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à la loupe avoir changé d’état. On rétablit le mouvement à cet échappement en y introduisant de l’huile qui y est absolument nécessaire. Sa constance dépend donc de la conservation & fluidité de l’huile : car si elle vient à se perdre & à s’épaissir, la poussiere & les parties qui peuvent s’être détachées de l’un & l’autre corps, forment un emeri qui use & scie le cylindre. Je sais que cette altération n’arrive pas également à tous les cylindres ; mais c’est une suite de la nature des frottemens par les différentes causes énoncées ci-devant.

Les frottemens accidentels de cet échappement, sont 1°. l’entaille du cylindre trop juste, le fond de la roue trop approché de l’extrémité des tranches du cylindre, & le jeu que le balancier peut avoir en hauteur ainsi que la roue, l’épaississement de l’huile qui rapproche toutes ces parties au point qu’elles ne manquent pas de causer un leger frottement, & d’altérer beaucoup l’arc de vibration.

2°. Un autre frottement aussi pernicieux que le précédent, peut venir de ce que la roue n’a pas ses dents assez creusées, pour que le cylindre qui doit tourner dedans, le puisse faire avec de l’espace de reste ; car l’huile que porte la circonférence convexe du cylindre, & la poussiere que cette huile retient, forment une épaisseur qui ne manque point d’altérer la vibration.

Enfin il faut éviter la trop grande justesse des chûtes ; car elle augmente par l’épaississement de l’huile & gene la vibration : tous défauts qui concourent à troubler l’isochronisme, ce que j’ai vû arriver assez souvent à des montres bien faites.

Dans le nouvel échappement à virgule que j’ai perfectionné, & qui a été reconnu pour tel par l’académie des Sciences, la perfection consiste 1°. dans la réduction du frottement des repos, qui dans tous les échappemens à repos se fait par un mouvement direct & rétrograde. J’insiste sur ce frottement à double sens, parce qu’il n’y a point de cas où les corps se détruisent si fort que lorsque les particules qui constituent le frottement, se couchent & se redressent alternativement ; ce qui en cause la destruction & produit une très-grande variété dans le mouvement. 2°. Dans la réduction du frottement des chevilles, qui agissent sur les plans ou virgules qui forment un angle dont le sommet rapproché du centre étant plus aigu, en facilite l’arc de levée. Il faut néanmoins de l’huile à cet échappement : mais un grand avantage que je lui trouve sur celui à cylindre, c’est d’avoir de petites chevilles de cuivre qui frottent sur des plans d’acier ; au lieu que dans le précédent ce sont des plans de cuivre qui frottent sur des tranches d’acier.

Pour sentir l’importance de cet avantage, il faut considérer que si deux corps frottés l’un contre l’autre sont de même dureté, ils s’useront également ; & que s’ils sont inégalement durs, le plus dur usera celui qui l’est le moins. L’on se sert de la lime pour tous les corps moins durs qu’elle. Mais s’il arrive que le corps à user soit plus dur qu’aucune lime, que fait-on ? On interpose entre les corps frottans un troisieme corps en poudre, délayé avec l’huile ou l’eau ; & ce troisieme corps est ou de la poudre de diamant, ou de l’émeri, ou de la potée d’étain, ou du rouge. Qu’arrive-t-il alors ? si les corps sont également durs, ils sont également usés. S’ils sont inégalement durs, c’est le mou qui use le dur. Par quelle raison ? c’est que c’est ce mou qui recevant dans son tissu les particules de la poussiere interne & acre, s’en arme & forme une espece de lime dont les grains ou de diamant, ou d’émeri, agissent nécessairement sur l’autre corps, & défendent d’usure celui qui en est armé. Voilà le fondement de l’art du diamantaire, & d’une infinité d’autres manœuvres

où les corps durs sont usés par des mous, à l’aide d’une poussiere intermédiaire plus dure que l’un & l’autre, mais dont le mou s’arme mieux, & plûtôt que le dur. On voit qu’il faut cependant au mou une certaine consistence entre ses parties, afin qu’elles servent de point d’usure aux molécules de la poussiere qui s’interposeront.

Expliquons maintenant ici ce principe ; si deux corps se frottent, qu’on y introduise de l’huile, & qu’il vienne à se détacher quelque partie dure, ces parties dures & la poussiere que l’huile y rassemble, s’inséreront dans les pores de la piece molle, & useront la partie sur laquelle elles auront agi. Or les chevilles ne peuvent recevoir beaucoup de ces particules qui pénetrent le cuivre, attendu qu’elles sont rondes & fort déliées, & qu’elles parcourent une grande surface d’acier qui s’use peu.

Au contraire dans l’échappement à cylindre, la roue au lieu de chevilles, a des plans de cuivre auxquels les particules dures s’attachent, & forment une espece de meule qui agissant sur les tranches du cylindre, l’alterent & le détruisent. C’est par une semblable raison que la meule du diamantaire use le diamant ; de sorte que l’huile que l’on est obligé de mettre aux échappemens à repos pour leur faciliter le mouvement, est elle-même la cause de leur destruction qui arrive plus ou moins vîte, selon que le propriétaire a soin de sa montre.

Il y a deux cas où ces sortes d’échappemens paroissent se soûtenir assez régulierement.

1°. Lorsque la force motrice est suffisante pour faire décrire de grands arcs : mais dans ce cas la destruction a lieu.

2°. Lorsque la force motrice étant moindre, l’huile venant à se dessécher, insensiblement forme sur les surfaces du cylindre une espece de mastic qui en pénetre les pores : alors la dent glisse sur le cylindre avec assez de facilité, & l’altération n’a pas lieu. Mais on ne peut pas répondre que ce desséchement se sera à-propos, puisqu’on le voit rarement arriver même aux meilleures montres.

De l’échappement à recul, ou à roue de rencontre. Cet échappement est celui de tous qui a le moins de frottement, son arc de levée différant très-peu de la simple pulsion, à cause que la roue de rencontre a ses dents sur un plan ; ce qui facilite cet arc.

L’arc de supplément ou de recul a lieu sur les pivots de la roue de rencontre, & leur cause un frottement qui se communique à tous les mobiles, & qui diminue à proportion de leur vîtesse ; mais ceux qui ont le plus de vîtesse sont ceux qui ont le moins de pression, par conséquent il y a peu d’altération à craindre ; ce que l’expérience justifie à toutes les montres bien faites.

Ce qui prouve la facilité du mouvement de cet échappement, c’est qu’il ne faut point d’huile pour l’entretenir ; qu’au contraire si elle vient à se communiquer par la mal-adresse de l’ouvrier, bien-tôt les palettes s’usent, & la montre varie.

Le mouvement du recul, qui dans cet échappement se trouve répandu sur tous les mobiles, est rassemblé sur le cylindre, dans celui à repos ; car c’est sur lui seul que se passent tous ces mouvemens directs & rétrogrades.

Ces frottemens accidentels ont lieu, 1°. lorsque le corps de la verge est un peu trop gros, que les pointes de la roue de rencontre en approchent au point d’y toucher.

2°. Lorsque le bord de la palette forme un angle trop aigu, & qu’elle appuie contre le devant des dents de la roue de rencontre au moment du recul, les entaille, & les creuse. Il faut donc avoir soin de laisser une épaisseur à cette palette, qui en figure le développement ; ce qui empêchera les dents de se creuser.