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roît ensuite, couvert d’un dais en forme de dôme, qui est entierement d’étoffe de soie violette, avec des houpes de soie blanche aux quatre coins, qui sont brodées & très-proprement entrelacées de cordons. La machine dont nous parlons, & sur laquelle on a posé le cercueil, est portée par soixante-quatre personnes ; ceux qui ne sont point en état d’en faire la dépense, se servent d’une machine qui n’exige pas un si grand nombre de porteurs. Le fils aîné à la tête des autres enfans & des petits-fils, suit à pié, couvert d’un sac de chanvre, appuyé sur un bâton, le corps tout courbé, & comme accablé sous le poids de sa douleur.

On voit ensuite les parens & les amis tous vêtus de deuil, & un grand nombre de chaises couvertes d’étoffe blanche, ou sont les filles, les femmes, & les esclaves du défunt, qui font retentir l’air de leurs cris.

Quand on est arrivé au lieu de la sépulture, on voit à quelque distance de la tombe des tables rangées dans des salles qu’on a fait élever exprés ; & tandis que les cérémonies accoûtumées se pratiquent, les domestiques y préparent un repas, qui sert ensuite à régaler toute la compagnie.

Quelquefois après le repas, les parens & les amis se prosternent de nouveau, en frappant la terre du front devant le tombeau. Le fils aîné & les autres enfans répondent à leurs honnêtetés par quelques signes extérieurs, mais dans un profond silence. S’il s’agit d’un grand seigneur, il y a plusieurs appartemens à sa sépulture ; & après qu’on y a porte le cercueil, un grand nombre de parens y demeurent un & même deux mois, pour y renouveller tous les jours avec les enfans du défunt les marques de leur douleur. (D. J.)

Funérailles des sauvages d’Amérique. « Parmi les peuples d’Amérique, dit le P. de Charlevoix, sitôt qu’un malade a rendu les derniers soupirs, tout retentit de gémissemens ; & cela dure autant que la famille est en état de fournir à la dépense ; car il faut tenir table ouverte pendant tout ce tems-là. Le cadavre paré de sa plus belle robe, le visage peint, ses armes & tout ce qu’il possédoit à côté de lui, est exposé à la porte de la cabanne, dans la posture qu’il doit avoir dans le tombeau ; & cette posture, en plusieurs endroits, est celle où l’enfant est dans le sein de sa mere. L’usage de quelques nations est que les parens du défunt jeûnent jusqu’à la fin des funérailles ; & tout cet intervalle se passe en pleurs, en éjulations, à régaler tous ceux dont on reçoit la visite, à faire l’éloge du mort, & en complimens réciproques. Chez d’autres, on loue des pleureuses, qui s’acquittent parfaitement de leur devoir ; elles chantent, elles dansent, elles pleurent sans cesse, & toûjours en cadence : mais ces démonstrations d’une douleur empruntée ne préjudicient point à ce que la nature exige des parens du défunt.

» On porte, sans aucune cérémonie le corps au lieu de sa sépulture : mais quand il est dans la fosse, on a soin de le couvrir de maniere que la terre ne le touche point : il y est dans une cellule toute tapissée de peaux ; on dresse ensuite un poteau où l’on attache tout ce qui peut marquer l’estime qu’on faisoit du mort, comme son portrait, &c. . . . On y porte tous les matins de nouvelles provisions ; & comme les chiens & d’autres bêtes ne manquent point d’en faire leur profit, on veut bien se persuader que c’est l’ame du défunt qui y est venue prendre sa réfection.

» Quand quelqu’un meurt dans le tems de la chasse, on expose son corps sur un échafaut fort élevé, & il y demeure jusqu’au départ de la troupe qui l’emporte avec elle au village. Les corps de ceux qui

meurent à la guerre sont brûlés, & leurs cendres rapportées pour être mises dans la sépulture de leurs peres. Ces sépultures, parmi les nations les plus sédentaires, sont des especes de cimetieres près du village : d’autres enterrent leurs morts dans les bois au pié des arbres, ou les font secher & les gardent dans des caisses jusqu’à la fete des morts.

» On observe en quelques endroits, pour ceux qui se sont noyés ou qui sont morts de froid, un cérémonial assez bisarre. Les préliminaires des pleurs, des danses, des chants, & des festins, étant achevés, on porte le corps au lieu de la sépulture ; ou, si l’on est trop éloigné de l’endroit où il doit demeurer en dépôt jusqu’à la fête des morts, on y creuse une fosse très-large, & on y allume du feu ; de jeunes gens s’approchent ensuite du cadavre, coupent les chairs aux parties qui ont été crayonnées par un maître des cérémonies, & les jettent dans le feu avec les visceres ; puis ils placent le cadavre ainsi déchiqueté dans le lieu qui lui est destiné. Durant cette opération, les femmes, & sur-tout les parentes du défunt, tournent sans cesse autour de ceux qui travaillent ; les exhortent à bien s’acquitter de leur emploi ; & leur mettent des grains de porcelaine dans la bouche, comme on y mettroit des dragées à des enfans pour les engager à quelque chose qu’on souhaiteroit d’eux ».

L’enterrement est suivi de présens qu’on fait à la famille affligée ; & cela s’appelle couvrir le mort : on fait ensuite des festins accompagnés de jeux & de combats, où l’on propose des prix ; & là, comme dans l’antiquité payenne, une action toute lugubre est terminée par des chants & des cris de victoire.

Le même auteur rapporte que chez les Natchez, une des nations sauvages de la Loüisianne, quand une femme chef, c’est-à-dire noble, ou de la race du soleil, meurt, on étrangle douze petits enfans & quatorze grandes personnes, pour être enterrés avec elles. Journ d’un voyag. d’Amériq. (G)

Funérailles des Misilimakinaks. Il y a d’autres sauvages de l’Amérique qui n’enterrent point leurs morts, mais qui les brûlent ; il y en a même, divisés en ce qu’ils nomment familles, parmi lesquelles est la prérogative attachée à telle famille uniquement, de pouvoir brûler ses morts, tandis que les autres familles sont obligées de les enterrer : c’est ce qu’on voit chez les Misilimakinaks, peuple sauvage de l’Amérique septentrionale de la Nouvelle-France, où la seule famille du grand Lievre joüit du privilége de brûler ses cadavres ; dans les deux autres familles qui forment cette nation, quand quelqu’un de ses capitaines est décédé, on prépare un vaste cercueil, où après avoir couché le corps vêtu de ses plus beaux habits, on y renferme avec lui sa couverture, son fusil, sa provision de poudre & de plomb, son arc, ses fleches, sa chaudiere, son plat, son casse-tête, son calumet, sa boîte de vermillon, son miroir, & tous les présens qui lui ont été donnés à sa mort ; ils s’imaginent qu’avec ce cortége, il fera plus aisément le voyage dans l’autre monde, & qu’il sera mieux reçû des plus grands capitaines de la nation, qui le conduiront avec eux dans un lieu de délices. Pendant que tout cet attirail s’ajuste dans le cercueil, les parens du mort assistent à cette cérémonie en chantant d’un ton lugubre, & en remuant en cadence un bâton où ils ont attaché plusieurs petites sonnettes. (D. J.)

Funérailles des Ethiopiens. Lorsque quelqu’un d’eux vient à mourir, on entend de tous côtés des cris épouvantables ; tous les voisins s’assemblent dans la maison du défunt, & pleurent avec les parens qui s’y trouvent. On lave le corps mort ; après l’avoir enveloppé d’un linceuil de coton, on le met dans un cercueil, au milieu d’une salle éclairée par des flambeaux de cire : on redouble alors les cris & les pleurs au son