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croyoit ; & l’on sait quel homme c’étoit que Boerhaave dans une pareille matiere. M. Pott a fait un fourneau qui devroit imposer silence aux ennemis de la figure elliptique. M. Cramer, encore bon juge dans cette matiere, l’a admise pour son fourneau de fusion ; & la parabolique pour celui de verrerie ; & il est aisé de voir que s’il n’y compte pas tout-à-fait, il la croit au-moins la meilleure de toutes, par les soins qu’il a pris d’ajoûter quantité de variétés au fourneau de fusion dont il se sert. Enfin tous les Chimistes ont admis pour couvrir leurs fourneaux, un dôme qu’ils n’ont peut-être pas regardé comme elliptique, mais qui ne l’est pas moins, ou qui en approche. Voici cependant les objections qu’on fait contre cette figure.

On ne doit pas être d’une exactitude scrupuleuse quand il s’agit de donner aux fourneaux dans lesquels on doit faire un feu violent, une figure qui tende à ramasser en un centre les rayons ignés refléchis.

1°. Parce que le garni qu’on leur donne n’est pas fort propre à recevoir le poli : & que, quand bien même il seroit possible de le lui donner, il ne pourroit manquer d’être bien-tôt altéré.

2°. Sans compter que les rayons du feu donnés par les charbons ne suivent pas des lois si constantes que les rayons solaires & les sonores, & ne peuvent conséquemment être déterminés sur le corps qui en doit éprouver l’action.

3°. Et que les vaisseaux qui contiennent la matiere à fondre, ou cette matiere même mise à feu nud, sont entourés de charbons de toutes parts.

4°. D’ailleurs un foyer de peu d’étendue seroit presque inutile, puisque le feu ne pourroit agir que sur une très-petite partie du corps qui lui seroit exposé.

5°. Une pareille figure ne sert qu’à ramasser les cendres, & à nuire au jeu de l’air & à l’action du feu.

Telles sont les objections, excepté la derniere, que fait M. Cramer contre la figure qu’il adopte ; il faut donc croire qu’il a des raisons contraires qui sont plus fortes, qu’il n’a pas dires : essayons d’y suppléer.

On ne doit pas être d’une exactitude scrupuleuse, &c. A la bonne heure ; mais s’ensuit-il de-là qu’on n’y doive pas apporter tous ses soins, & que si on pouvoit y réussir, la chose en iroit plus mal : & d’ailleurs n’y a-t-il que cette raison de préférence ? c’est la principale à la vérité ; mais les accessoires doivent-elles être négligées ? La sphere est la figure qui contient le plus de matiere sous la même surface ; mais un fourneau ne peut avoir cette figure, & l’elliptique qu’on lui donne est celle qui en approche le plus ; ainsi donc celui qui sera construit de la sorte, contiendra le plus de charbon autour du vaisseau qu’on y place. C’est un avantage qu’on ne contestera pas.

1°. Parce que le garni, &c. Mais ce garni ne sera pas plus poli dans un autre fourneau ; & s’il s’altere plus dans celui-ci, ce qui doit être, c’est une preuve que le feu a été plus fort.

2°. Sans compter que les rayons, &c. Cela est très vrai ; mais ces rayons qui se refléchissent à droite, à gauche, & en tous sens, sont-ils autant de perdus pour la somme totale du degré de feu qui regne dans le fourneau ? non sans doute. Ils doivent concourir à augmenter le mouvement sur quelque endroit qu’ils tombent. Il devroit s’ensuivre par la même raison que les miroirs ardens ne devroient produire aucuns effets, parce qu’ils ne produisent pas tous ceux qu’ils pourroient, ainsi que tout le monde le sait ; car s’ils sont vûs de plusieurs endroits, c’est qu’ils y réfléchissent des rayons de lumiere.

3°. Et que le vaisseau, &c. Il seroit à souhaiter à la vérité que le charbon produisît son effet, sans nuire par sa présence ; mais de ce que tous les rayons ignés

ne parviennent pas au vaisseau, s’ensuit-il qu’il n’en vienne aucun, & en viendroit-il davantage, si le fourneau n’étoit pas elliptique ? Il s’ensuit au-moins, selon M. Cramer même, que la figure elliptique doit être conservée dans les endroits ou le charbon ne sera point un obstacle entre le rayon igné refléchi, & le corps qui doit subir son action, & par la même raison la parabolique : tel est le principe de structure du dôme, du four du Boulanger, de tous les tours quelconques, & de la plûpart des fourneaux en grand, comme le fourneau à l’angloise, ceux d’affinage & de raffinage, &c. où la voûte ne doit pas être regardée comme une simple commodité de construction.

4°. D’ailleurs un foyer, &c. Quand ce foyer ne seroit qu’un point indivisible, devroit-il être négligé ?

5°. Une pareille figure, &c. Oüi quand elle est fermée par le bas, ou terminée par une grille de la petitesse de celles de Teichmeyer ; mais si on suit les exemples donnés par MM. Boerhaave, Cramer & Pott, & que d’ailleurs on veuille se ressouvenir des pitons ou des barres soutenant la grille, & de sa distance des parois des fourneaux, on les verra tomber comme à l’ordinaire. L’angle n’est point assez considérable pour qu’elles puissent s’y soûtenir. Ceci nous donne occasion de remarquer une particularité du fourneau de M. Pott qui pourroit échapper aisément ; c’est que son fourneau s’éleve presque cylindriquement au-dessus du cendrier ou pié-d’estal, & que l’ellipse ne commence qu’à une certaine distance de ce même cendrier. Par-là, si la figure elliptique retient les cendres, comme pourroient toûjours le prétendre contre toute raison les détracteurs de cette figure, ces cendres ne peuvent manquer d’en être précipitées par les charbons, à-mesure qu’ils s’affaissent en brûlant ; ensuite dequoi elles se trouvent auprès d’une paroi perpendiculaire qui n’en fera certainement pas un amas.

Enfin quand il seroit vrai qu’on ne sauroit pas comment l’ellipse donne un feu plus fort que les autres figures, s’ensuit-il qu’il faudroit se refuser à l’expérience de Pott, par exemple, qui est la meilleure raison qu’on puisse donner ; il est bon d’avertir qu’elle est postérieure aux objections de M. Cramer. Il ne faut pas s’imaginer avoir épuisé l’art des fourneaux à beaucoup près ; il en est de cette partie de la Chimie la plus nécessaire & la plus maniée cependant, comme de toutes les autres opérations, où il y a toûjours plus de découvertes à desirer, qu’il n’y en a de faites. La plûpart des grands artistes ont négligé de nous donner des idées étendues à ce sujet, quoiqu’elles fussent du détail de leurs opérations, que presque tous ayent parlé des fourneaux, & qu’ils fussent assez philosophes pour ne trouver rien de petit en Physique. L’illustre M. Pott mérite particulierement ce reproche, lui qui a donné un fourneau qui peut passer pour un chef-d’œuvre, puisqu’il donne un degré de feu supérieur à tout ce qu’on connoissoit de la part de cette sorte d’ustensile. On eût donc souhaité, & il faut espérer qu’il le fera ; on eût donc souhaité, dis-je, qu’il nous en eût donné une description très-circonstanciée, & les raisons de ce qu’il prescrit. On desireroit de savoir, p. ex. quelque chose de plus sur la nature de son garni, quels en sont les avantages & les desavantages, quelle en est l’épaisseur, s’il est après la premiere opération tel qu’il sera après la vingtieme, s’il est demi-vitrifié, ou s’il l’est tout-à-fait ; à quelle hauteur il met sa grille, quel est le corps qui soûtient son creuset, & sa hauteur ; de quelle composition est ce creuset. Si sa grille est posée, comme on peut le soupçonner, à un pié du sol du cendrier, il faut que le soûtien de son creuset soit très-haut, comme on peut l’inférer de ce qu’il dit, qu’il faut emplir le fourneau de charbon presque jusqu’au-haut, pour l’en cou-