Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 7.djvu/306

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bien afin d’arranger le poil ; prenez de la composition : lustrez ; mais avant que de lustrer les dernieres peaux, séparez dans un pot une portion de ce lustre, qui vous servira à tigrer toutes vos peaux. Pour cet effet ayez un pinceau : étendez votre peau sur une table, commencez par la tête ; si la peau étoit si longue que vous ne pussiez y atteindre commodément, vous la feriez pendre devant vous à une distance convenable ; vous vous ceindriez d’un tablier blanc de lessive, afin qu’en frottant vos habits, votre estomac, vos manches sur la peau, vous n’engraissassiez pas la pointe du poil. Ces précautions prises, vous formerez vos mouches sur la peau avec votre pinceau trempé dans le lustre. Vous observerez de les faire les plus petites possibles ; lorsque le poil sera sec, il s’écartera, & les taches ne paroîtront toûjours que trop grandes. Quand elles auront été mouchetées une fois, vous les ferez sécher, les battrez bien, les brosserez toûjours selon la direction des poils, afin que les mouchetures ne changent point de place ; vous repasserez le pinceau sur elles une seconde, troisieme, quatrieme fois, jusqu’à ce qu’elles vous paroissent assez noires. Alors vous laisserez sécher, batterez, passerez dans le tonneau au sable pour dégraisser : & si les mouches vous paroissent avoir perdu de leur nuance, vous leur redonnerez encore une couche. Mais quand le lustre est bon, on ne donne communément que trois couches.

On imite le tigre & la panthere de la même façon ; excepté qu’au tigrage les taches sont différentes ; il faut que l’ouvrier imite la nature, ait les peaux réelles de ces animaux sous les yeux, & s’y conforme le plus exactement qu’il pourra.

Pour moucheter en grisâtre les peaux de renards qui sont très-rousses, prenez quatre livres de bois d’Inde, une once & demie d’indigo : faites bouillir le tout ensemble jusqu’à diminution d’un quart : ajoûtez deux livres de couperose noire, & chargez vos renards chaudement avec la brosse, comme nous avons dit plus haut.

Pour imiter les peaux ou fourrures polonnoises avec des renards blancs, prenez pour une douzaine de ces peaux ou environ, plus ou moins, selon leur grandeur, six pintes d’eau de chaux que vous mettrez dans un bacquet, une livre de couperose verte, une demi-livre de verd-de-gris, trois quarterons d’antimoine crud, un quarteron de vitriol d’Angleterre, une demi-livre d’arsenic : pilez tous ces ingrédiens ensemble : délayez-les dans l’eau de chaux : trempez-y ensuite vos peaux ; mais auparavant ayez l’attention de faire fondre du beurre, & d’en frotter avec un linge la pointe du poil de vos peaux, & de les laisser refroidir. Quand elles auront été trempées, vous les étendrez sur le plancher, où vous les laisserez pendant quatre heures ; vous les porterez de-là à la riviere ; lavées, vous les ferez sécher à l’ombre, & les manierez de tems en tems pour radoucir le cuir.

Il paroît par ce que nous venons de dire, que l’art de teindre les peaux en poil, pourroit être porté beaucoup plus loin ; nous allons maintenant passer à la maniere d’en faire la coupe, pour les employer en manchons & autres ouvrages.

De la coupe des peaux. Pour couper la peau d’un renard : après qu’elle est bien passée, étendez cette peau sur une table, la tête tournée vis-à-vis de vous, le poil en-dessus. Ayez un morceau de plomb, à-peu-près de la forme d’un écu, plus mince par les bords : discernez bien l’arête de la peau ; c’est la partie où le poil est le plus court ; cette ligne s’étend du milieu de la tête à la culée, & partage la peau en deux parties égales : appuyez fortement votre plomb par le bord sur cette ligne, en commençant par la tête, qui est contre vous, & tirant la peau de la main

gauche ; ensorte que cette peau glisse, fortement pressée entre la table & le plomb. Par ce moyen le côté du cuir qui touche à la table, se trouve rayé de la ligne tracée sur le poil le long de l’arête. Voilà ce qui déterminera de ce côté le milieu de la peau. Prenez votre regle, appliquez-la sur cette ligne, & avec votre plomb, suivez-la sur le dos, & la tracez.

Si vous coupez votre renard en quarré pour le lustrer, il faut que vous le fassiez en-travers en deux endroits faciles à connoître. Retournez votre peau du côté du poil : glissez votre main de la tête à la culée, vous rencontrerez entre le corps & le col un endroit moins fourni de poil, & d’un poil plus bas que le reste. Cet endroit sera une des lignes de division. Cette division faite, vous leverez une espece de langue de peau le long de l’arête qui la partagera également. Elle aura environ deux pouces de large proche les épaules ; elle ira toûjours en diminuant, & finira en pointe à la culée. Vous ferez remonter cette langue de peau de deux pouces du côté de l’épaule, de distance en distance. Elle fera renfler l’arête de votre renard, & donnera de la rondeur à votre manchon quand il sera lustré. Vous donnerez à ces quarrés vingt trois pouces de long, sur douze pouces de large. Ce qui excédera de part & d’autre à la culée, servira à remplir les endroits où la tête est moins large que le corps. Ce sont ordinairement les renards les plus roux que l’on lustre. Quant à ceux qu’on ne lustre pas, il ne faut pas déranger la tête. Il faut laisser la peau comme elle est : prendre le milieu de l’arête avec le plomb, comme on a dit, & lui donner vingt-deux à vingt-trois pouces de hauteur, sur onze pouces de largeur. On sépare toutes les gueules de renard qui sont blanches. Les officiers des hussards en bordent leurs habits. On employe la queue à border des mouffles au-dessus du bras. On met les pattes en mouffles ou en mitaines.

On faisoit autrefois des manchons de queue de renard. La mode en est passée.

On fait des manchons de renard avec la peau entiere. On passe la peau en pâte : on y laisse les dents & le bout des pattes. On la tire au fer sans ouvrir ni le ventre ni les pattes. On fait seulement une ouverture au bas de la gueule, en tirant du côté du ventre, assez grande pour pouvoir y passer la main ; une autre entre les cuisses, sous la queue, de la même grandeur. On laisse la queue & les pattes. Les deux ouvertures s’appellent les entrées du manchon.

Si l’on veut couper une peau de chien, il faut savoir qu’il y a des chiens qui portent deux quarrés, & d’autres qui n’en portent qu’un. Votre peau a-t-elle trente-quatre pouces de longueur, coupez-la en-travers. Pour cet effet, pliez-la de la tête à la queue en deux : frappez sur le pli pour le faire tenir ; coupez : ensuite tracez l’arête.

Cela fait, vous n’aurez que des morceaux de dix-sept pouces. Pour aller à vingt-deux, il faut chercher des ralonges.

Pour cet effet l’arête étant tracée, vous tirez sur votre peau par le haut des quarrés, des lignes paralleles qui renferment des espaces qui ont deux pouces & demi de hauteur. Il faut former trois de ces espaces. Tous ces espaces sont coupés en deux par l’arête. Vous prenez sur la base de votre premier espace, deux pouces de part & d’autre de l’arête, & vous tirez deux lignes paralleles à l’arête : ce qui forme deux quarrés oblongs, dont la base de chacun a deux pouces, & la hauteur deux pouces & demi. Sur la base du second espace, vous prenez de part & d’autre de l’arête quatre pouces, & vous tirez des paralleles à l’arête ; c’est-à-dire que vous formez de part & d’autre de l’arête, des quarrés oblongs dont chacun a deux pouces & demi de hauteur & quatre