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& de lumiere, je jugeois indiscrettement & sans examen du mérite d’une opinion, sur la foi du nom & de la réputation de son auteur. Voyez le nouv. Newkastle, édit. 1744. Conclure du changement qui résulte de la véhémence du trot, que cette action est le principe du galop, c’est avancer & soûtenir que la célérité seule en est la base : or rien de plus faux que cette maxime. Nous voyons en effet, que quelque lente que soit l’allure de l’animal, pourvû qu’elle soit soûtenue, elle est plus prochaine du degré requis pour le porter à ce mouvement prompt & pressé, que celle qui étant abandonnée, est dans un plus grand degré de vîtesse. Supposons, par exemple, un cheval dans l’action tardive d’un pas parfaitement écouté, ou d’un trot exactement uni ; il est incontestable que, malgré la lenteur de la progression dans l’un & dans l’autre de ces cas, ses forces se trouvant rassemblées, il sera plus libre & plus disposé à passer de ces mouvemens à une action rapide & diligente, que du pas alongé ou de campagne, ou que d’un trot simplement déterminé : il faut donc nécessairement convenir que le fondement & la condition réelle d’un vrai galop se rencontrent principalement dans le point d’union d’où naît la possibilité & la plus grande facilité que l’animal a de percuter & de s’enlever, & non dans une célérité qui l’éloignant de cet ensemble, ne sauroit produire qu’une action basse, rampante, & également précipitée sur les épaules & sur l’appui.

C’est sur cette vérité que porte évidemment la regle qui nous prescrit de ne point galoper un cheval qu’il ne se présente aisément & de lui-même à cette allure, & qui fixant d’une maniere positive les progrès qui dans l’école doivent précéder cette leçon, nous astreint à ne l’y exercer qu’autant qu’il a acquis la franchise, la souplesse & l’obéissance qui doivent en favoriser l’intelligence & l’exécution : il est tems alors de l’y solliciter, l’action du galop étant infiniment moins coûteuse & moins pénible à l’animal par le droit, qu’en tournant on le travaillera d’abord sur des lignes droites.

La difficulté qu’il éprouve sur des cercles, est néanmoins une ressource dont un homme de cheval profite habilement dans une foule d’occurences. Il est des chevaux naturellement ardens, qui s’animent toûjours de plus en plus en galopant, qui s’appuient & qui tirent de maniere qu’à peine le cavalier peut les maîtriser ; il en est encore, qui doüés de beaucoup d’agilité & de finesse, se desunissent souvent : plusieurs, non moins fins & non moins sensibles que ceux-ci, mais dont le corps peche par trop de longueur, communément falsifient ; quelques-uns ne partent jamais du pié qui doit mener. Le moyen d’appaiser la vivacité des premiers, de donner aux seconds l’habitude de la justesse des hanches, & aux autres celle de la justesse des épaules, est de les entamer préférablement sur un rond dont l’espace soit toûjours relatif à leur aptitude & aux vûes que l’on se propose ; parce que la piste circulaire exigeant une plus grande réunion de forces, & occupant, pour ainsi parler, toute l’attention de l’animal, en modere la fougue, & captive tellement ses membres, qu’il ne peut que ressentir une peine extrème, lorsqu’il veut se livrer aux mouvemens desordonnés d’une allure fausse & desunie. Après qu’ils ont été exercés ainsi, & lorsqu’ils sont parvenus au point desiré de tranquillité & d’assûrance, il est bon de les galoper devant eux, de même que de porter insensiblement sur les cercles ceux que l’on a commencé par le droit ; car l’aisance & la perfection de cette action dans un cheval qui d’ailleurs y a été préparé, dépend véritablement de la succession & même du mélange éclairé des leçons sur ces terreins diversement figurés.

Le trot a paru en général, eû égard aux premieres instructions, l’allure la plus propre & la plus conve-

nable pour partir, & pour enlever l’animal : elle est

telle en effet, quand elle est soûtenue ; parce que la vîtesse & l’ensemble étant alors réunis, pour peu que les aides ajoûtent au degré de percussion que l’une & l’autre suscitent, le cheval est bien-tôt & facilement déterminé. Il importe cependant d’en mesurer & d’en régler avec art la véhémence & le soûtien ; elle ne doit être abandonnée dans aucun cas : mais relativement à des chevaux qui tiennent du ramingue, ou qui sont pourvus d’une union naturelle, ou qui n’ont pas une certaine finesse, elle doit être plus ou moins alongée ; sa célérité ne pouvant que combattre la disposition qu’ils ont à se retenir, & suppléer dans ceux qui n’ont point assez de sensibilité, à la force que l’on seroit obligé d’employer, pour les résoudre à l’action qu’on leur demande. S’il s’agit de chevaux chargés d’épaules, ou bas du devant, ou longs de corps, ou qui ont de l’ardeur, & qui sont conséquemment enclins, les uns à s’appuyer considérablement sur la main, les autres à s’étendre & à peser, & les derniers à tirer, à s’échapper & à fuir ; il faut qu’elle soit proportionnément racourcie. Il arrive souvent, j’en conviens, que l’impatience & la vivacité de ceux-ci leur rendant insupportable la contrainte la plus legere, ils se gendarment & s’enlevent continuellement & plusieurs fois à la même place, sans se porter en avant. On ne peut pas néanmoins favoriser, en les pressant, leur penchant à se dérober : mais il est essentiel, dans ces momens de défense, de rendre la main avec assez de délicatesse & de subtilité pour les engager à suivre l’action entamée du galop ; à-moins qu’on ne les parte de l’allure modérée du pas, plûtôt que du trot, dont la promptitude les anime toûjours davantage ; cette voie étant la meilleure & la plus courte pour les tenir dans le calme, & pour obtenir d’eux l’application qui en assûre l’obéissance.

C’est sur la connoissance de la méchanique du galop, que doit être fondée la science des aides, qui peuvent en suggérer & en faciliter les moyens. Renfermez le cheval en arrondissant la main, & en tournant les ongles en haut ; ce qui opérera une tension & un racourcissement égal des deux rênes ; & approchez dans le même instant vos jambes du corps de l’animal : vous déterminerez infailliblement l’une & l’autre de ses extrémités à un mouvement contraire : car le devant étant retenu, & le derriere étant chassé, l’antérieure sera nécessairement détachée de terre, tandis que l’extrémité postérieure. occupée du poids de la masse, sera baissée & pliera à raison de ce même poids ; l’antérieure est en l’air : mais les foulées des deux jambes qui la recevront dans sa chûte, doivent être successives & non simultanées ; l’action de votre main & de vos jambes, action que vous avez dû proportionner au plus ou moins de sensibilité, au plus ou moins de souplesse du cheval, & à la réunion plus ou moins intime de ses membres, lors de l’instant qui précédoit le partir, sera donc subitement suivie du port de votre rêne droite à gauche, & de votre rêne gauche à vous, s’il s’agit d’un galop à droite ; ou de votre rêne gauche à droite, & de votre rêne droite à vous, s’il s’agit d’un galop à gauche. L’effet des unes ou des autres de ces rênes s’imprime sur l’épaule à laquelle elles répondent. Or l’épaule de dedans étant mûe sur le côté où la main la conduit, & celle de dehors étant arrêtée, le devant se trouve retréci, & la retombée en sera incontestablement fixée sur la jambe de dehors, dont la battue précedera celle de la jambe de dedans, qui, attendu le rejet de l’épaule sur le dehors, sera forcée dans la progression d’entamer, c’est-à-dire de devancer l’autre ; en même tems que le retrécissement du devant a lieu, l’élargissement du derriere s’effectue ; l’extrémité antérieure ne pouvant