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le charbon se porte en-haut pendant que l’ignition prend le bas ; ensorte que si on répete l’expérience même dans un petit fourneau bien fait, le fond en est plûtôt rouge que le corps qu’on mettra dessus. Il faut donc qu’un fourneau ne s’allume bien que quand la partie inférieure, & sans doute les parois, en sont bien échauffées : & en effet qu’on allume du feu dans une cheminée qu’on n’a chauffée depuis quelque tems, le bois ne brûlera jamais bien qu’elle ne soit échauffée. Il est vrai que l’humidité y contribue ; mais la chose est la même sans humidité. Qu’on jette un tas de charbons embrasés dans un coin très-sec ; comme ils ont beaucoup à échauffer, ils s’éteindront, non pas faute d’air, mais parce qu’ils ne sont pas en assez grande quantité pour échauffer l’endroit qu’ils occupent, & pour se consumer ensuite. Il résulte delà que la matiere des fourneaux est d’un choix plus important qu’on ne pense communément ; son épaisseur aussi doit être considérée : il s’ensuit encore que là structure y doit entrer pour beaucoup, & que les fourneaux en tôle avec un garni, méritent peut-être la préférence sur les autres : nous examinerons cela bien-tôt. Qu’on se rappelle ici ce que nous avons dit, article Essai, que des charbons noirs mis à l’entrée de la moufle du fourneau de coupelle, s’allumoient d’eux-mêmes ; que Glauber a dit qu’ils s’allumoient aussi d’eux-mêmes dans son fourneau ou notre fig. 67. que Beccher a dit que la chaleur se conservoit très-long-tems dans le sien, ou notre fig. 71. Non-seulement la construction des fourneaux épargne le charbon, mais encore on peut conserver le feu avec peu d’aliment, quand le fourneau & les vaisseaux sont échauffés ; mais il faut avoir eu soin pour cela de fournir du charbon : car si l’on n’en a mis que peu-à-peu, il brûle de même, & fait peu d’effet, en sorte qu’il ne faut presque plus compter que sur la chaleur qu’on en tire. Il suit conséquemment que, si l’on vouloit manier le feu à volonté, & être maître de passer tout-à-coup d’un extrème à l’autre, il ne faudroit pas employer des fourneaux épais ; ils conserveroient leur chaleur trop long-tems. Il seroit à-propos qu’en pareil cas ils fussent minces & métalliques. Les vases de métal ne conservent pas long-tems leur chaleur, & l’ébullition, p. ex. cesse si-tôt qu’ils sont hors du feu ; au lieu que les vaisseaux de terre non-seulement la conservent long-tems, mais encore en donnent une plus considérable, le moment d’après qu’ils sont ôtés de dessus le feu. Une pareille espece de fourneau peut être nécessaire en certains cas. On aura beau fermer tous les regîtres du fourneau massif qui sera bien échauffé, le feu s’y éteindra à la vérité ; mais il n’en est pas de même de l’embrasement des briques, &c. le concours de l’air ne lui est pas nécessaire pour subsister.

On conçoit aisément comment le charbon brûle dans le foyer d’un athanor ; il se trouve placé, ainsi qu’on l’a déjà dit, comme dans un canal placé dans un courant d’air qui s’étend depuis la porte du cendrier jusqu’à l’extrémité des regîtres : plus ces regîtres seront élevés, & mieux l’athanor ira. Aussi le grand art de M. Cramer est-il d’avoir élevé ses regîtres par les petites cheminées qu’il y a faites ; sans compter qu’il a encore disposé sa porte de communication entre la tour & la premiere chambre, dans les mêmes vûes, c’est-à-dire selon l’idée qu’il avoit qu’il étoit de la nature du feu de monter & de ne pas descendre.

On peut encore croire que l’air monte & descend dans la tour de l’athanor fermée & allumée, comme il fait dans un tuyau d’orgue à vent fermé, quoique par une cause différente : car il est très-certain que l’air qui remplit les interstices du charbon, est raréfié par la chaleur, comme on a dû le conjecturer par le conseil de Glaser & le Fêvre, &c. de mettre un bain

sur le haut de la tour ; que l’air du dehors doit se mettre en équilibre avec lui, & conséquemment le chasser & s’introduire à sa place ; ensorte qu’il y aura une colonne d’air nouveau qui montera continuellement & fera descendre une autre colonne d’air raréfié.

D’ailleurs on peut encore penser que le feu descend dans la tour ouverte d’un athanor, comme celui de notre fig. 61. parce que la partie inférieure de cette tour & le corps de l’athanor font ensemble un canal dans lequel l’air est raréfié comme s’il étoit dessus, ou, comme il arrive au poêle sans fumée, dans lequel le feu ne peut pas être déterminé à passer par son canal, quoique plus long, qu’il n’ait une cause, qui est la raréfaction de l’air dans ce canal qu’il doit conséquemment échauffer avant : ensorte que l’air tendant à se mettre en équilibre avec lui-même, il ne pourra manquer de descendre, au moins en partie. Il est vrai qu’un tuyau qu’on chauffe au milieu à-peu-près, peut donner l’air chaud constamment à sa partie supérieure ; mais si on le chauffoit à cette extrémité supérieure, même ouverte, nécessairement l’air chaud devroit passer par le bas. Dans les réchaux où le feu n’a de tuyau ni par le haut, ni par le bas, il est long-tems à s’allumer, parce qu’il ne peut presque se déterminer d’aucun côté ; & il faut qu’il ait rougi sa grille pour être agité par l’air : & cela est si vrai, que si on le comble de charbon, ce qui en excede les bords, & même un peu au-dessous, ne s’allume jamais qu’après la rougeur de la grille, & même n’est jamais parfaitement allumé. On m’objectera peut-être que du moment que je mets des charbons allumés dans le haut de la tour, sa partie inférieure n’est pas plus échauffée que la supérieure ; mais il est aisé de voir que la chaleur se répandant de toutes parts, raréfiera plus la colonne d’air inférieure que la supérieure ; par la raison que celle-là est renfermée : ce qui, je crois, n’a pas besoin de preuves. Ainsi donc l’air pourra tendre à se mettre en équilibre en allant de haut en-bas. C’est sans doute par la même raison en partie qu’une trompe qui communique avec un cendrier, augmente la rapidité de l’air & la vivacité du feu. Car non-seulement on tire de l’air frais du dehors par son moyen, mais encore on en accélere la vîtesse, parce qu’il y est certainement raréfié.

Il y a des bains-marie faits d’un grand chauderon, au milieu duquel passe une tour de fonte qui contient le feu comme une tour d’athanor. On en a une image en petit dans les bouilloires en cuivre qui servent ordinairement au thé, ou dans ces appareils destinés aux bains, à laver la vaisselle. Si la grille est de même niveau que le fond du chauderon, il faut que le haut de la tour soit ouvert, ou ait un tuyau de poêle, voyez the art of distillation & Leutmann ; mais on peut le fermer si la tour est prolongée, & même un peu enflée en-dessous ; car alors on y fait des regîtres qui, non-seulement font brûler l’aliment du feu jusqu’à l’endroit où ils sont ouverts, mais qui échauffent encore le fond du chauderon ; & on a par ce moyen un vrai athanor. La tour peut encore être fermée, la grille étant de niveau avec le fond du chauderon, si on éleve à fleur-d’eau de petits tuyaux servant de regîtres, qu’on sera de la longueur qu’on voudra, & qu’on détournera à sa commodité ; & pour lors l’aliment du feu ne brûlera que de la hauteur des regîtres, & ce sera encore un athanor. Il est aisé de concevoir que les tours qui ont un tuyau de poêle, doivent ressembler à un poêle à cloche.

En Pharmacie, on est dans l’usage de sécher les plantes, & de tenir seches les drogues qui ne doivent point prendre d’humidité, avec un athanor, notre fig. 61. par exemple, dont le bain de sable est dans la petite chambre servant d’étuve, & la tour est dehors au moyen d’une petite cloison de planches,