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Huitieme observation. Ruysch a prouvé que la substance du foie est plus composée de la veine-porte que de la veine-cave. Cette idée a paru d’abord singuliere, parce que la veine cave, excepté un peu de bile, reporte tout le sang de la veine-porte, outre celui de l’artere hépatique, dont la quantité n’est pas médiocre ; mais cette raison démontre seulement la lenteur de la circulation du sang par les rameaux de la veine-porte.

Neuvieme observation. C’est Malpighi qui a le plus embelli l’hypothèse glanduleuse de la structure du foie. L’analogie tirée de l’examen des poissons, des quadrupedes, des oiseaux, la vûe, les injections & les maladies de ce viscere ont fait conclure à ce beau génie que le foie étoit une glande conglomérée, & que les grains qu’on y voyoit, présentoient des glandes simples, dont le canal secréteur étoit un pore biliaire. Winslow décrit les mêmes grains comme pulpeux, polygones au-dedans du foie, convexes à sa circonférence, & entourés d’un tissu celluleux. Ruysch a prétendu que les derniers rameaux des veines & du pore biliaire, s’unissoient à leurs extrémités en petits faisceaux indissolubles, semblables à des brins de vergette, sans aucune membrane propre ; & que ces petits paquets en avoient imposé à Malpighi, qui les avoit pris pour des glandes ; mais presque tous les modernes ont préféré l’opinion de Malpighi à celle de Ruysch.

Jeux de la nature. Il est certain que le foie varie naturellement dans plusieurs hommes, par rapport à sa position, sa conformation, sa figure, sa grosseur, sa petitesse, &c. Mais il n’est pas moins certain qu’on nous a donné sur cette matiere plusieurs observations, qui sont très-suspectes ou très-fausses. Telle est celle de Gemma, qui parle d’un foie qui pesoit, dit-il, 40 livres. Plusieurs autres observations méritent d’être confirmées ou expliquées ; telle est celle de M. Méry (mém. de Trévoux, Février 1716, pag. 316.), qui raconte avoir vû le foie situé au côté gauche, & la rate au côté droit. Mais quand Riolan rapporte avoir trouvé à l’ouverture d’un cadavre un foie qui égaloit à peine la grosseur d’un rein ; on conçoit aisément que des abcès ou d’autres maladies longues peuvent produire cet effet.

Les ligamens du foie multipliés par quelques habiles anatomistes, doivent vraissemblablement leur origine à ces jeux de la nature de ce viscere.

M. Littre a fait voir sur un foie humain, qui d’ailleurs étoit dans l’état naturel, & très-bien conditionné, que les glandes qui ne sont presque jamais sensibles, avoient près d’une ligne de diametre, & que les extrémités des arteres, de même que les racines de la veine-porte, de la veine-cave, & les conduits biliaires, qui se terminoient à ces glandes, étoient visibles sans microscope. Toutes les autres parties de cet homme qui venoit d’être tué, se trouverent très-saines ; d’où il semble qu’on pourroit dans ce cas attribuer à la premiere conformation cette grosseur plus qu’ordinaire des glandes du foie. Hist. de l’Acad. 1701. page 51.

M. Lemery a connu quelqu’un, dont le cadavre offrit en l’ouvrant une conformation de foie fort extraordinaire ; le viscere étoit rond, au lieu qu’il est communément convexe d’un côté, & concave de l’autre, & ses deux lobes n’étoient pas séparés. L’extrémité du pylore perçoit la propre substance du foie, & s’y unissoit intimement. Il n’y avoit point de vésicule du fiel, mais divers réservoirs qui paroissoient être formés par la réunion des canaux biliaires, lesquels servoient de vésicule, en communiquant la bile au duodenum par plusieurs petits conduits ; le canal pancréatique se réunissoit aussi au duodenum en cet endroit Hist. de l’Acad. 1701. page 54.

Remarques sur quelques cas rares de maladies du foie.

On a vû arriver à la partie supérieure & convexe du foie, à l’endroit où il est attaché au diaphragme, une inflammation phlegmoneuse qui se termine en suppuration ; alors l’abcès s’ouvre, & l’épanchement du pus cause un empyeme entre la deuxieme & troisieme côte. Mais comment cet empyeme peut-il se former, vû l’interposition du diaphragme & de la pleure qui couvre ce muscle du côté de la poitrine ? En voici peut-être l’explication. Le pus formé entre le foie & le diaphragme perce ce muscle & la pleure par son érosion ; ensuite agissant sur les muscles intercostaux, il les perce entre les deux côtes, & produit une tumeur externe dans ce lieu, comme à l’occasion d’une pleurésie ou péripneumonie, lorsque l’abcès s’ouvre, & que le pus s’épanche sur le diaphragme. Il arrive aussi quelquefois, que la partie intérieure du poumon se trouvant adhérente au diaphragme, le pus, après avoir rongé ces parties, est rejetté par les crachats.

Riolan parle d’un abcès au foie, dont le pus se vuida par l’estomac qu’il avoit percé à l’endroit où la suppuration se faisoit, c’est-à-dire joignant la partie cave du foie, qui est collée à l’estomac. Le même auteur assûre, qu’on a vû des tumeurs dans la partie convexe du foie, qui se sont heureusement déchargées par l’application du cautere ; ce cas peut se rencontrer, lorsque le foie se dilate à cause du pus dont il est plein, & qu’il s’attache au péritoine vis-à-vis les muscles obliques.

Les grandes blessures de tête produisent quelquefois des abcès au foie qui deviennent mortels. Bohn prétend avoir observé qu’une partie du foie formoit une hernie ombilicale. Enfin Hildanus rapporte qu’un blessé guérit, quoiqu’on lui eût tiré une portion du foie ; ce dernier fait est bien surprenant s’il est vrai.

Auteurs. On doit consulter, outre Ruysch & Malpighi, Glissonius, dont la premiere édition parut à Londres en 1654 avec figures. Rudbec (Olaus) exercit. anatom. exhibens ductus hepaticos aquosos, & vasa glandularum serosa, Lugd. Bat. 1654. in 12. Rolfincius (Guern) Dissert. de hepate, Jenæ, 1653. in-4o. Bianchi, hist. hepatica, Turin, 1710. in-4o. Mais il faut lire ce dernier auteur avec précaution, car il n’est pas exempt de fautes, & c’est assez son usage de renouveller des erreurs surannées. On trouvera dans les œuvres posthumes de Duverney qui sont sous presse, de très-belles choses sur cet organe, & dans les mém. de l’acad. des Scienc. ann. 1733. des recherches curieuses de M. Ferrein sur la structure & les vaisseaux du foie. A l’égard de la structure de ce viscere, il prétend que chacun de ses lobules est composé de deux substances différentes ; l’une qu’il appelle corticale, extérieure, friable, & d’un rouge tirant sur le jaune ; l’autre médullaire ou intérieure, rouge, pulpeuse, placée au centre de chaque grain, apparente dans plusieurs animaux, & souvent dans l’homme. Par rapport aux vaisseaux du foie, il a découvert diverses particularités dans les vaisseaux sanguins, les vaisseaux lymphatiques, & les conduits biliaires ; mais nous n’entrerons point dans ce détail, il nous conduiroit trop loin, & nous appréhendons même que cet article ne soit déjà trop étendu. (D. J.)

Foie, (Physiologie.) Les anciens n’ayant pas connoissance des vaisseaux qui servent à porter le chyle des premieres voies dans les secondes, & ayant trouvé tout près des principaux organes de la digestion, un gros viscere d’une couleur qui a beaucoup de rapport avec celle du sang, dont il paroît aussi plus rempli qu’aucun autre viscere, eu égard au grand nombre de veines qui y sont attachées, avoient imaginé que c’est dans cette partie à laquelle on a donné le nom de foie, que le suc des alimens est porté pour y être converti en sang, & que la bile n’est