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quoiqu’il en parle comme les ayant données. C’est une faute qu’on ne peut attribuer qu’au dessinateur ou graveur qui nous les a transmises.

L’édition de Géber dont nous avons tiré ce que nous avons donné de lui, est celle de Dantzic, faite en 1682, d’après un manuscrit du Vatican. C’est la meilleure ; elle est très-rare, comme l’a fort bien remarqué M. l’abbé Lenglet dans sa bibliotheque hermétique. Mais on la trouve imprimée en latin dans le vol. I. de la bibliotheque chimique curieuse de Manget, avec les planches fidelement copiées. Elle se trouve aussi, mais traduite en françois, dans le tom. I. de la philosophie chim. donnée par Salmon, en 4 vol. in-12.

Enfin le quatrieme ou dernier fourneau sublimatoire est celui de la fig. 167. Il ne se trouve dans nos Planches que pour l’élégance de l’appareil ; car ce n’est au fond qu’un pur fourneau de décoction ou à capsule, qui a un rebord à sa partie supérieure, & une barre pour soûtenir un aludel. Cet appareil est de Manget, Pl. IX. qui l’a pris dans la Pl. III. de Charas, ou bien Pl. II. de le Fêvre, où Charas l’a pris. Mais nous nous appercevons qu’il ne suffit pas de donner des proportions pour les fourneaux ; nous allons donc exposer la composition & la maniere de construire ceux qui sont en terre, avant que de passer à notre seconde section.

Les Fournalistes de Paris font leurs fourneaux avec de l’argille qu’ils prennent à Gentilli ou à Vanvres, & avec les taissons des pots de grais élevés & cylindriques, où l’on apporte à Paris le beurre salé de Bretagne & de Normandie ; ils font tremper pendant une nuit leur argille divisée en grosses pelotes, après quoi ils la corroyent & la pétrissent avec les piés, pour en écarter les corps étrangers, comme les pierres, les pyrites, &c. d’un autre côté, ils pilent les pots de grais & les passent par différens cribles pour en avoir des morceaux de même grosseur à-peu-près. La partie la plus fine est reservée pour les creusets, moufles, scorificatoires, &c. on employe pour les fourneaux celle qui est réduite en morceaux gros comme du millet, du chénevis, des lentilles, relativement à l’épaisseur de leurs murailles, quoiqu’une exactitude scrupuleuse ne soit pas nécessaire à cet égard. On met environ égales parties de ce ciment & d’argille préparée ; on les mêle bien intimement : on garde cette composition à la cave pour la tenir fraîche jusqu'à ce qu’on la mette en œuvre.

Pour construire un fourneau, soit donné, par exemple, celui de la fig. 2. l’artiste prend un morceau de sa composition qu’il juge assez volumineuse pour faire le sol du cendrier ; il la pétrit & en fait une plaque qu’il pose sur une pierre plate saupoudrée de cendres criblées, & portée horisontalement sur un billot de hauteur convenable. Quand il lui a eu donné la même épaisseur par tout, & qu’il l’a eu arrondie à vûe d’œil, il échancre ses bords en les pinçant, afin que l’argille qu’il doit ajoûter s’y incorpore : pour élever la paroi, il prend un autre morceau de sa pâte, le pétrit & le réduit en un cylindre long de trois ou quatre piés, suivant la quantité de cette pâte ; il en applique une extrémité sur la circonférence du sol, la presse avec le pouce, & continue ainsi d’en imprimer les empreintes sur toute la longueur du cylindre qu’il applique au sol. Ainsi la grosseur de ce cylindre est déterminée par l’épaisseur qu’on veut donner aux parois du fourneau ; non qu’il doive avoir un diametre égal à cette épaisseur, car il en faut retrancher ce qu’il peut acquérir étant applati. A ce premier cylindre en succede un second, & ainsi de suite, jusqu’à ce que les parois soient élevées jusqu’au foyer. Alors l’artiste donne le premier poli à son ouvrage, en ôtant l’excédent par-dehors avec un doigt qu’il passe à-peu-près perpendiculairement de bas-en-haut ; il passe presque de la sorte sa main par-de-

dans, pour voir s’il n’a rien à retrancher ; car si son fourneau est trop épais, il passe un couteau tout-autour pour emporter l’excédent, & il polit ensuite avec la main, puis avec une petite palette ou pelle de bois qu’il trempe de-tems-en-tems dans l’eau : on conçoit bien que cette palette doit être convexe d’un côté. Pour lors il enleve son ouvrage de dessus la pierre pour le placer sur la planche sur laquelle il doit sécher.

S’il veut faire le sol du foyer en terre, & qu’il veuille que ce sol soit fixe, il fait une plaque semblable à la premiere, mais convexe supérieurement, & en couvre les parois ; il l’échancre aussi en la pinçant, & il continue d’appliquer ses cylindres.

Mais s’il ne veut faire qu’un rebord, ou même que trois ou quatre mentonnets pour soûtenir une grille de terre ou de fer ; il se contente d’appliquer en-dedans & à la hauteur requise, un cylindre qui parcoure la circonférence du cendrier une fois ou deux, suivant la saillie qu’il veut faire, ou bien il ne l’applique que dans trois ou quatre endroits, mais à diverses reprises, pour faire la saillie nécessaire ; après quoi il continue comme auparavant, d’élever ses parois.

Quand le fourneau est fini, il examine s’il est bien rond, s’il n’est point plus panché d’un côté que d’un autre, ou si un bord n’est point plus haut que l’autre : quant à la rondeur, elle se donne aisément en pressant avec les deux mains le grand diametre du fourneau. On ajoûte au bord qui n’est pas assez élevé, ou l’on diminue celui qui l’est trop ; mais on ne corrige l’obliquité qu’en pressant avec les deux mains placées vis-à-vis l’une de l’autre, le côté qui rentre dans le fourneau, pour lui donner plus d’étendue & l’en faire sortir, & en frappant doucement avec la main le côté opposé qu’on doit refouler : on le polit ensuite comme avant, premierement avec les mains, & ensuite avec la palette, avec laquelle on le frappe d’abord également de toutes parts pour remplir les petits interstices qui peuvent y être restés. On fait tout-de-suite la mentonniere, les poignées du fourneau, & celles des parties qui doivent devenir les portes ; après quoi on les met sécher à l’ombre.

Telle est la pratique de l’artiste à qui un long exercice a donné le coup-d’œil qui supplée aux instrumens nécessaires à arrondir un fourneau, ou qui se soucie peu d’une exactitude géométrique qui d’ailleurs ne subsiste pas toûjours. Il n’en est pas de même de ceux qui commencent & qui veulent travailler avec soin : les uns ont pour guide un petit bâton poli planté perpendiculairement dans la planche sur laquelle ils construisent leur fourneau tout-autour de cet axe, & ils l’arrondissent en le mesurant avec une ficelle qui joue aisément autour de l’axe passé dans son anneau ; d’autres se servent d’une fausse équerre qu’ils ouvrent à angle droit, par exemple, quand c’est un fourneau cylindrique, & à angle aigu quand c’en est un en cone renversé qu’ils veulent faire.

Quand il a essuyé sa plus grande humidité, on le frappe & on le polit encore ; on coupe avec un couteau mince les portes en embrasure, on ouvre les regîtres, & on expose de nouveau le tout à l’air jusqu’à parfaite dessication ; après quoi on fait cuire.

Le four qui sert à cet usage est une cavité de cinq piés de profondeur sur quatre de large, cinq de haut dans le fond, & cinq & demi ou plus à l’embouchure ; il est fait en-dehors d’une maçonnerie capable de soûtenir la poussée de la voûte, & revêtu en-dedans de briques de Bourgogne placées sur deux rangs, excepté à la voûte. Du fond à l’embouchure regnent des deux côtés deux petits murs de brique, épais & hauts de neuf pouces, appliqués aux murs du fourneau : sa porte est marquée par deux petits piés droits, de même largeur & épaisseur que les