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de façon qu’on pût s’en servir pour fondre des canons pendant une campagne ? mais voyons où Glauber a pû trouver son fourneau.

Les poêles de Keslar ont beaucoup de ressemblance avec notre fig. 15. que nous prendrons encore pour piece de comparaison. Qu’on se rappelle ce que nous en avons déjà dit. Mais ces sortes de poêles, au lieu de deux étages qu’a notre fourneau, en ont jusqu’à huit les uns sur les autres. Ils ont une grille & un cendrier. Nous croyons devoir nous dispenser d’entrer dans un grand détail là-dessus, parce qu’il en faudroit une figure ; quoiqu’il soit possible d’en donner une idée sans cela. Keslar, par exemple, sépare ses corps ou étages les uns des autres pour multiplier les surfaces. On peut s’en former une idée en s’imaginant qu’au niveau de l’extrémité de la cheminée c de la fig. 15. commence un autre plancher de briques qui porte sur de petites colonnes de quelques pouces de haut ; qu’à l’extrémité de ce plancher opposé à la cheminée, on fasse une autre cheminée, & ainsi de suite. D’ailleurs après avoir élevé son foyer un peu plus qu’il ne faut pour le bois, il n’en employe que la moitié postérieure pour communiquer la chaleur au premier plancher, dont l’extrémité antérieure est d’un pié plus longue que le cendrier, & est conséquemment soûtenue par deux colonnes qui portent des barres de fer. L’autre moitié est couverte d’un bain de sable. Mais ce qu’il y a de mieux, c’est que le soupirail tire son air du dehors par une trompe, & que la fumée y est aussi dérivée par un tuyau. Ces deux tuyaux ont chacun une soûpape ou fermeture en-dehors pour le gouvernement du feu dont Keslar a très-bien connu la méchanique ; car sa raison de préférence en tirant l’air du dehors, étoit qu’on n’en attiroit point d’air froid, ni mauvais. Il a cependant vû qu’on ne purifioit pas celui de la chambre ; aussi conseille t-il de faire deux soupiraux à son cendrier ; l’un pour la trompe, & l’autre qui soit ouvert dans la chambre, afin d’en renouveller l’air. Gauger a encore mieux remédié à cet inconvénient, & il a peut-être connu l’ouvrage de Keslar. Quoique celui-ci usât du bois dans son poêle, il étoit rarement obligé de le nettoyer.

Il a aussi donné quantité d’autres poêles domestiques, dont on peut tirer parti. Il dit encore qu’on en faisoit de rôle, qu’on enduisoit d’un garni.

Mais Gauger a rendu un service important par les nouvelles cheminées qu’il a publiées. Il en fait l’atre, la tablette, & le contre-cœur de plaques de fonte. Derriere ces plaques sont des canaux de 5 ou 6 pouces de large, qui communiquent entr’eux. Ces canaux tirent l’air du dehors, & se terminent dans la chambre à côté de la cheminée, par une ouverture qui a sa fermeture. Le feu étant allumé, l’air des cavités se raréfie, est poussé par celui du dehors, entre dans la chambre, & l’échauffe ; il en renouvelle l’air, & fournit celui qui est nécessaire à faire monter la fumée, & empêche que l’air froid du dehors n’y puisse entrer. Cette méthode renferme tout-à-la fois l’avantage des poêles, & n’en a point les inconvéniens.

Il prouve par plusieurs expériences bien faites, que, quand il tiroit son air de la chambre même, par une ouverture qui communiquoit comme celle du dehors avec les canaux des ventouses de la cheminée, & par laquelle on pouvoit fermer celle du dehors, sa chambre ne s’échauffoit pas si rapidement, étoit sujette à fumer, & attiroit des vents coulis.

Il part d’après cette expérience pour ces ventouses. Si on met dans le feu un tuyau de quatre pouces de diametre, fait en syphon, & que ce tuyau ait une de ses extrémités en dehors, celle du dedans donne un air très-chaud avec quelque rapidité qu’il passe dans ce tuyau. Mais comme ceux qu’on met

derriere les plaques des cheminées ne peuvent s’échauffer que par une petite surface, relativement à leur circonférence, il arrive qu’ils ne donnent jamais la même chaleur, quelque longueur qu’on leur donne ; mais ils en donnent toûjours assez & même plus qu’il ne faut pour échauffer une chambre.

On peut par ce moyen échauffer l’air d’une chambre supérieure, inférieure, ou latérale, en y conduisant le tuyau ouvert au haut de la cheminée ; mais soit que l’air soit tiré du dehors ou de la chambre qu’on veut échauffer, il faut toûjours que celui qui doit donner la chaleur, soit plus élevé que l’autre, selon une expérience que nous avons rapportée.

Pour plus d’élégance, il n’a pas voulu placer ses tuyaux dans le feu ; il les a cachés sous l’atre, la tablette, & derriere le contre-cœur ; mais il me semble qu’il étoit bien-aisé de le faire sans se départir de son principe. Il n’étoit question que de faire servir les chenets à cet usage. Il faudroit qu’ils fussent un peu plus gros qu’à l’ordinaire, doubles, & fixes. Enfin je voudrois appliquer cette idée à tout. Je voudrois ajuster dans le même goût les barres de fer qui soûtiennent une cornue, & qui servent de grille dans un fourneau fixe. On pourroit encore faire passer de pareils tuyaux à-travers un poêle ordinaire, & échauffer ainsi plusieurs chambres ; & l’on pourroit alors en dériver l’air du dehors, selon la méthode de Keslar.

Ainsi donc si les Apothicaires n’échauffent pas bien leurs étuves, s’ils y font passer des vapeurs nuisibles, & s’ils font trop de dépense pour cela, c’est qu’ils ne savent pas tirer parti de choses très-avantageuses, & déjà assez anciennes pour être bien connues.

Il est aisé de voir l’analogie qu’il y a entre ces cheminées de Gauger, & le poêle à l’italienne. On y trouve aussi quelque ressemblance avec le bain sec de Glauber. Voyez Vaisseau. Gauger met encore d’après quelques autres une petite trape devant l’atre qui donne l’air du dehors pour souffler le feu. Cette invention vient encore originairement des poêles de Keslar.

Il est une espece de fourneaux en Chimie, à la figure desquels on dispute son mérite, quoique les auteurs & l’expérience ayent assez parlé en sa faveur. C’est des fourneaux de fusion elliptiques & paraboliques qu’il est question. Béguin en est pour la figure cylindrique & l’elliptique ; je place la cylindrique avec, parce qu’elle doit avoir le même sort. On conçoit aisément qu’elle ne peut s’entendre que d’un fourneau qu’on ne voudra pas faire elliptique ; & qu’on préfere cette figure à la quarrée. La figure cylindrique doit être aussi essentielle pour réflechir les rayons horisontalement vers un même centre, que l’elliptique pour les refléchir en haut & en bas. Barchusen se déclare pour la forme ovoïde, & dit que par son moyen on peut exciter un grand feu. Il veut aussi la ronde au sujet de son fourneau universel, qui est celui du reverbere de Glaser. Teichmeyer n’en veut qu’à l’elliptique, & il faut avoüer qu’il a outré les choses ; car il aime tant à ne rien perdre de l’ellipse, que les grilles placées à leur sommet ont à peine le quart du diametre de ses fourneaux. Vogel qui est vraissemblablement celui qu’il appelle son disciple chéri, dit que c’est la meilleure pour les fourneaux, & qu’elle est d’un avantage bien supérieur à son épaisseur, comme on le peut voir par le fourneau de M. Pott. Enfin Charas, le Mort, Barner, & Juncker demandent tous la figure ronde & l’elliptique. Glauber l’admet pour son fourneau. Le fourneau de Beccher, fig. 71. en approche. Boerhaave s’en sert non seulement pour le fourneau de Glauber, mais encore pour son fourneau de distillation latérale ; & il est aisé de voir par l’explication qu’il en donne, qu’il y