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cédent, afin que la fracture soit plus exactement contenue. Le bandage trop lâche ne contient point, laisse aux muscles la dangereuse facilité de se contracter ; le calus est difforme ; & le membre peut se consolider dans une direction qui ne seroit pas naturelle : d’un autre côté, le bandage trop serré, lorsqu’il l’est avec excès, attire la gangrene ; & sans l’être au point de causer cet accident formidable, il peut l’être encore trop, & mettre obstacle à la libre circulation des liqueurs ; d’où résultera le manque de nourriture & l’atrophie.

L’inégalité des membres dans l’étendue de leur longueur, oblige en appliquant les bandes, de faire avec art des renversés ; sans quoi, il y auroit des godets, dont l’inconvénient est de ne pas faire une compression égale, & de laisser des inégalités capables de blesser la partie par la compression qui résulte de l’application des autres pieces de l’appareil.

Les deux premieres bandes appliquées, on met les compresses longuettes, Pl. II. fig. 17. suivant les regles que nous avons exposées au mot Éclisse. Dans le pansement de la jambe fracturée, quelques praticiens remplissent le bas, depuis le défaut du mollet jusqu’aux malléoles, par l’application d’une compresse graduée inégale, Pl. XXXI. fig. 11. d’autres préferent de donner plus d’épaisseur à l’extrémité inférieure des longuettes ; ce qui se fait en repliant de la longueur qu’on le juge convenable, le linge simple, avant de faire les plis suivant la largeur, qui déterminent celle qu’on veut donner à chacune des compresses longuettes. On les maintient par une troisieme bande, dont les circonvolutions peuvent être faites en doloires plus larges, pour ménager la longueur de la bande. On peut contenir tout cet appareil entre deux gouttieres de fer-blanc ou de carton, liées avec des rubans de fil. On applique ensuite l’écharpe pour l’extrémité supérieure, voyez Echarpe ; & des fanons dans les fractures de l’extrémité inférieure, voy. Fanons. Une legere tuméfaction, sans douleur ni rougeur, qu’on apperçoit au-dessus & au-dessous du bandage, marque qu’il n’est ni trop ni trop peu serré.

Lorsque l’appareil convenable est appliqué, il y a des précautions à prendre pour la commodité du blessé : il est à-propos d’insister un peu sur ces commodités, que tout le monde doit être bien-aise de connoître, & que peu de gens sont à-portée de rechercher dans les livres de l’art.

Nous avons dit au mot Echarpe, ce qui concerne l’extrémité supérieure. Lorsque dans les premiers jours les malades sont obligés de garder le lit, il faut que le membre soit placé sans gêne dans une direction qui tienne tous les muscles relâchés, & sur un oreiller mollet. La jambe sera un peu élévée du côté du pié, pour favoriser le retour du sang ; elle sera appuyée sûrement & mollement : on la posera sur un oreiller égal, appuyé sur un matelas qui lui-même doit être fort égal. Pour cet effet, le lit doit être garni de matelas seulement, sans lit de plume ; & même il est bon de mettre entre le premier & le second matelas, une planche qui occupe depuis le pié jusque par-delà la hanche. Mais comme la nécessité d’être couché deviendroit à la longue insupportable, si l’on ne prenoit des précautions pour en diminuer la gêne autant qu’il est possible ; on fait attacher au plancher une corde qui passe à-travers le ciel du lit, & qui descende à la portée de la main du malade : cette corde lui est très-utile pour se remuer facilement, & satisfaire à ses différens besoins. On attache au pié du lit une planche qui doit être stable, & sur laquelle on a fait cloüer un billot garni d’un matelas ou coussin : ce billot est un des plus grands soulagemens qu’on puisse procurer au malade ; il lui sert à appuyer le pié sain pour se soûlever, avec

l’aide de la corde, dans ses besoins, & pour se relever de-tems-en-tems, lorsqu’il glisse vers le bas du lit. Le chirurgien peut prévenir cet inconvénient, en donnant ses soins à la construction du lit ; il doit même aider à le faire convenablement pour le bien de son malade.

Pour éviter que le croupion ne s’écorche, M. Petit conseille de percer le premier matelas, afin de pouvoir passer commodément un bassin entre le premier & le second matelas, lorsque le blessé veut aller à la selle. Dans ce cas le drap de dessous doit être fendu ou composé de deux pieces qu’on puisse écarter au besoin, à l’endroit des fesses : faute de cette précaution, le croupion s’écorche ; & alors il faut l’examiner souvent, & bassiner cette partie avec de l’eau vulnéraire, ou de l’eau-de-vie camphrée, pour prévenir la mortification : on remédiera à cet accident par l’application de l’onguent de stirax.

Dans les fractures compliquées, la nécessité de panser souvent les blessés exigeroit de trop grands mouvemens dans l’usage des bandes roulées ; & ces mouvemens seroient un grand obstacle à la réunion, qui demande un repos parfait, autant qu’il est possible de le procurer. On se sert alors du bandage à dix-huit chefs. Voyez sa description au mot Bandage ; & sa figure, Pl. XXXI. fig. 10. Ce n’est pas seulement dans la fracture de la jambe, mais dans toutes celles des extrémités avec complication, qu’on doit s’en servir : on l’applique même dans les cas où il n’y a point de plaie. Dans les grandes contusions, par ex. quand il n’y auroit point de nécessité d’inciser, pour donner issue au sang extravasé, on employe le bandage à dix-huit chefs dans les premiers tems, & on revient ensuite au bandage roulé. On est alors dans le cas de lever souvent l’appareil contre la regle générale, pour observer ce qui se passe ; & aussi afin de serrer le bandage à proportion que le sang se résout, & que la partie se dégonfle.

Les fractures avec plaie sont plus ou moins fâcheuses suivant la nature de la plaie & de ses accidens. C’est quelquefois la même cause qui fracture l’os, qui fait la plaie ; comme une roue de carrosse, une balle de mousquet, un éclat de bombe, &c. Les os même qui sont cassés peuvent déchirer les muscles & percer la peau ; ces plaies sont avec plus ou moins de contusion, & peuvent être compliquées d’hémorrhagie, de corps étrangers, &c.

Les anciens se servoient dans ces sortes de cas, d’un bandage fenêtré, qui leur permettoit de panser la plaie sans toucher au reste de l’appareil. Suivant Paul d’Ægine & Gui de Chauliac, on peut se servir des bandes roulées, dans le traitement des fractures compliquées avec plaie, avec le soin de ne couvrir des circonvolutions de la bande que les parties circonvoisines de la plaie ; celle-ci demeurant à nud & à découvert, afin de la pouvoir panser tous les jours, & d’y appliquer les médicamens convenables, sans lever les bandes ni toucher à la fracture. Ambroise Paré desapprouve fort ce bandage : si la plaie n’est pas comprimée convenablement, les humeurs y seront envoyées, dit-il, des parties circonvoisines pressées ; & il y surviendra bien-tôt inflammation & gangrene. Jacques de Marque, célebre chirurgien de Paris, mort en 1622, & qui nous a laissé un excellent traité des bandages, qu’aucun écrivain sur la même matiere n’a pû rendre inutile, a disserté très-doctement sur les inconvéniens reconus dans l’usage de ce bandage fenêtré ; il rappelle le précepte de Paré, qui veut que l’on se serve d’une bande en deux ou trois doubles, en façon de compresse qui ne fasse qu’une seule révolution ; c’est cette compresse en trois doubles, fendue pour en faire trois chefs de chaque côté, qui forme notre bandage à dix-huit chefs si recommandée dans la pratique. Il comprime également