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enlever le cheval du pas, du trot & de l’amble même au galop ?

2°. Quels sont les moyens que l’on pourroit employer pour le remettre, dans le cas où il se desuniroit & falsifieroit ?

La premiere de ces questions n’offrira rien de difficile & d’épineux à quiconque considérera, que le tems qu’il s’agit ici de découvrir, n’est & ne peut être que l’instant où les membres du cheval, dans les unes ou les autres des allures supposées, & d’où l’on souhaite le partir, se trouvent disposés à-peu-près comme ils le sont lors de l’action à laquelle on se propose de le conduire.

Soit donc saisi, à l’effet de l’enlever sur la main droite, le moment où la jambe de devant se détachera de terre ; dans ce même moment la jambe de derriere du même côté est encore en mouvement pour se porter en-avant ; la jambe du montoir de devant se pose à terre, plus en-arriere que celle de devant du hors montoir, & la jambe de derriere du montoir est encore moins avancée que celle de dedans. Voyez la Planche des allures naturelles, & l’échelle podométrique qu’elle contient. Or si dans cet état & lors de cet arrangement du derriere, qui est le seul à la faveur duquel il soit possible de substituer aux actions intercalaires des membres au pas, les actions successives qui effectuent le galop ; vous aidez par un demi-arrêt proportionné, la levée de l’avant-main qu’operent principalement la battue & la percussion de la jambe gauche de devant qui s’est posée, & vous rejettez le poids du corps du cheval sur les hanches : le soûtien de l’extrémité antérieure sera le premier moment de l’intervention sollicitée, & la nouvelle disposition des quatre jambes étant précisément la même que celle qui est requise pour l’accomplissement du mouvement pressé, auquel vous desirez de porter l’animal, le tems recherché & qui doit être tiré de sa progression naturelle & de sa premiere allure, sera incontestablement pris.

La vîtesse du trot abrégeant infiniment la durée de l’action de chaque membre, ce tems par une conséquence nécessaire, fuit & s’échappe avec une extrème rapidité : de-là la plus grande difficulté d’agir dans une précision parfaite. Aussi-tôt que la jambe de devant de dedans se leve, la jambe gauche de derriere va se détacher de terre, & elle est encore plus en-arriere que la droite de l’arriere-main, qui étoit prête à se poser près de la direction du centre de gravité, au moment où l’autre alloit s’enlever. Voyez l’échelle podométrique de la même Planche. Cette position est donc encore conforme à celle de ces deux jambes au galop à droite. Or entreprenez dans ce même instant de détacher du sol le devant, la chûte de la jambe gauche de cette extrémité, ou sa foulée sur le terrein, favorisera l’effet de vos aides ; la droite sa voisine qui quittoit la terre pour se porter en-avant, s’y portera réellement en attendant la retombée de l’avant-main. La droite de derriere sera fixée sur le terrein, moins avant qu’elle ne s’y seroit fixée elle-même, mais plus avant que la gauche, qui demeurera à l’endroit où vous l’aurez surpris ; & vous trouverez enfin dans la situation des membres de l’animal, tout ce qui peut vous assûrer de la justesse du tems saisi.

Quant à l’amble, personne n’ignore que cette action est beaucoup plus basse que celle du pas & du trot ; elle ne peut être telle, qu’autant que les reins & tout l’arriere-main baisseroit davantage. Le tems qu’exige le passage de cette allure au galop, ne differe en aucune maniere de celui que nous venons d’indiquer ; parce que dès que ce tems n’est autre chose, ainsi que nous l’avons observé, que l’instant où les jambes du cheval figurent, s’il m’est permis d’user de cette expression, comme elles figurent lors de l’instant du partir, il ne peut être qu’invariable. Il se pré-

sente aussi bien plus aisément, attendu le plus de rapport du mouvement de l’animal ambulant avec le mouvement de celui qui galope ; mais on doit admettre quelque distinction, eu égard aux aides. Celle de la main sera modifiée ; parce que le derriere de l’animal fléchissant au point que chaque pié de derriere outrepasse dans sa portée la piste de celui de devant qu’il chasse, le poids réside naturellement sur les hanches, & l’extrémité antérieure doit être conséquemment plus aisément enlevée. D’ailleurs, outre que l’effort de la main doit diminuer, l’action des jambes doit être plus vive ; & dès-lors le cheval embrassera plus de terrein. Que si les aides étoient les mêmes que celles que l’on doit mettre en usage pour passer du pas au galop ; & si le tems de la main & des jambes étoit en égalité de force, il est certain que ses piés de derriere n’opéreroient en percutant que l’élevation, & non le transport du corps en-avant, comme si l’appui des jambes ne l’emportoit pas sur la force de la main, on courroit risque de provoquer sa chûte en l’acculant.

On peut encore enlever l’animal du moment de parer, de l’instant du repos, de l’action de reculer, & de tous les airs bas & relevés auxquels il manie ; mais quelqu’intéressans & quelque curieux que soient & que puissent être les détails auxquels la discussion des tems & des moyens de le partir, dans les uns & dans les autres de ces cas, nous assujettiroit ; nous les sacrifions au desir & à la nécessité d’abreger, & nous nous bornerons aux réflexions que nous suggere la seconde difficulté que nous nous sommes proposés d’éclaircir.

L’obligation de rappeller à la justesse & à l’union un cheval dont le galop est irrégulier & défectueux, suppose d’abord dans le cavalier une connoissance parfaite de l’ordre exact & précis, dans lequel les membres de l’animal doivent agir & se succéder, & un sentiment intime né de l’impression, ou de la sorte de réaction de leurs divers mouvemens sur lui. Cette connoissance infructueuse, si elle n’est jointe à ce sentiment, est bien-tôt acquise : mais ce sentiment inutile aussi, s’il n’est joint à cette connoissance, est infiniment tardif dans la plûpart des hommes ; & l’on peut dire qu’il en est même très-peu qui parviennent au degré de finesse, nécessaire pour juger du vice de l’action du cheval dans le premier moment, c’est-à-dire dans celui où le soûtien de devant doit être suivi de sa retombée & de sa chûte. Quelle est donc la cause de cette extrème difficulté de discerner l’accord ou le défaut de consentement des parties mûes dans un animal que l’on monte ? Elle réside moins dans l’inaptitude des éleves, que dans le peu de lumieres des maîtres, dont le plus grand nombre est incapable de les habituer à écouter, dans les leçons qui doivent précéder celle-ci, des tems, sans la science & sans l’observation desquels on ne peut maîtriser le cheval, en accompagner l’aisance & en développer les ressorts, & qui négligent encore de leur faire appercevoir dans cette allure, par la comparaison du sentiment qui les affecte quand l’animal est juste, & de celui qu’ils éprouvent quand il est faux, la différence qui doit les frapper dans l’instant & dans le cours de la falsification & de la desunion. Le cheval galope-t-il dans l’exactitude prescrite ? il est certain que votre corps suit & se prête à son action avec une facilité singuliere, & que votre épaule de dedans reçoit en quelque façon la principale impression de sa battue. La jambe de dedans de devant n’entame-t-elle pas ? l’incommodité qui en résulte s’étend jusqu’à votre poitrine, & il vous paroît même que l’animal se retient & chemine près de terre ; ce qui arrive réellement sur les cercles, car son épaule étant hors du mouvement & de la proportion naturelle du terrein, il ne peut se porter en-avant & se relever