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parlerons encore dans la section des polychrestes ; il est tiré de Cramer, part. I. nous en allons décrire d’autres qui en approchent, & qui peuvent en avoir donné l’idée. Voyez celui de Beccher.

Le fourneau de fusion qui doit être placé ici, est celui que nous a donné Beccher dans son laboratoire portatif, que nous avons marqué fig. 71. mais comme cet auteur en a plus fait un polychreste que toute autre chose, & qu’il n’y a presque rien à en dire sur la fusion, que nous n’ayons dejà dit à l’occasion de celui qui précede, ou que nous ne soyons sur le point de dire au sujet de celui de M. Pott, dont nous allons parler, nous n’en ferons mention qu’à la section des polychrestes.

Mais je crois devoir parler avant d’un fourneau qui mérite attention par sa singularité : il est tiré du commerc. litterar. de Nuremberg, ann. 1741. p. 224. & Pl. II. fig. 8. On en parle comme d’un extrait des ouvrages de M. de Kramer de Vienne, qui s’exprime en ces termes : « Je serois fâché de passer sous silence que j’ai connu il n’y a pas long-tems une nouvelle espece de fourneaux chimiques. Voyez nos Planches de Chimie, fig. 37. n°. 2. Ces sortes de fourneaux sont portatifs, & propres à toutes sortes d’opérations chimiques ; ils ne deviennent jamais rouges à l’extérieur, quoiqu’ils puissent donner intérieurement tous les degrés de chaleur : on peut même y pousser le feu au point d’y mettre en fonte toutes les terres connues ; ils ne font d’ailleurs aucun mal, pourvû qu’ils soient placés sous une cheminée. Ces propriétés sont particulierement fondées sur trois conditions ; la matiere dont on les fait, leur figure, & leur construction. On employe pour les faire une espece de pierre tendre & legere, qu’on appelle pierre ollaire ; il est bon d’observer qu’elle est plus legere que la pierre ollaire de Pline, à laquelle les Suisses donnent le nom latin d’appen-zellensis, ou de clarensis, que Scheuchzer a fait connoître dans sa description de la Suisse, & qu’elle est d’une nature bien différente. On en tire beaucoup à Hesse-Cassel, ou plûtôt dans la province de Nassau, & dans la Thuringe, tout près d’Ilmeneau, où on l’employe principalement à la construction des édifices, parce qu’on peut la tailler & la scier. Quand on veut l’employer au fourneau en question, on en façonne plusieurs segmens circulaires de la maniere que la figure du fourneau & la nécessité de les maçonner exactement ensemble, l’indiquent. D’ailleurs, on arme ces segmens depuis le bas jusqu’au haut du fourneau de cercles de fer qui les empêchent de se désunir & de se briser. On en construit un fourneau cylindrique extérieurement à la hauteur d’environ trois piés ; on le couvre d’un dôme fait de la même pierre, & dont la figure varie selon les différentes opérations ; la grille peut se placer à différentes hauteurs. Pour donner accès à l’air ; il n’est question que de déplacer un ou deux segmens circulaires, suivant le degré de feu qu’on veut donner. La cavité de ce fourneau est telle, que dans quelque point qu’on le coupe, pourvû que ce soit horisontalement, on aura une ouverture parfaitement ronde : mais si on l’examine de-haut en-bas, on trouvera qu’il est formé par deux demi-ellipses ; au reste tout est dans l’exactitude. Je ne doute point qu’on ne puisse au moyen de ce fourneau séparer l’argent que je sais faire la moitié du plomb ; car cette opération ne se fait qu’au moyen d’une vitrification excitée par un feu de la derniere violence, & de vaisseaux qui y résistent, qu’on doit faire de cette pierre ».

On trouvera ce fourneau mieux figuré dans de Sgobbis, Pl. II. lettre Z, que dans nos Pl. parce que nous avons voulu prendre la figure trait pour trait,

quoique la description la rectifie. Il n’est je crois pas besoin d’avertir que le dôme doit avoir un regître au milieu, quoiqu’on n’en voye rien dans la figure.

La fig. 38. représente un fourneau de fusion qui produit des effets inconnus jusqu’ici : quoiqu’il soit imité de celui de Beccher, comme son auteur l’avance, nous avons cru que nous devions les prendre tous deux, parce qu’ils ont des différences considérables ; nous les examinerons dans la suite : c’est M. Pott qui parle.

Lorsque j’ai dit dans mon traité de Lithogéognosie, que le feu des cuisines & des fonderies n’étoit pas assez fort pour les opérations & les fusions que j’ai décrites dans le cours de cet ouvrage, j’ai aussi au en vûe les fourneaux des Apothicaires, & même ceux des verreries & des manufactures de porcelaine, dans lesquels on ne mettra pas en fusion, quoiqu’à l’aide d’un feu de plusieurs jours, les matieres que je ferai fondre dans mon fourneau avec un feu de deux heures, comme les grenats orientaux, ceux de Bohème, & même les Hyacinthes.

Mon fourneau est à-peu-près le même que celui dont Beccher a donné la description dans son laboratoire portatif, pag. 32. il sera facile d’en voir la différence. Le corps de mon fourneau AA est fait de lames de fer, afin qu’il soit en état de mieux résister à l’action du feu : le dedans est enduit d’argille blanche, crue, mêlée avec parties égales de la même argille, détrempée dans du sang de bœuf.

BB est aussi couvert de lames de fer, & enduit de même en-dedans ; il se met sur le corps AA, & contient la porte D, par laquelle on met le charbon, & le tuyau de fer A, dans lequel on emboîtera un autre tuyau H, qui ait au moins six piés de long. Plus ce tuyau sera long, & plus le feu agira avec force ; il faut attacher ce tuyau dans la cheminée avec une chaîne de fer, de peur que par son poids il ne vienne à faire pencher le fourneau.

Si on vouloit que ce fourneau augmentât encore plus la violence du feu, il faudroit ajoûter un tuyau C à l’ouverture B du cendrier, de façon que l’entonnoir C placé hors de la fenêtre, pût attirer de fort loin l’air extérieur dans le fourneau.

On ne doit employer dans ce fourneau que des charbons de la grosseur d’un œuf de poule ou d’oie ; ceux qui se trouveront plus petits ou plus gros, doivent être rejettés ; il faut emplir le fourneau de charbon presque jusqu’au haut, afin que le creuset soit toûjours couvert de charbon allumé, & le feu dans toute sa force. Il faut aussi avoir soin de mettre des charbons ardens dans le fourneau au-moins toutes les huit minutes : on doit ensuite fermer promptement & exactement la porte ; par ce moyen tout ce qui est fusible dans la nature sera mis en fusion dans l’espace d’une heure ou deux. Pott, Lithogéognosie, part. I. pag. 421.

Nous n’avons point donné l’échelle de M. Pott, parce qu’elle est particuliere à son fourneau ; mais en voici les rapports. Suivant cette échelle divisée en cinq piés, le cendrier de son fourneau est haut & large d’un pié ; le corps est haut de deux piés deux pouces, & a un pié neuf pouces de diametre dans la plus grande capacité de son ventre. On sent bien que le bas a un pié de diametre, ainsi que le cendrier : son dôme BB, ainsi que l’ouverture supérieure du corps du fourneau, a seize pouces de diametre, & sept ou huit pouces de haut jusqu’à la naissance de son tuyau, qui a environ cinq pouces de diametre dans le bas. La porte du cendrier y est trop élevée, devant être de niveau avec le sol. L’on conçoit qu’elle doit être plus large que le tuyau supérieur. Si l’on prévoit que l’on soit obligé dans quelque cas d’appliquer le canal e, il faudra la faire ronde, ou boucher les vuides avec de l’argille & des platras.