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point de les occuper. Leur ardeur en seroit ralentie, & souvent ils ont besoin d’opiniâtreté pour faire sortir les lapins. Dans un grand terrier, un ou deux furets se lassent inutilement ; il en faut souvent six, & même plus, pour tourmenter les lapins & les forcer. La fatigue rebute les furets & les endort. Alors on a souvent de la peine à les reprendre. Quelques garenniers enfument le terrier avec de la paille, du soufre, de la poudre, &c. pour les éveiller, ou les contraindre à sortir. Mais le plus sûr moyen de reprendre son furet, c’est de faire au milieu du terrier un trou rond, d’un pié & demi de diametre, & de deux à trois piés de profondeur. Ce trou doit être place de maniere qu’il aboutisse par plusieurs passages aux principales chambres du terrier. On place au fond un lit de foin, & on se retire. Le furet qui est accoûtumé à coucher sur le foin rencontre ce lit, & on l’y retrouve presque toûjours endormi le lendemain matin. Article de M. le Roy, lieutenant des chasses du parc de Versailles.

* FUREUR, s. f. (Gramm. & Moral.) il se dit au singulier des passions violentes : c’en est le degré extrème ; il aime à la fureur. Mais il est propre à la colere. Au plurier, l’acception du terme change un peu. Il paroît marquer plutôt les effets de la passion que son degré ; exemple, les fureurs de la jalousie, les fureurs d’Oreste. On dit par métaphore que la mer entre en fureur ; c’est lorsqu’on voit ses eaux s’agiter, se gonfler, & qu’on les entend mugir au loin. Quand on dit la fureur des vents, on les regarde comme des êtres animés & violens. Il y a une fureur particuliere qu’on appelle fureur poétique ; c’est l’enthousiasme, voyez Enthousiasme. Il semble que l’artiste devroit concevoir cette fureur avec d’autant plus de force & de facilité, que son génie est moins contraint par les regles. Cela supposé, l’homme de génie qui converse, deviendroit plus aisément enthousiaste que l’orateur qui écrit, & celui-ci plus aisément encore que le poëte qui compose. Le musicien qui tient un instrument, & qui le fait résonner sous ses doigts, seroit plus voisin de cette espece d’ivresse, que le peintre qui est devant une toile muette. Mais l’enthousiasme n’appartient pas également à tous ces genres, & c’est la raison pour laquelle la chose n’est pas comme on croiroit d’abord qu’elle doit être. Il est plus essentiel au musicien d’être enthousiaste qu’au poëte, au poëte qu’au peintre, au peintre qu’à l’orateur, & à l’orateur qu’à l’homme qui converse. L’homme qui converse ne doit pas être froid, mais il doit être tranquille.

Fureur, (Mythol.) divinité allégorique du genre masculin chez les Romains, parce que furor dans la langue latine est de ce genre. Les Poëtes représentent ce dieu allégorique, la tête teinte de sang, le visage déchiré de mille plaies, & couvert d’un casque tout sanglant ; ce dieu, ajoûtent-ils, est enchaîné pendant la paix, les mains liées derriere le dos, assis sur un amas d’armes, frémissant de rage, & pendant la guerre ravageant tout, après avoir rompu ses chaînes. Voici la description qu’en fait Petrone dans son poëme de la guerre civile entre César & Pompée.

. . . . . . abruptis ceu liber habenis,
Sanguineum latè tollit caput, ora. . . mille
Vulneribus confossa cruenda casside velat
Hæret. . . . lævæ. . . . umbo,
Innumerabilibus telis gravis ; atque flagranti
Stipite dextra minax, terris incendia portat.

(D. J.)

Fureur, (Medecine.) c’est un symptome qui est commun à plusieurs sortes de délires ; il consiste en ce que le malade qui en est affecté, se porte avec violence à différens excès, semblables aux effets d’une sorte colere ; il ne parle, ne répond qu’avec

brutalité, en criant, en insultant : & s’il cherche à frapper, à mordre les personnes qui l’environnent ; s’il se maltraite lui-même, s’il déchire, brise, renverse ce qui se trouve sous ses mains ; en un mot, s’il se comporte comme une bête féroce, la fureur prend le nom de rage.

On ne doit donc pas confondre la fureur avec la manie, quoiqu’il n’y ait point de manie sans fureur ; puisque ce symptome a aussi lieu essentiellement dans la phrénésie, assez souvent dans l’hydrophobie, & quelquefois jusqu’à la rage dans chacune de ces maladies ; mais aucune d’entr’elles n’étant aussi durable que la manie, parce qu’elle est la seule qui soit constamment sans fievre ; c’est aussi dans la manie que la fureur qui la distingue de la simple folie, subsiste le plus long-tems.

Ainsi, comme on ne peut pas traiter de la manie sans traiter de la fureur, comme du symptome qui en est le signe caractéristique, en tant qu’il est joint à un délire universel sans fievre ; pour éviter les repétitions, voyez Manie. Voyez aussi Délire, Phrénésie, Rage, Rage canine, & l’article suivant. (d)

Fureur utérine, nymphomania, furor uterinus ; c’est une maladie qui est une espece de délire attribué par cette dénomination aux seules personnes du sexe, qu’un appétit vénérien demésuré porte violemment à se satisfaire, à chercher sans pudeur les moyens de parvenir à ce but ; à tenir les propos les plus obscènes, à faire les choses les plus indécentes pour exciter les hommes qui les approchent à éteindre l’ardeur dont elles sont dévorées ; à ne parler, à n’être occupées que des idées relatives à cet objet ; à n’agir que pour se procurer le soulagement dont le besoin les presse, jusqu’à vouloir forcer ceux qui se refusent aux desirs qu’elles témoignent ; & c’est principalement par le dernier de ces symptomes, que cette sorte de délire peut être regardée comme une sorte de fureur, qui tient du caractere de la manie, puisqu’elle est sans fievre.

Ainsi comme la faim, ce sentiment qui fait sentir le besoin de prendre de la nourriture, & qui porte à le satisfaire, peut, par la privation des moyens trop long-tems continués, dégénérer en fureur jusqu’à la rage ; de même le desir de l’acte vénérien qui est un vrai besoin naturel dans certaines circonstances, eu égard au tempérament ou à d’autres causes propres à faire naître ou augmenter la disposition à ressentir vivement les aiguillons de la chair, peut être porté jusqu’à la manie, jusqu’aux plus grands excès physiques & moraux, qui tendent tous à la joüissance de l’objet, par le moyen duquel peut être assouvie la passion ardente pour le coït.

Si l’observation avoit fourni des exemples d’hommes affectés d’une envie déréglée de cette espece, poussée à une pareille extrémité, on auroit pû appeller la lésion des fonctions animales qui en seroit l’effet, fureur vénérienne ; nom qui auroit convenu à cette sorte de délire considéré dans les deux sexes : mais les hommes n’y sont pas sujets comme les femmes ; soit parce qu’en général les mœurs n’exigent nulle part d’eux la retenue, la contrainte, en quoi consiste la pudeur, cette vertu si recommandée aux femmes dans presque toutes les nations, même dans celles qui sont le moins civilisées ; parce qu’elle est une sorte d’attrait à l’égard des hommes, qui leur fait un plaisir de surmonter les obstacles opposés à leur desir, & qui contribue par conséquent davantage à entretenir le penchant des hommes pour les femmes, à favoriser la propagation de l’espece humaine ; soit aussi parce que les hommes sont constitués relativement aux organes de la génération, de maniere qu’il peut s’y exciter des mouvemens spontanés ; d’où s’ensuivent des effets propres à faire