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che de cette pelle est reçû. Cette pelle sert à rompre la trempe, &c. Voyez l’article & les figures de la Brasserie.

FOURRAGE, s. m. (Maréchall.) nourriture des chevaux. Ce mot généralement pris, renferme tous les herbages qui servent de pâture aux animaux qui vivent de végétaux.

Le fourrage du cheval comprend le foin, la paille & l’avoine, le sainfoin, la luserne & le son. Cet article seroit susceptible de bien des détails relatifs à la Botanique, à la Physique, à la Chimie, au Commerce & à l’Agriculture ; c’est aux Savans à les approfondir. Nous ne considérerons ici le fourrage que relativement à la santé, aux forces, & aux maladies des chevaux.

La bonne nourriture modérément donnée, concourt à entretenir dans le cheval, comme dans tous les animaux, un juste équilibre entre les solides & les fluides. Il résulte de cet accord une santé ferme & vigoureuse : au contraire les mauvais alimens troublent cette harmonie : d’où suivent quantité de maladies dangereuses & quelquefois mortelles. Ce sont ces mêmes maladies qui nous ont fait scrupuleusement méditer sur leur genre & leur cause ; & c’est d’après leurs symptomes, leurs progrès, & les impressions qu’elles font sur les visceres du cheval, que nous avons attribué la plûpart de ces accidens à une nourriture acide, acre, corrosive, en un mot pernicieuse, & rendue telle tantôt par le mélange du fourrage, tantôt par sa corruption. Les chevaux ne sont exposés à prendre une mauvaise nourriture que dans leur état de domesticité : libres & abandonnés à eux-mêmes pour chercher leur pâture dans les prairies, dans les bois, &c. ils n’ont garde de brouter parmi les plantes celles qui de leur nature peuvent être nuisibles à leur santé ; leur instinct seul les guide, & dirige leur appétit vers les plantes propres à leur entretien. Il en est tout autrement dans leur état d’esclavage ; ils sont obliges de se nourrir de ce que l’aveugle industrie de l’homme leur prépare & leur présente. La nécessité leur fait prendre la plûpart du tems des alimens qui leur sont contraires ; & leur appétit naturel irrité par la faim, n’a pas la liberté du choix : ainsi quelque bien intentionné que l’homme doive être pour la conservation de cet animal si secourable, il contribue en bien des cas à sa destruction, par les soins peu éclairés qu’il prend de le nourrir. La disette du fourrage, une épargne mal-entendue, la falsification que la cupidité des marchands de foin n’a que trop mise en usage, font que l’on donne la plûpart du tems aux chevaux un foin moisi ou pourri, par quelque altération qu’il a soufferte ou dans le pré pendant la fenaison, ou dans le grenier après la récolte. Cette nourriture corrompue engendre après un certain tems le farcin, la gale, la maladie du feu, & souvent même la morve. Ces genres de maladies qui tirent leur cause primitive d’une dépravation des humeurs occasionnée par ces mauvais alimens, deviennent la plûpart épidémiques, s’étendent, se multiplient & font les plus grands ravages dans les armées, dans les villes, & dans les campagnes. Si la corruption du fourrage est si pernicieuse, son mélange avec des plantes ne l’est pas moins : de ce mélange il en nait aussi des maladies bien aiguës & bien funestes.

Le foin est la nourriture du cheval la plus commune ; elle est aussi la plus suspecte. Les différens genres de plantes qui naissent dans les près & dans les pâturages, & qui entrent dans la composition du foin, peuvent être distingués en trois différentes classes. La premiere contient celles qui sont bienfaisantes, appétissantes, rafraîchissantes, succulentes, humectantes, adoucissantes, &c. telles sont la jacée noire, la grassete des près, qui perdent leurs

feuilles avant la récolte, mais dont les tiges s’élevent, se mêlent au fourrage, & sont la base du meilleur foin ; la pimprenelle des prés, les paquerettes, le tussilage, la pédiculaire, tous les chiendents, les deux especes de prêles, l’ulmaria ou reine des prés, la scabieuse, le carvi, le sainfoin, la sarriette, la petite chélidoine, les especes d’orchis ou satyrion, le trefle des prés. Si le foin n’étoit composé que de telles plantes, qu’il fût fauché dans sa juste maturité, c’est-à-dire avant qu’il eût séché sur pié, & qu’il fût possible de le faner & de le serrer dans un tems sec, il seroit pour le cheval une nourriture très-salutaire.

La seconde classe des plantes qui se trouvent dans les près, compose un foin d’une qualité inférieure au premier, sans être cependant pernicieux à la santé du cheval. Ces plantes sont la cardamine, l’aulnée, le daucus, l’eupatoire, l’euphraise, les especes de pentaphilloïdes, la jacobée, la campanula, le juncago, la leche, la linaire, la lisimachia, les marguerites, le morsus diaboli, la mousse terrestre, la dent de lion, le pouillot, les primeveres, le butomus ou jonc fleuri, le scordium, l’oliet ou trefle sauvage jaune.

La derniere classe est celle des plantes pernicieuses à la santé du cheval, & qu’on doit regarder comme autant de poisons. Ces plantes sont l’aconit, toutes les especes de titimale, la gratiole, la ptarmique, les persicaires, la catapuce, la thlaspic, la thora, le peplus, la sardonia, enfin la douve appellée ranonculus longifolius palustris. Ces plantes malfaisantes, confondues avec les bonnes, brisées, desséchées & bottelées ensemble, ôtent à l’animal le moyen de faire la distinction & le choix des bonnes d’avec les mauvaises ; il mord indifféremment çà & là dans la botte de foin qu’il a devant lui & avec avidité, selon que la faim le presse. Le cheval ayant mangé une certaine quantité de ces mauvaises plantes, il lui survient des tranchées de différens genres ; si elles sont flatueuses, le ventre lui enfle à un degré extraordinaire ; & s’il n’évacue ses vents, il périt en fort peu de tems : si elles sont convulsives, elles sont accompagnées d’une si grande constipation, qu’il ne peut recevoir ou du moins retenir les lavemens qu’on lui donne, ni laisser échapper les matieres stercorales, symptomes presque toujours mortels. Souvent ce sont des douleurs néphrétiques, que l’on appelle rétention d’urine ; accident occasionne par une inflammation au cou de la vessie, ou à son sphincter. Enfin les accidens sont différens, selon la qualité de la matiere qui les produit. Nous traiterons de chacune de ces maladies, de leur cause & de leurs remedes, en leurs articles. Nous ne les indiquons ici, que pour prouver la malignité d’un foin mêlé de mauvais herbages.

La paille est une espece de fourrage convenable à beaucoup d’animaux domestiques ; elle leur sert à deux usages, à la litiere, & à la nourriture ; & dans l’une & l’autre, elle est essentielle au cheval. Ceux auxquels on en donne le plus au lieu de foin, sont les chevaux qui par leur tempérament ou à cause de leur exercice, demandent une nourriture moins forte & plus legere que le foin : tels sont les chevaux naturellement gros, & les chevaux destinés à la chasse & à la course.

On ne doit leur donner que fort peu de foin, & point du tout à ceux qui sont menacés de la pousse.

Les Espagnols & bien des nations méridionales & orientales, ne donnent à leurs chevaux que de la paille, à cause du peu de soin que ces contrées produisent. Leur paille est fort menue, parce qu’elle est brisée aux piés des chevaux ou des mulet, avec lesquels ils battent leurs grains dans une aire que l’on fait en plaine campagne.