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considérable. Boerhaave, element. chem. pag. 163.

Ne pourroit-il pas se trouver des occasions où il seroit nécessaire d’employer une flamme qui n’auroit que très-peu ou point-du-tout de fumée, & conséquemment d’avoir recours à la construction du poêle sans fumée ? La fumée est nuisible, par exemple, dans les fourneaux de verrerie, où les creusets demeurent toûjours ouverts. Elle gâte le verre, & l’empêche de se perfectionner. Neri, préf. page 17. Le fourneau qui seroit le plus approchant de ce poêle, celui auquel il y auroit moins de changement à faire, seroit le grand fourneau anglois, ou notre fig. 19. On m’objectera que la fumée ou partie charbonneuse fine du bois qui échappe à l’embrasement, y est nécessaire pour le succès de certaines opérations, comme, par exemple, du minium, de la fonte des mines, de celle du cuivre, &c. mais on peut répondre à cela, que si cette partie charbonneuse est consumée dans le commencement de son trajet à-travers la flamme, ce qui n’est pas démontré, il s’ensuit que cette méthode ne sera pas bonne dans les circonstances où la partie charbonneuse est nécessaire ; & en effet on parle de celles où elle seroit nuisible. On pourroit donc en ce cas, au lieu de mettre la grille en b au-dessous du sol, la placer au niveau de la voûte qui est immédiatement au-dessus ; on ouvriroit un espace au-dessus de la grille, comme dans celui du poêle sans fumée, capable de contenir l’aliment nécessaire au feu ; & sous la grille on condamneroit le cendrier qui pour lors seroit inutile & nuisible, & on le mettroit au niveau du sol du fourneau ; ensorte qu’on auroit un vrai poêle sans fumée en toutes les regles, mais en grand. Mais il faut observer que la cheminée, comme celle des fourneaux anglois, seroit nécessaire en ce cas, & qu’on ne pourroit pas faire ce changement aux fourneaux des canons de l’arsenal de Paris, à-moins que d’y en construire une.

Nous avons encore observé, en parlant du fournaliste, que dans sa cheminée on trouvoit des cendres noires, ou une matiere noire & seche qui n’étoit pas onctueuse comme le noir de fumée. On trouve encore la même matiere à la partie supérieure que les fourneaux y ont dans son four, c’est-à-dire dans cet endroit qui y est le moins exposé à l’action du feu ; & cette matiere y est encore moins noire & fuligineuse que celle de la cheminée.

Le four du potier de terre est beaucoup plus large & plus long que celui du fournaliste ; mais sa cheminée est derriere, & la flamme n’est pas obligée de s’y réfléchir, ce qui la rend d’autant plus vive : aussi n’apperçoit-on ni sur les pots ni dans la cheminée pas le moindre vestige de suie. J’ai aussi remarqué que l’endroit le plus vitrifié, celui qui avoit le plus éprouvé l’action du feu, c’étoit l’extrémité du four & le commencement de la cheminée.

On peut profiter de tous ces exemples pour la Chimie & l’Economie domestique : ce n’est pas que nous conseillions de faire des poêles sans fumée dont le tuyau seroit ouvert dans les appartemens ; nous ne connoissons que trop les accidens qui arrivent tous les jours de la part de la vapeur du charbon ou matiere du feu, quoiqu’invisibles, encore associées à des corps qu’on ne connoît pas, comme les gas de Vanhelmont ; mais il n’y auroit rien à craindre, si les tuyaux avoient une issue au-dehors ; & s’il restoit encore des doutes sur l’ouverture de la partie supérieure de la grille, on pourroit la fermer & dériver l’air, qui lui seroit nécessaire, par un tuyau recourbé qui perceroit dans une chambre inférieure, ou même qui seroit horisontal & viendroit du dehors. Nous en parlerons dans la suite.

Quand on allume les fourneaux, on sent pour l’ordinaire une odeur de foie de soufre, & quelquefois

de soufre brûlant ; on en trouvera les raisons aux articles Soufre & Phlogistique.

Quand on les veut allumer lentement, on met, comme nous l’avons déjà dit à l’art. Essai, les charbons ardens par le haut sur les charbons noirs dont on les a eu remplis. Les soupiraux & les regîtres étant ouverts, le feu descend ; c’est de la sorte qu’on allume ordinairement la tour des athanors, & qu’il faut nécessairement allumer celle qui n’a point de bouche du feu, comme dans Charas, à-moins qu’on ne veuille se donner la peine d’ôter le charbon dont elle peut être pleine. Son dôme & son soupirail étant ouverts, le feu descend de haut-en-bas, à-peu-près dans la même quantité qu’on l’y a mis ; c’est-à-dire que les charbons allument de proche en proche pareille quantité de charbons à-peu-près, & perdent l’ignition qu’ils ont communiquée, jusqu’à ce que l’embrasement étant parvenu au fond du charbon ou du fourneau, il se communique enfin à tout celui qui est dans la tour, si on n’a soin de fermer sa partie supérieure : voilà le fait ; cherchons-lui quelque application. L’air passe par le soupirail ou par les regîtres qui sont inférieurs à la partie supérieure de la tour, pour se mettre en équilibre avec celui qui étant raréfié par le feu, doit déterminer son action par en-haut ; puisque le feu étant plus leger que l’air, il doit s’élever au-dessus de celui-ci : ou, ce qui revient au même, que l’air chaud, qui est plus rare & plus leger, doit s’élever au-dessus de celui qui est froid : ensorte que le feu, au-lieu de s’étendre par en-bas, s’éteindroit faute de pâture au-dessus de lui. Quelle est donc la cause qui produit ce phénomene, & qui change le cours de l’air, non-seulement dans la circonstance présente, où il est tout le contraire de ce qu’il est ordinairement ; mais encore dans la suite, où le charbon de la tour étant allumé par le bas, l’air reprend son jeu ordinaire ? seroit-ce par un méchanisme approchant de celui du poêle sans fumée ? La chose ne s’y passe de la sorte que parce qu’il a un tuyau qui est supérieur à son foyer : ainsi il ne seroit pas étonnant que la même chose arrivât dans l’athanor de M. Cramer, en supposant que l’une de ses petites cheminées fût plus haute que la partie supérieure de la tour, & ouverte aussi, selon les expériences de Gauger. Si l’on expose un tuyau au feu horisontalement, il donne une vapeur chaude à chaque extrémité : si on l’incline, le côté supérieur soufflera un air chaud capable d’éteindre la flamme d’une bougie ; & cet air le sera d’autant plus, qu’on l’élevera davantage. La chose sera la même, si l’on change de bout ; celui qui étoit supérieur d’abord se refroidira, & celui qui est devenu le supérieur, d’inférieur qu’il étoit avant, s’échauffera à son tour ; & quoiqu’on bouche l’extrémité inférieure, l’air ne laissera pas de sortir, quoiqu’avec moins de vivacité ; par la raison qu’il fait pour lors comme dans un tuyau d’orgue à vent fermé, où il a une colonne entrante & une colonne sortante. Ainsi une moufle d’essai pourra n’avoir point de soupiraux ; & l’agitation de l’air, malgré cela, ne laissera pas d’entraîner ses vapeurs, quoique plus foiblement. Au reste, il y a au-moins certainement une vapeur ignée comme autour des poêles, &c. qui produit le phénomene qu’on attribue peut-être mal-à-propos à l’air : d’où il s’ensuit que l’air le plus chaud est le plus leger & prend le dessus, & qu’une chambre doit être plus chaude en-haut qu’en-bas, &c. Mais si au lieu du tuyau droit dont nous venons de parler, on en employe un courbé comme un syphon, la chose sera précisément la même, c’est-à-dire que l’air sortira pour lors par la plus longue branche. On pourroit comparer la tour de l’athanor de Cramer avec son foyer & une de ses cheminées à un syphon.

Mais on observe que la petite flamme que donne