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Une montre ordinaire fait cinq vibrations par seconde. Se fixant à remonter sa montre toutes les 24 heures, il est nécessaire de la faire aller 30 heures. C’est donc sur ces 30 heures que nous allons faire notre calcul.

Ainsi 30 heures × 60′× 60″ × 5 vibrations = 540000.

Comme la roue de l’échappement fait deux vibrations par chaque dent, il faut prendre la moitié de 540000 = 270000 ; de sorte que s’il étoit possible d’exécuter une roue de ce nombre, l’on n’auroit qu’une révolution en 30 heures, ce qui feroit bien peu de frottement.

L’on sait que le ressort ou poids moteur qui fait marcher la piece, fait ordinairement sept tours & demi à la premiere roue ; par conséquent il faut diviser encore ce nombre de 270000 par 7 = 36000. Ce nombre est encore trop grand. Il en faut tirer la roue d’échappement que l’on fera la plus grande qu’il se pourra.

1°. Cette roue étant fort grande, on y pourra faire un grand nombre de dents, ce qui diminue les révolutions.

2°. Cette roue étant bien nombrée, ses dents tendent à être paralleles entr’elles ; & par ce moyen l’action des dents sur le rayon du cylindre ou palette de l’axe du balancier rapproche de la simple pulsion ; ce qui donne beaucoup de facilité pour faire décrire l’arc de levée.

3°. Le frottement des pivots est moindre sur une grande roue que sur une petite, comme nous le ferons voir en son lieu.

4°. Le recul dans l’échappement est en raison composée de la directe des arcs que le balancier décrit & de l’inverse du nombre des dents de la roue ; de même l’arc de repos est d’autant plus grand, que la roue est moins nombrée. D’où il suit par le concours de ces quatre causes une diminution de frottement sur l’échappement, soit à repos ou à recul, objet le plus intéressant de toute l’Horlogerie.

L’on met ordinairement 15 dents à la roue d’échappement (il faut néanmoins augmenter ce nombre toutes les fois que la place de la montre ou la nature de l’échappement le peut permettre) ; il faut donc diviser 36000 par 15, ce qui donnera 2400 révolutions de la roue de rencontre en 30 heures.

Il est aisé de voir que pour satisfaire à ce nombre de révolutions, il est nécessaire non-seulement d’employer plusieurs roues, mais encore des pignons sur lesquels elles agissent pour se communiquer les unes aux autres. Il est encore aisé de concevoir que plus on augmentera le nombre des roues & des pignons, plus on augmentera les révolutions. De plus dans ce nombre de roues que l’on employe, il est nécessaire de distribuer le nombre des dents qu’on leur donne dans le rapport le plus avantageux, c’est-à-dire dans celui qui multiplie le moins les révolutions.

Les pignons sont les diviseurs des roues qui les conduisent ; les quotiens en sont les exposans ou rapports, lesquels étant multipliés les uns par les autres, font la fonction de facteur pour trouver le produit total égal au solide des roues divisé par le solide des pignons. Or 2400 révolutions doivent être considérées comme un solide dont on cherche le plus petit nombre de facteurs qui ont pu le produire.

Comme nous avons besoin d’une méthode ou d’une regle qui enseigne à trouver le plus petit nombre de roues pour satisfaire aux révolutions données, nous l’allons faire par le théorème suivant.

La somme de deux produisans étant donnée, on trouve que le produit de l’un par l’autre sera d’autant plus grand, que les produisans rapprocheront plus d’être égaux : de plus, que la différence des

produits sera égale au quarré de l’inégalité que l’on donnera aux produisans, en donnant à l’un ce que l’on aura ôté à l’autre.

Soit , & .

Si l’on retranche de A une quantité X, pour le joindre à l’autre, l’on aura , & . D’où il suit que le produit de A par A diminue comme le quarré de X, quantité qui a formé l’inégalité.

Ensuite le quarré de l’inégalité est égal au quarré de la moitié de la différence, ou la différence est toûjours double de l’inégalité ; car de retranchez , l’on aura  : mais .

Il est aisé de voir que ce qui est démontré sur le produit de deux facteurs, ne l’est pas moins pour un produit de tant de facteurs qu’on voudra.

Les pignons étant les diviseurs des roues, & n’ayant pas encore déterminé quel nombre l’on veut employer aux pignons, nous prendrons l’unité pour pignon, & l’on aura les . Il faut tirer la = à-peu-près , lesquelles il faudra multiplier par le nombre des aîles qu’on donnera aux pignons ; supposé que l’on veuille donner 6 aîles, alors  ; & ce seroit pour deux roues. Comme ce nombre est trop grand, il faut tirer la = à-peu-près . Ce nombre est encore trop grand dans l’usage ordinaire ; il faut donc tirer la = à-peu-près .

L’on voit par cette épreuve que l’on ne peut pas employer moins de 4 roues, les trois premieres étant trop nombrées, l’on a donc 4 facteurs . Comme il est nécessaire de changer quelques-uns de ces rapports, à cause que les pignons qui approchent de la force motrice doivent avoir des axes de résistance, parce qu’ils reçoivent immédiatement l’impression du moteur, l’usage fait ces premiers pignons de 8, 10 ou 12. Si l’on prend 12 pour premier pignon, la roue qui le conduit pourra avoir 48 dents ; le rapport sera de . Comme cela diminueroit le produit total, on augmentera les autres rapports le plus également qu’il se pourra, par la raison exprimée dans le théorème.

En les faisant de , il n’est point nécessaire de rendre ces 2304 égaux à 2400, la différence étant trop peu de chose sur le total, puisque cela ne fait pas une heure sur 30. Si l’on veut qu’elle aille plus que moins, en substituant le rapport de à celui de , le produit sera 2880 révolutions ; ce qui donnera dequoi fournir 33 heures.

L’on voit par cette méthode que le nombre des facteurs étant trouvé, il ne faut en augmenter la somme, ni leur donner de l’inégalité entre eux sans des raisons suffisantes, puisque cela ne peut être qu’en multipliant les révolutions.

L’on sera convaincu de l’avantage qui résulte de l’application de ce principe, dans les exemples suivans. La plûpart des horlogers s’imaginent que pour la cramaillere d’une répétition, en faisant la premiere poulie petite, & augmentant d’autant le rayon sur lequel le poussoir agit, il ne résulte que la même résistance ; ce qui est contraire au principe établi, d’autant que les rayons n’agissent que par voie de multiplication.