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point dans le jeu de ses organes ; & ce jeu pour être excité n’aura pas besoin de l’impression de la force & de la violence, dès que les conditions sous lesquelles il peut être sollicité, seront exactement suivies, c’est-à-dire dès qu’il sera, s’il m’est permis de m’expliquer ainsi, en raison composée de la disposition premiere & de la disposition acquise de ces mêmes organes. J’entends par disposition acquise, celle qui résulte de la répétition d’une action, dont les rapports avec une nouvelle action demandée, sont évidens ; & si, eu égard au mouvement dont je traite ici, je recherche les actions qui lui étant relatives peuvent par leur nature y préparer le cheval, je les trouverai sans doute dans celles que suggerent les leçons qui tendent à procurer la souplesse des épaules, & un commencement d’union. Voyez Union. Ces leçons administrées 1o sur les cercles, 2o sur le quarré représenté par le manége, non-seulement invitent l’omoplate & l’humerus au mouvement circulaire dont ces parties sont susceptibles, mais elles contraignent, lorsque ce mouvement est bien effectué, les extrémités postérieurs à un retrécissement, d’où naît de la part de ces extrémités une propension à chevaler, puisque la foulée de l’une des jambes de derriere se rencontre toûjours au-devant de la piste de celle qui l’avoisine. V. Epaule. Or l’action de cheminer de côté, soit au pas, soit au trot, ne pouvant être accomplie qu’autant que les membres du devant & du derriere croiseront successivement, & que chaque jambe de dehors passera sur chaque jambe de dedans qui forme sa paire ou qui lui répond, il s’ensuit que le mouvement qui y a le plus de rapport & d’affinité, est sans contestation celui que les leçons dont je viens d’examiner les effets, sollicitent ; d’où, par une conséquence nécessaire, on peut juger de l’importance d’y exercer parfaitement & long-tems l’animal, avant de tenter & d’entreprendre de lui faire fuir les talons. Supposons à-présent que nous soyons assûrés de la liberté & de la franchise de ses membres, dans le sens où leur articulation sphéroïde leur permet de se mouvoir, nous débuterons par l’observation des lignes qui traçant de simples, conduisent à des changemens de main étroits. Nous maintiendrons d’abord scrupuleusement l’animal droit de tête, d’épaules & de hanches, sur celles de ces lignes qui sont droites, ainsi que sur la ligne oblique, que nous devons décrire pour arriver au mur. Ces demi-voltes exécutées avec précision à chaque main, nous commencerons à engager legerement la croupe, lorsque nous parviendrons sur cette derniere ligne, en dirigeant la rêne de dedans en-dehors, c’est-à dire en la croisant de maniere à rejetter foiblement néanmoins l’épaule de dedans sur le dehors, & à assujettir proportionnément par ce moyen les hanches, naturellement portées à se déterminer toûjours dans une direction opposée à celle du devant. Dans cet état le corps de l’animal chemine dans un degré d’obliquité imperceptible ; & les pistes de ses extrémités antérieures & postérieures sont telles, que la ligne oblique qui passoit auparavant entre ses quatre jambes sur la longueur, se trouve foulée par celle de dedans de devant, & par celle de dehors de derriere. A proportion de la facilité que le cheval acquiert par un travail réitéré & assidu, ce degré d’obliquité doit à l’une & à l’autre main, accroitre insensiblement, jusqu’à ce que la foulée du pié antérieur de dehors s’effectue toujours & à chaque pas, de maniere que si depuis cette foulée on tiroit une ligne droite en-arriere, cette même ligne répondroit au milieu de la piste tracée par les extrémités postérieures ; car les épaules dans cette action, doivent constamment précéder les hanches. Pour y parvenir, il s’agit d’augmenter insensiblement aussi la force de la rêne de dedans, qui doit captiver la croupe, en ob-

servant sans cesse de la croiser de telle sorte que la résistance ne cede que graduellement à l’effort de la puissance ; & comme l’effet de cette même rêne agissant seule, & portée sur le dehors à un certain point, s’imprimeroit avec trop de violence sur les épaules, & que celle de dehors se trouveroit dès-lors si contrainte & si retenue, qu’il ne seroit pas possible à l’animal de chevaler, & qu’il s’entableroit infailliblement ; il est indispensable à mesure qu’il présente de plus en plus le flanc sur le côté où il est mû, de croiser & de mettre en œuvre la rêne de dehors, dont l’office sera de porter continuellement la jambe de dehors sur celle de dedans, la rêne de dedans demeurant chargée de s’opposer à la sortie de la croupe. C’est ici que se manifestent principalement la nécessité & l’importance de saisir avec précision les tems des jambes. Les rênes, ces muscles artificiels, si je peux employer cette expression, n’ont d’efficacité qu’autant que la disposition actuelle des membres favorise la possibilité de l’action à laquelle elles doivent déterminer. Vainement les jambes seront-elles sollicitées dans l’instant de leur chûte, à suivre une autre direction que celle qui les attire sur le sol sur lequel elles descendent, & sur lequel elles sont en voie de se poser. Il faut donc absolument, & pour ne point faire violence à la nature, profiter des momens rapides & successifs, où elles seront dans leur soûtien. Celle de dehors est-elle en l’air ? celle de dedans est à terre. Croisez la rêne de dehors en-dedans, l’épaule de dehors obligée au mouvement circulaire de la faculté duquel elle est doüée, l’extrémité qu’elle dirige sera nécessitée de passer sur celle qui repose. Celle-ci est-elle élevée à son tour ? agissez de la rêne de dedans, mais en raison du mouvement que vous vous proposez de suggérer à la jambe du même côté, & opérez avec cette activité, cette finesse & cette subtilité qu’exigent les tems des deux rênes ; tems qui peuvent échapper d’autant plus aisément, qu’ils sont, ainsi qu’on doit le comprendre, extremement près & voisins l’un de l’autre.

Jusqu’à-présent nous ne nous sommes occupés que des aides de la main : celles des jambes du cavalier seroient-elles donc inutiles ? Je n’ai garde de les envisager comme telles ; mais en me défendant des piéges du préjugé, je les regarde simplement comme des aides nécessaires ou auxiliaires, à-moins qu’il soit besoin de déterminer la machine en-avant ; car ce n’est que dans ce cas qu’elles doivent être tenues pour des aides capitales. Voyez Manége. Or dans la supposition où le cheval se seroit retenu lors de mes premieres opérations, j’aurois approché mes jambes à l’effet de le resoudre, tandis que ma main auroit toûjours conduit & reglé les mouvemens des membres ; & si ma rêne de dedans n’avoit pû contenir les hanches, & empêcher le cheval de devuider, j’aurois d’abord & sur le champ mis à moi la rêne de dehors, sans cesser de croiser l’autre dont j’aurois accru la tension ; & je n’aurois fait usage de ma jambe de dehors, que dans la circonstance de l’insuffisance de ces deux premiers agens.

Cet exercice sur les changemens de main étroits, pratiqué assez constamment pour frapper l’intelligence du cheval, & pour le confirmer dans l’exécution de cette leçon, on lui proposera des changemens de main larges. De ces changemens de main larges, on le conduira sur des cercles plus ou moins étendus, en cherchant à le rendre également libre aux deux mains ; & enfin on le travaillera de la même maniere, la tête ou la croupe au mur ; la tête au mur s’il tire, s’il pese, s’il a de l’ardeur, parce que par ce moyen il sera forcé de se rassembler, de s’allégerir & de s’appaiser avec moins d’aide de la bride, & non s’il a de la disposition à être rétif ou ramingue ; car les leçons étroites & si fort limitées le