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nécessaire à son mouvement lui porte. Le concours de l’air est nécessaire pour l’embrasement, comme tout le monde sait, & comme le seul Stahl l’a bien expliqué dans ses trecenta, & autres ouvrages : ensorte qu’on pourroit définir le feu une matiere qui fait effervescence avec l’air, & qui tire sa force du mouvement qui nait de ce mélange. Mais l’air n’anime pas seulement le feu par ses parties propres, il augmente encore son aliment par les corps qu’il y porte. Tels sont le feu élémentaire qui est peut être nécessaire pour le rendre fluide ; l’acide sulphureux volatil qui s’y trouve (Voyez Stahl, trecenta) ; la transpiration des animaux, les sels volatils, les huiles, les semences, les poussieres, les odeurs, l’eau, les sels, & peut-être des minéraux & des métaux. Boerhaave. Il ne fait donc pas jouer le feu des fourneaux par sa simple qualité de vapeur élastique ; peut-être même produit-il ce phénomene plus par l’eau qu’il contient, que par lui-même, soit que cette eau agisse directement comme un corps mu, ou indirectement en le condensant ; ce qui est prouvé par l’action de l’air qu’on tire d’un endroit frais, comme de la rue ou d’une cave, par le moyen d’une trompe.

Il y a un choix à faire dans le charbon ; les plus durs & les plus sonans doivent être préférés : ils conservent la chaleur plus long-tems, & la donnent plus vive. Ceux qui sont faits de bois plus durs que le chene, valent encore mieux. Tels sont ceux de gayac, par exemple, qui rendent un son clair, & sont très-compactes & pesans. Les plus mauvais de tous sont ceux de tilleul & de sapin ; ils sont mous, brûlent vîte, & donnent peu de chaleur. On doit rejetter les fumerons ou charbons mal cuits, parce que la suie ou l’humidité acido-huileuse qu’ils exhalent, peut nuire aux opérations où l’on ne peut pas employer le bois ; cet inconvénient a fait quelquefois tomber en apoplexie le fameux distillateur Glauber. Les charbons doivent être tenus dans un lieu sec ; ceux qui ont pris de l’humidité pétillent & s’écartent de toutes parts en conséquence de l’explosion que leur cause l’humidité dont ils sont impregnés, explosion qui brise souvent les vaisseaux.

Le charbon de terre donne une chaleur plus vive & plus durable ; mais il donne de mauvaises exhalaisons, même quoiqu’on l’ait calciné. Barner, Stahl.

La tourbe qui est composée de pédicules & de racines de plantes entrelacées & impregnées d’une terre bitumineuse, conserve aussi le feu assez long-tems, & elle donne une flamme claire : mais elle donne encore des exhalaisons nuisibles. Quand on en veut chauffer un fourneau, on en prend un morceau, on le fait flamber dans le feu, & on l’éteint dans l’eau : quand on en veut allumer d’autres morceaux, on met celui-ci dans le feu ; il s’embrase promptement, & sert à mettre le feu aux autres. Stahl, fund. page 46.

Tout le monde sait quel est le meilleur bois pour l’usage, & de quelle grosseur il doit être pour ce qu’on en veut faire.

L’huile & l’esprit-de-vin sont très-commodes, en ce qu’ils fournissent en abrégé un aliment qui entretient long-tems le feu, quand il le faut doux sans doute : mais Vogel y trouve cet inconvénient, que l’esprit-de-vin est trop cher, & que l’huile donne un charbon qui retombe aisément & souvent sur les meches, s’allume tout-d’un-coup & occasionne une explosion ; il dit encore que quelquefois elles sont éteintes par le charbon ou le champignon qu’elles forment ; ensorte qu’outre la dépense on court du danger, si l’explosion se fait quand on en est près. Mais je ne crois pas qu’on doive se laisser aller à ces craintes : en premier lieu, on ne feroit pas au même prix avec le charbon ce qu’on fera avec l’huile ; si cet aliment coûte beaucoup, c’est qu’il faut qu’il

brûle long-tems ; il a raison au sujet de l’esprit-de-vin, il est beaucoup plus cher & dure moins que l’huile : en second lieu, si les lampes ont fait beaucoup de charbon, c’est qu’il en a mal arrangé les meches, & qu’il a brûlé de l’huile très-épaisse. Quand le lumignon d’une lampe est bien fait (voyez Leutmann), on peut le laisser brûler quatre sans y toucher : de toutes les huiles qu’on brûle la plus mauvaise, sans contredit, pour la poitrine, est celle de navette ; cette huile contient un alkali volatil qui échappe au-moins en partie à la déflagration, ou qui s’éleve de la lampe échauffée.

Généralités sur le jeu de l’air & du feu, & sur son aliment dans les fourneaux. On chauffe pour l’ordinaire les grands fourneaux de décoctions, ou servant à la courge, au grand alembic de cuivre de quelques piés de diametre ; enfin ces fourneaux que nous avons dit ressembler à notre fig. 3. excepté qu’ils sont un peu moins élevés à-proportion ; on les chauffe, dis-je, avec le bois, pour épargner la dépense. Ils ont un tuyau de poêle pour la sortie de la fumée : mais s’ils sont mal construits, c. a d. si le cendrier & le foyer ne sont distingues que par leur grille, qui ne laisse entrevoir au-dehors qu’une seule & même porte, comme on le voit dans quantité de laboratoires, & par notre fig. 84. tirée de la Pl. III. de Lémery, ou il y en a deux l’un contre l’autre ; la fumée est sujette à sortir par la porte du cendrier, sans qu’on puisse l’en empêcher, à moins que le tuyau qui dérive la fumée ne soit bien fait & bien exposé, & encore y a-t-il des tems où il fume. Il faut donc que ces deux portes soient éloignées l’une de l’autre, sinon comme dans notre fig. 3. au-moins à-peu-près autant : on peut la citer comme un exemple de ces sortes de fourneaux, au-moins quant au fond ; car les autres n’ont besoin ni d’échancrure ni de dôme. Il s’ensuit donc nécessairement que le fourneau de décoction aura une grille, & ils n’en ont pas tous ; ce qui est un défaut ; & cette grille est nécessaire pour remédier à l’inconvénient en question. Par-là la bouche du foyer étant exactement fermée avec une brique qui aura l’épaisseur de la paroi du fourneau, & lutée, s’il est nécessaire, la fumée sera obligée d’enfiler son tuyau de poêle, ou de descendre dans le cendrier ; & elle ne peut pas s’échapper par ailleurs : car on suppose que le fourneau n’ait pas de crevasses, & que la cucurbite de cuivre soit bien lutée tout-autour. Mais la fumée ne pourra descendre dans le cendrier, qu’elle ne passe à-travers la flamme ; & elle n’a pas le tems de faire ce trajet, qu’elle est toute consumée & qu’on n’en voit rien ; car on n’a jamais vû de fumée sortir du cendrier, pourvû toutefois que la grille soit bien garnie de braise. Ce phenomene qui existe particulierement dans le poêle sans fumée, & qui est le principe de sa construction, pourroit être appliqué aux poêles ordinaires ; nous en parlerons encore dans la suite. On auroit plus de chaleur avec la même quantité de bois, sur-tout si on y joignoit la disposition du poêle à l’italienne, imité de ceux de Keslar & des ventouses de Gauger, quant au tuyau seulement, & non quant à la circonvolution de la flamme : on y a, dis-je, plus de chaleur, parce que la fumée s’y brule ; ce qui est autant de perdu pour l’aliment du feu ; & il n’en faut pas nettoyer le tuyau si souvent.

Que la fumée devienne la pâture du feu toutes les fois qu’elle est soûmise au mouvement de ce principe, c’est ce que nous n’entreprenons point de prouver ici : on peut voir les articles Fumée, Huile, & Phlogistique  : au reste il est aisé de comprendre que la suie n’est qu’une fumée concrete, & l’on ne sait que trop qu’elle est capable de brûler. Nous nous bornons donc à parler des cas où la chose arrive. La fumée du four du boulanger n’est plus humide, plus