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tés opposés aux deux anses : ce pot doit tenir dix à douze pintes, grande mesure.

Allumez du feu ; mettez votre pot sur un trépié : prenez deux onces de graisse de bœuf ; hachez-la bien menu ; faites-la fondre dans votre pot : quand elle sera fondue, jettez-y huit livres de noix de galle ; couvrez le pot de votre premier couvercle, qui doit s’ajuster fort exactement ; couvrez du second, & accrochez-le. Lorsque ce mélange sera chaud, vous prendrez votre pot par les anses ; vous l’agiterez de gauche à droite, de droite à gauche ; ensuite vous le renverserez tout-à-fait, ensorte que le fond soit tourné en-haut, & le couvercle vers la terre. La matiere se mêlera dans ce mouvement. Remettez ensuite le pot sur le trépié ; tenez-le sur le feu pendant une heure, observant de le remuer, comme nous venons de le prescrire, de cinq en cinq minutes pendant la premiere demi-heure, & de trois en trois minutes pendant la seconde. Soûtenez le feu égal pendant l’heure entiere ; alors vous n’entendrez plus sonner vos noix de galle dans le pot ; elles vous paroîtront faire une masse, & rendre une odeur forte de brûlé : c’est à ce moment, disent les fourreurs, que creve la noix de galle. Otez le pot de dessus le feu ; ne le débouchez point, tenez-le renversé, & le laissez refroidir pendant huit heures : alors ouvrez votre pot : ayez un mortier de fonte tout prêt, de la capacité d’un seau d’eau, ou environ ; prenez trois poignées de vos noix de galle brûlées ; jettez-les dans le mortier, & pilez-les à petits coups, pour n’en pas perdre les éclats ; réduisez en poudre très menue ; tamisez au tamis de soie ; remettez sous le pilon ce qui ne passera pas au tamis : cela fait, renfermez votre noix de galle brûlée & tamisée dans un pot de terre vernissé, que vous boucherez bien exactement.

Prenez un bichet de chaux ; mettez-la dans un tonneau de la capacité de dix à vingt pintes, grande mesure ; laissez-la s’éteindre ; emplissez ensuite votre tonneau d’eau ; remuez-bien, & laissez-le reposer jusqu’à ce que l’eau vous paroisse claire & nette.

Cela fait, voici comment vous lustrerez les peaux de renard, de chat sauvage, de loutre, &c.

Prenez une livre d’alun de glace, une demi-livre de sel ammoniac, une livre & demie de verd-de-gris, une livre & demie de couperose verte, un quarteron d’alun de Rome ; mêlez le tout ensemble dans un mortier ; pilez, réduisez en poudre ; arrosez de l’eau de chaux préparée peu-à-peu ; délayez. Lorsque le mélange aura la fluidité la plus grande, laissez reposer deux heures : alors prenez de vos noix de galle cuites, pulvérisées, & tamisées, trois livres ; de litharge d’or, une livre ; d’antimoine bien pilé & passé, une demi-livre ; une demi-livre de plomb de maire aussi bien passé, & de mine de plomb, deux livres : délayez-le tout ensemble dans un bacquet avec votre eau de chaux. Quand tout sera dans une espece de bouillie, versez dessus cette bouillie ce que vous avez préparé dans votre mortier, ajoûtez un peu d’eau, mais très-peu : car les deux mélanges ensemble ne doivent pas faire plus de dix à douze pintes, toûjours grande mesure. Remuez-bien ; laissez reposer pendant une heure, & commencez à lustrer.

On ne doit point lustrer de peaux qu’elles n’ayent été bien passées & dégraissées, comme nous l’avons prescrit ci-dessus.

Pour lustrer une peau, étendez-la sur une table, le poil en-dessus ; qu’elle ne fasse aucun pli ; qu’elle ait la tête du côté gauche, & la culée du côté droit ; faites remuer votre composition avec une spatule ; ayez une brosse longue de huit pouces, & large de quatre, faite de soies de porc ou de sanglier de deux pouces de long, afin que ses poils puissent entrer parmi ceux de la peau. Appuyez votre main gauche

sur la tête de la peau ; & de la droite, trempez votre brosse dans le bacquet, & passez-la sur la peau depuis votre main gauche jusqu’à la culée : faites-en autant sur les pates ; que votre peau ait été par-tout frottée de la brosse, & que les poils en soient bien unis : faites remuer la composition ; retrempez votre brosse dedans ; repassez-la sur la peau, mais en la faisant un peu tourner sur elle-même ; ce mouvement fera entrer les poils de votre brosse entre les poils de votre peau : frottez ainsi depuis la tête jusqu’à la culée. Par ce moyen, le lustre pénétrera à fond ; mais les poils de la peau seront tous mêlés. Reprenez pour la troisieme fois du lustre avec la brosse, & repassez encore de la tête à la queue, afin de coucher le poil & l’arranger. Cela fait, vous retremperez une quatrieme fois la brosse dans la composition au lustre ; vous l’appliquerez sur la peau, & la toucherez à petits coups, afin que le lustre dont elle sera chargée tombe sur la peau.

Regardez alors attentivement votre peau : si le lustre vous en paroît également étendu par-tout, prenez-la par la tête de la main gauche, & par la culée de la main droite : faites-la égoutter un moment sur votre bacquet, afin de ne point perdre de composition, & l’étendez ensuite au soleil, le poil en l’air ; à moins que ce ne fussent des peaux de renard : dans ce cas, il faudroit les mettre deux à deux, poil contre poil, le cuir exposé au soleil ; & de tems en tems retourner celle qui est dessous & la mettre dessus, le poil toûjours contre le poil : sans cette précaution, la chaleur du soleil feroit friser le poil, & gâteroit la peau. Si vous voulez cependant les faire sécher à l’air, le poil découvert, tenez-les à l’ombre : mais le plus sûr est de les mettre deux à deux, & poil contre poil.

L’ardeur du soleil échauffe le lustre, l’attache, & rend la peau noire & luisante.

Lorsque ces peaux sont seches, vous les battez jusqu’à ce qu’il n’en sorte point de poussiere ; vous les rétendez sur la table ; & avec une brosse plus rude, vous les brossez fortement de la tête à la queue, pour arranger le poil : après quoi, vous leur donnez du lustre, comme la premiere fois.

Il y a des renards que l’on lustre jusqu’à cinq fois, avant que de leur donner le fond.

Mais le travail du lustre avancera davantage, si l’on a une étuve où l’on puisse faire sécher les peaux, & le lustre en mordra beaucoup plus facilement sur le poil. Il faut que cette étuve ait cinq ou six piés de long sur trois piés de large, & cinq à six de haut : c’est un cabinet de planches assemblées, dont on a bien fermé toutes les jointures avec du papier collé, afin que la chaleur ne s’évapore point : le dedans est garni de clous à crochets, auxquels on suspend les peaux lustrées. On y tient deux poëles de feu allumées, l’une à un bout, & l’autre à l’autre ; & l’on ferme la porte. Une attention qu’on ne peut avoir trop scrupuleusement, quand on met des peaux en étuve, c’est que la composition ou le lustre n’ait pas touché le cuir de la peau, & qu’il n’en soit pas mouillé : la peau en se séchant, en seroit infailliblement brûlée. Pour cet effet, quand vous avez mis une peau en lustre, vous en prenez une non lustrée ; & la tenant de la main droite par la tête, & la tirant, le poil tourné contre la table, vous en pressez le cuir de la gauche : tandis qu’elle glisse ainsi entre la main gauche qui la presse, & la droite qui la tire, elle enleve tout ce qui s’est répandu de lustre sur la table ; & celle que l’on y expose ensuite du côté du cuir, & le poil en-haut, ou la même, n’en prend plus du côté du cuir, & ne se mouille pas.

Lorsque vous voyez que la pointe des poils a bien pris le lustre, vous refaites de la composition telle que celle dont vous vous êtes servi pour lustrer ; & vous