il ajoûte qu’il ne connoit point de cas où ils se soient mal terminés.

Parlerons-nous des moyens superstitieux auxquels quelques personnes ont la foiblesse d’avoir confiance pour la cure des ganglions ? L’application de la main d’un homme à l’agonie, jusqu’à ce qu’il soit mort, & tant qu’il conserve encore de la chaleur. Frotter la tumeur avec la chemise d’un homme qui vient de mourir, & qui est encore moite par la sueur de son corps. J’ai connu qu’on ne persuadoit pas de la sottise de ces moyens les gens qui s’étoient proposé d’y avoir recours ; je me suis plusieurs fois prêté dans les hôpitaux à ces tentatives ridicules, après avoir perdu mes raisons pour en détourner. (Y)

GANGRENE, s. f. terme de Chirurg. est la mort d’une partie, c’est-à-dire l’extinction ou l’abolition parfaite du sentiment & de toute action organique dans cette partie. Les auteurs mettent communément la gangrene au rang des tumeurs contre nature ; quoiqu’il y ait des gangrenes sans tuméfaction, comme Ambroise Paré, fameux chirurgien du xvj. siecle, l’avoit remarqué ; & c’est ce que les praticiens plus modernes ont reconnu par la division si utile qu’ils ont faite de la gangrene, en humide & en seche. L’on a aussi confondu la gangrene avec la pourriture. Cependant les parties peuvent être mortes sans être atteintes de putréfaction. Il est vrai que la pourriture dans bien des cas succede très-promptement à la mortification ; d’un autre côté la pourriture des chairs est toûjours accompagnée de mortification : mais la pourriture a des signes certains & très-sensibles, qui sont la dissolution putride & la puanteur cadavéreuse, qui ne se trouvent pas dans toutes les especes de gangrene. Il est donc important d’examiner cet état si différent suivant ses différentes causes, dont les effets variés produisent autant de maladies distinctes, qui fournissent des indications très-opposées.

La cause prochaine de la gangrene est l’extinction du principe vital dans les parties qui en sont atteintes. S’il y a de l’engorgement, la gangrene est humide. L’abondance des sucs arrêtés dans la partie qui tombe en mortification, est le caractere distinctif de cette gangrene. C’est l’engorgement qui la rend susceptible de pourriture, & qui est la principale source des indications particulieres que ce genre de gangrene fournit.

Les causes éloignées de la gangrene humide, sont