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exact. Il ne faut pourtant pas vouloir travailler de la sorte en grand ; car les amateurs en ont été dégoûtés par les sommes considérables que cela exigeoit : malgré cela, on y fait par la réduction, des opérations très-utiles & des alliages de métaux peu connus jusqu’ici des artistes, à cause des difficultés de l’opération : on le fait même commodément & pas trop en petit ; car on y peut traiter à-la-fois jusqu’à dix livres de métal ou de mine, & de fer même. Or la disposition du fourneau est telle pour cette circonstance qu’elle l’étoit dans la précédente, c’est-à-dire pour la fusion dans le creuset ; à cette différence près, qu’on n’employe ni creuset ni grille : seulement on conserve le soufflet & le pié-d’estal D1. On allume le feu par degrés, ensuite de quoi l’on jette alternativement des charbons & de la matiere à fondre. Ce qui est fondu tombe dans le pié-d’estal. Nous parlerons de cette opération en dernier lieu : enfin ce fourneau, dans cette circonstance, revient au même que celui de M. Cramer (fig. 26.).

Nous voici enfin parvenus à la derniere piece de notre fourneau, c’est son fond ou fondement, ou pié-d’estal, ou cendrier, qui est de deux especes, comme nous l’avons déjà dit, & qu’on peut encore le voir en D1. & D2. Le premier est un cylindre dont on voit assez la grandeur & la figure, pour qu’il soit inutile d’en parler ; on le remplit de brasque pesante : quand elle est un peu seche, on y enfonce un hémi-sphere de bois au point qu’on juge nécessaire, pour que la cavité pratiquée puisse contenir la matiere fondue. On fait au fond un trou d’un pouce de diametre qui va sortir à l’un des côtés du pié-d’estal ; on est le maître de le tenir ouvert ou fermé. Le soufflet donne son vent vis-à-vis, directement à la superficie de la matiere ; les scories & les charbons nagent sur son bain ; elle coule sitôt qu’on ouvre le trou. En un mot Beccher assûre avoir trouvé par ce moyen plusieurs mines, & fait des observations singulieres au sujet de cette fusion : quant à la précédente, il est avantageux qu’on puisse toûjours voir le creuset. Ici quand la matiere est fondue, on ôte le corps, & elle reste dans le catin, ou bien on la verse au moyen d’un manche qu’on lui ajuste dans un crampon qu’on y attache exprès, si on ne la veut pas faire couler par le canal qui perce dans le milieu de sa cavité. Nous nous sommes déjà étendus là-dessus en parlant du fourneau de fusion de M. Cramer, fig. 26 & suiv.

D2. est un trépié qui permet l’accès de l’air libre au fourneau pour différentes opérations, dans les cas où il ne faut pas un grand feu, c’est-à-dire l’appareil du soufflet & du pié-d’estal D1. car quand on employe la fig. D2. il faut aussi se servir de la premiere ou seconde grille. Il donne pourtant une grande flamme avec la fig. D2. & la pousse à quelques coudées par-dessus l’orifice. Il est pour lors d’un usage admirable dans plusieurs opérations où il n’est pas besoin de soufflet ; mais il faut encore faire remarquer une autre décomposition & assemblage de ce trépié D2. Mettez dessus le dôme renversé, & par-dessus le cercle B1. & vous aurez un très-beau fourneau descensoire. Vous pourrez mettre ou une cucurbite ou une retorte dans cette cavité, en faisant passer son cou à-travers le regître du dôme ; lutez tout-autour & ajustez un récipient : allumez le feu par-dessus, & vous aurez le résultat que vous pouvez desirer, si vous employez toutefois les matieres qui sont propres à être traitées par cette voie. En voici assez sur la structure & les applications de ce fourneau ; les Planches & leurs explications doivent y avoir suppléé.

Il faut avoüer que Beccher épuise la matiere par l’étendue de l’application qu’il donne à son fourneau ; on ne peut qu’admirer ses vûes, & l’on ne doit pas douter qu’il ne dise vrai. MM. Cramer & Pott ne l’auroient pas imité & n’auroient pas fait les merveilles

qu’ils racontent, si ce fourneau ou ses imitations n’avoient un mérite réel ; mais il doit user une quantité considérable de charbon, souvent pour peu de chose, ce qui est un grand inconvénient ; sans compter qu’il y a encore des opérations qui ne s’y font pas, & qu’il doit être fort incommode pour d’autres. Cependant nous croyons qu’il peut être exécuté avec beaucoup de fruit, & qu’il peut être très-utile : au reste, on appercevra aisément entre les trois fourneaux en question les différences qui nous les ont fait admettre tous trois. On trouve quelque analogie entre ceux de Beccher & de Glauber.

Le fourneau de fusion de M. Cramer (fig. 26. & suiv.), que nous avons décrit à sa section, peut encore servir aux distillations & sublimations ; opérations très-utiles & même nécessaires ; ensorte qu’un essayeur, par exemple, qui n’auroit point l’athanor, pourroit se servir de celui-ci, pour y faire une partie des opérations qu’il exécute au moyen de l’athanor. Ce dernier lui est pourtant moins nécessaire qu’un fourneau de fusion ; car il peut faire dans celui-ci tout ce qu’il fait dans l’autre, à l’exception du coupellement qu’il fait dans son fourneau d’essai, & même encore le peut-il par la nouvelle variété suivante. Pour le rendre propre à tous ces usages, on n’a qu’à pratiquer au corps du fourneau une ouverture garnie d’une porte roulant sur deux gonds a (fig. 30.), semblable à celle du dôme. Sa base sera éloignée de trois pouces de l’anneau inférieur ; elle sera arquée, large de quatre pouces par le bas, & haute d’autant dans son milieu. La cavité elliptique en question recevra son complément du dôme (fig. 31.), garni de deux poignées au moyen desquelles on pourra le manier aisément. Ce dôme destiné à recevoir le chauderon de fer (fig. 60.), muni d’une échancrure, en aura pareillement une c, qui répondra à la premiere. Cette échancrure sera fermée d’une porte quand il faudra faire des opérations auxquelles le chauderon de fer ne devra point avoir de part. Pour favoriser le jeu de l’air & la conduite du feu, l’on pratiquera, tant dans le cercle supérieur du dôme, que dans le bord du chauderon, quatre trous ou regîtres à égale distance les uns des autres ; & l’on fera autant de couvercles pour fermer le passage à l’air, quand on le jugera à-propos, quoique la porte du cendrier (fig. 28.), employée avec le fourneau dont il s’agit, puisse servir aux mêmes fins : les figures & l’explication que nous en avons données répandront de nouvelles lumieres sur ce que nous venons d’exposer.

La variété dont nous venons de parler peut être employée dans la place de la fig. 26. & lui est même semblable, excepté qu’elle est séparée en deux corps, & qu’elle a des portes que l’autre n’a pas, mais qui ne préjudicient absolument à aucune opération, si ce n’est peut-être en donnant moins de chaleur & en s’échauffant plus lentement que la fig. 26.

Depuis fort long-tems on a pensé aux fourneaux polychrestes, comme on l’a vû par celui de Dornæus : depuis ce tems-là, & peut-être même avant, tous les auteurs en ont donnés & se sont exercés pour en trouver : Libavius, Béguin, Rhénanus, Glauber, Glaser, le Fêvre, Charas, le Mort, Beccher, Barner, Lémery, Manget, Barchusen, M. Teichmeyer, Boerhaave, Juncker, Cramer, Cartheuser, & Vogel, dont la succession est indiquée par l’ordre que je leur donne, en ont parlé les uns plus, les autres moins : il n’y a pas jusqu’au fourneau de notre fig. 1. qui ne se mêle aussi d’être polychreste ; car on peut s’exprimer de la sorte après avoir parcouru la description de celui de Beccher. Le premier que je sache qui l’ait donné, & donné comme polychreste, est Béguin, comme je l’ai déjà dit en son lieu ; je dis comme polychreste. Voyez la section suivante des philo-