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fléchie des vêtemens, qu’en se tenant dans un lieu bien fermé ; en rendant autant qu’il est possible l’air comme immobile autour de soi par les paravents, les rideaux, les alcoves, &c. ce qui procure alors une atmosphere toûjours chaude, parce qu’on l’échauffe soi-même, & que l’on se fait de cette maniere, pour ainsi dire, un poîle naturel dont le foyer de la chaleur animale est lui-même le fourneau ; on se procure encore plus sûrement cette atmosphere chaude par le moyen des poîles proprement dits (hypocausta), des chambres échauffées avec les différentes matieres combustibles dont on forme & entretient le feu domestique ; il n’est pas hors de propos d’observer ici que cette chaleur artificielle ne doit jamais être assez considérable pour faire monter le thermometre au dessus de 60 degrés du thermometre de Farenheit, parce qu’étant jointe à celle que nous engendrons en tems froid, qui est beaucoup plus considérable qu’en tems chaud, elle seroit excessive, & relâcheroit trop vîte l’habitude du corps ; d’ailleurs, quoique la chaleur de l’été éleve souvent le thermometre bien au dessus du terme qui vient d’être indique pour les poîles, il y a cette différence, qu’on ne reste pas en cette saison dans un lieu fermé, dont l’air ne soit pas renouvellé ; c’est le renouvellement de l’air auquel on s’expose tant qu’on peut pendant les chaleurs de l’été, qui contribue le plus à les rendre supportables, attendu que l’air n’y participe jamais à un degré supérieur, & même égal à celui de la chaleur animale dans ce tems-là ; par conséquent l’air agité, le changement d’atmosphere propre ou du fluide qui la forme, enlevent continuellement de cette chaleur, qui n’est pas alors bien plus considérable que celle de l’atmosphere en général, parce qu’il s’en engendre d’autant moins en nous, comme il a été établi dans l’article précédent, que l’air est plus échauffé & communique davantage de sa chaleur à notre corps.

Tous les moyens que nous employons pour nous garantir ou pour nous délivrer des effets du froid externe, tendent donc tous à opérer les mêmes changemens en nous & autour de nous, qui se font par le passage de l’hyver à l’été ; nous échauffons l’air qui nous environne, les corps qui nous enveloppent, & par à même la surface de notre corps médiatement ou immédiatement, ainsi nous ne faisons autre chose qu’empêcher ou faire cesser le trop grand resserrement de nos solides, la constriction de nos vaisseaux capillaires, sur-tout de ceux de la peau, qui sont le plus exposés ; la condensation excessive de nos humeurs, leur disposition à une coagulation prochaine, qui sont constamment les effets d’un trop grand froid, bien marqués par tous les symptomes qui s’ensuivent, dont la cause leur a été attribuée ci-devant à juste titre ; & par les douleurs que l’on ressent en réchauffant des parties bien froides ; douleurs qui ne sont produites que parce que le relâchement causé par la chaleur dans les solides, favorise le mouvement progressif, le frottement des humeurs presque coagulées, qui roulent durement, pour ainsi dire, dans les vaisseaux qui les contiennent, & causent conséquemment de l’irritation dans leurs tuniques ; ensorte que cette sensation desagréable dure jusqu’à ce que la chaleur extérieure ait ramolli, dissous ces humeurs en les pénétrant, & leur ait rendu leur fluidité naturelle ; les frictions sur les parties affectées du froid faites avec des linges chauds, sont plus propres à les dissiper sans douleur de l’espece dont on vient de parler, que de se présenter tout-à-coup à un grand feu.

La sensation & les autres effets du froid animal causés par communication (des parties affectées immédiatement par le froid externe à celles qui ne le sont pas, & qui en reçoivent cependant les impressions,)

ne sont susceptibles d’être corrigés par les mêmes moyens que lorsqu’ils proviennent entierement de quelque cause externe immédiate que ce puisse être ; mais il n’en est pas tout-à-fait de même des causes internes du froid animal, c’est-à-dire de celles qui sont indépendantes du froid externe ; le plus souvent elles sont de nature à ne pas céder à l’application extérieure des moyens propres à dissiper les effets du froid externe ; ainsi lorsque la masse des humeurs est tellement épaissie, a contracté une si grande force de cohésion dans ses parties intégrantes, qu’elle ne cede point à l’action dissolvante des vaisseaux, ni à celle des particules ignées dont on les pénetre, comme il arrive dans le froid de la fievre, particulierement de certaines fievres malignes, pestilentielles, de celles qui sont causées par l’effet de certains poisons ou venins coagulans, de quelques especes de fievres intermittentes (voyez à l’article Fievre ce qui concerne le froid fébrile) : dans ces différens cas, on réussit mieux le plus souvent à faire cesser les effets du froid par tout ce qui est propre à ranimer, à exciter l’action des organes vitaux, le mouvement, le cours des humeurs ; à favoriser le rétablissement de leur fluidité, comme les cordiaux, les délayans aromatiques, les stimulans tant internes qu’externes, & ceux-ci particulierement à l’égard du froid des parties affectées de rhumatisme, que par quelqu’autre moyen que ce soit, appliqué à l’extérieur pour procurer de la chaleur.

Le vice des solides peut aussi être tel qu’ils manquent des qualités qu’ils doivent avoir pour co-opérer à la génération de la chaleur animale ; ils peuvent donc aussi contribuer à disposer à la sensation du froid ; c’est ainsi que dans le corps des vieillards les tuniques des vaisseaux deviennent si solides, si peu flexibles, qu’elles ne peuvent pas se prêter aux mouvemens, à l’action nécessaire, pour entretenir le cours des humeurs avec la force & la vîtesse, d’où dépendent l’intensité du frottement des globules sanguins dans les vaisseaux capillaires, & les autres effets qui concernent la chaleur naturelle ; ensorte que la vieillesse établit dans les solides une disposition contraire à la génération de la chaleur ; tout comme le grand froid : senescere, sicut frigescere est continuò rigescere. C’est pourquoi l’usage modéré du vin, des liqueurs spiritueuses, & de tout ce qui peut fournir aux organes vitaux des aiguillons pour exciter leurs mouvemens, est si salutaire aux gens âgés pour l’entretien ou le rétablissement de leur chaleur naturelle ; & quant aux moyens externes qu’il convient d’employer pour le même effet, il est certain que la chaleur douce & humide des jeunes personnes long-tems couchées avec les vieilles gens, est plus efficace, & leur est plus utile que la chaleur seche du feu artificiel : attendu que celle-ci raccornit toûjours plus les fibres, & augmente par-là le vice qui empêche la production de la chaleur naturelle ; & que celle-là, en suppléant à ce défaut, assouplit les solides, ou au-moins entretient le peu de flexibilité qui leur reste.

Mais le froid animal le plus rebelle à l’action du feu artificiel appliqué tant extérieurement qu’intérieurement sous quelque forme que ce soit, & à quelque degré que l’on le porte, c’est le froid causé par le spasme de cause interne, l’érétisme du genre nerveux : puisque la chaleur, sur-tout lorsqu’elle est excessive, ne fait qu’augmenter le stimulus qui en est la cause ; par conséquent la disposition, le resserrement des vaisseaux qui s’opposent au cours des humeurs, d’où dépend la génération de la chaleur animale. Il n’y a que le relâchement procuré par la cessation du stimulus, de la cause qui irrite les nerfs, de l’influx irrégulier des esprits animaux, qui en augmentent la tension contre nature, selon le langage des écoles,