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tenir le corps sur un plan parfaitement poli ; & de cette façon, le frottement qui tient lieu de cette force sera connu sans équivoque. Cette méthode a été suivie par quelques physiciens : mais il semble qu’on auroit pû en tirer un meilleur parti.

Je ne m’arrêterai pas actuellement à calculer le frottement des différentes machines ; il faudroit embrasser, pour cet effet, quelque hypothèse particuliere ; & le choix ne laisseroit pas que d’en être embarrassant. D’ailleurs on peut voir dans les essais de Phys. de Musschenbroek, un exemple de ce calcul. Je finirai cet article par quelques observations.

1°. On est quelquefois surpris de ce qu’il n’est pas nécessaire que la force qui a introduit un coin dans une fente y soit continuellement appliquée, pour qu’il y reste engagé, malgré l’effort des parois de la fente pour se rapprocher. La vis nous offre quelque chose de semblable. Si l’on comprime par son moyen quelque corps élastique, on ne voit pas que le ressort des parties comprimées fasse rétrograder la vis dans son écrou, lorsque la puissance cesse de lui être appliquée.

Le frottement est l’unique cause de ces deux phénomenes ; car dans l’un & l’autre cas, l’effort que sont les parties séparées ou comprimées pour revenir à leur premiere situation, peut se décomposer en deux autres, dont l’un s’employe tout entier à appliquer les faces du coin contre les côtes de la fente, ou le filet de la vis contre les parois intérieures de l’écrou ; & l’autre tend à faire glisser le coin hors de la fente, & la vis sur son écrou, comme sur des plans inclinés : & tant que ce dernier effort n’est pas au premier dans un plus grand rapport, que le frottement à la pression qui le cause, son action est nulle ; la vis ne peut rétrograder, & le coin doit rester dans la fente. De-là vient que quand le pas de la vis est grand, c’est à-dire quand son filet fait avec son axe un angle assez aigu, la vis remonte dans l’écrou par le ressort des parties comprimées, comme on peut le voir dans les imprimeries & dans les monnoies. De même aussi il arrive quelquefois, que lorsqu’on introduit dans une fente un coin qui n’est pas assez aigu, il en ressort avec promptitude, & est chassé en-arriere avec vîtesse ; par la même raison qu’un noyau de cerise s’échappe des doigts de celui qui le presse, & s’élance à une grande distance.

2°. On lit dans tous les livres de Statique, que la direction la plus avantageuse, pour mouvoir un corps sur un plan horisontal ou incliné, est celle qui est parallele au plan ; & l’on a raison, tant que l’on suppose ce plan parfaitement poli, & que l’on fait abstraction de tout frottement. Mais si l’on veut y avoir égard, ce n’est plus la même chose. En ce cas voici comme je détermine cette direction. Soit un corps P qu’il faut mouvoir sur un plan horisontal AB (fig. 39. Méchan. n°. 2.), au moyen d’une force donnée A, & soit CP la direction dans laquelle on fait agir cette puissance ; soit prise CP=1, & soient menées PD parallele au plan & CD perpendiculaire à PD, soit CD=x ; donc il est évident que l’effort de la puissance A pour mouvoir le corps peut s’exprimer par & supposant le frottement à la pression dans le rapport donné de m à n, la résistance qui en résulte sera , puisque l’effort DC que fait la puissance A s’employe à diminuer la pression qu’exerce le corps sur le plan ; donc le corps P est mis en mouvement par une force  ; & si la direction PC est la plus avantageuse, cette quantité doit être un maximum ; donc

& Ainsi le sinus de l’angle que doit faire la direction de la puissance avec le plan pour agir avec le plus d’avantage, doit être non pas zéro, mais . Si l’on suppose avec M. Amontons , on a , & l’angle CPD d’environ 18d .

3°. Si l’on avoit une théorie exacte des lois du frottement, on n’auroit pas besoin d’en faire abstraction dans plusieurs beaux problèmes de Méchanique, comme ceux de la brachystochrone, de la courbe isochrone paracentrique, des tautochrones, & beaucoup d’autres. J’ai fait un essai du probleme des tautochrones, soit dans le vuide, soit dans un milieu qui résiste comme le quarré des vîtesses, & dans un milieu qui résiste infiniment peu, suivant une fonction quelconque des vîtesses, en y considérant aussi le frottement ; & j’ai eu le plaisir de retrouver encore pour tautochrone une portion de cycloïde, qui devient la demi-cycloïde, lorsque le frottement est nul. Comme l’académie devant qui j’ai eu l’honneur de lire la solution de ces problemes, l’a jugée digne d’être imprimée dans le volume de ses correspondans, j’y renvoie ceux qui se feront plaisir de voir le détail du calcul. Cet article est de M. Necker le fils, citoyen de Genève, & correspondant de l’académie royale des Sciences de Paris.

Frottement, (Hydr.) Outre les causes de frottement communes à toutes les machines, comme celles qui proviennent de l’engrenage des roues, &c. il se fait dans les pompes un frottement contre les parois d’un tuyau où l’eau passe, dans les passages des soupapes, des robinets, dans les coudes & jarrets des conduites, dans la souche d’un jet, & dans la platine d’un ajutage. Le canon d’une jauge n’en est pas même excepté, ainsi que l’épaisseur de la cloison qui est dans la cuvette.

Quant aux engrenages des roues dans les lanternes, on en rend le mouvement plus doux en les graissant avec du savon noir, ce qui les fait encore durer davantage. Pour les crapaudines, les boulons, les torillons, les bielles, & autres pieces, on les frotte d’huile.

On ne peut éviter le frottement qui se fait contre les parois d’un tuyau, sur-tout dans les coudes & jarrets des conduites tournantes, qu’en interrompant le diametre ordinaire de la conduite pour y mettre deux ou trois toises de suite de plus gros tuyaux, & reprendre ensuite le diametre de la conduite. Les ouvertures des soupapes & robinets sujettes aux étranglemens, se peuvent encore éviter en y employant des soupapes & des robinets d’un plus grand diametre. La souche d’un jet sera tenue aussi plus grosse, & la platine de l’ajutage la plus mince qu’il se pourra.

On peut éviter plus de la moitié du frottement dans les jauges, en n’y mettant point de canons, & laissant couler l’eau par les ouvertures faites dans la platine qui sera des plus minces.

Il n’y a point de frottement pareil à celui qui se fait dans les fourches trop menues d’une machine hydraulique à trois corps de pompe ; le remede à cet étranglement, est de donner à chaque fourche un diametre égal à chaque corps de pompe, ainsi qu’au tuyau montant. Voyez Pompe. (K)

Frottement, (Horlogerie.) L’Horlogerie est de tous les arts celui qui présente sur le frottement les plus grands & les plus singuliers phénomenes ; car dans tous les arts, excepté l’Horlogerie, les frottemens n’agissent que comme résistance, ou comme obstacles au mouvement des corps appliqués les uns