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que, & sur-tout les mots Tonnerre & Météore.

La foudre est beaucoup plus fréquente dans les endroits où le terrein exhale plus de soufre ; au lieu qu’elle est rare dans les pays humides, froids, & couverts d’eau. Le terrein n’est pas sulphureux en Egypte, ni en Ethiopie : aussi la foudre est-elle rare dans ces pays. Les anciens disoient comme par une espece de proverbe : les Ethiopiens ne craignent point la foudre, ni les habitans de la Gaule les tremblemens de terre. Voyez Plutarque, traité de la superstition, chap. iij. Mais l’Italie est un pays très rempli de soufre ; ce qui fait qu’il est très-sujet au tonnerre : c’est aussi pour cela qu’il tonne toute l’année à la Jamaïque.

L’utilité de la foudre est 1°. de rafraîchir l’athmosphere ; en effet, on observe presque toûjours qu’il fait plus froid après qu’il a tonné : 2°. de purger l’air d’une infinité d’exhalaisons nuisibles, & peut-être même de les rendre utiles en les atténuant. On prétend que la pluie qui tombe lorsqu’il tonne, est plus propre qu’une autre à féconder les terres.

Selon les observations de M. Musschenbroek, il tonne à Utrecht quinze fois par an année moyenne ; il a remarqué aussi que la direction & la nature du vent ne fait en général rien à la foudre, mais qu’il tonne plus communément par un vent de sud. La foudre est plus fréquente l’été que l’hyver, parce que les exhalaisons qui s’élevent de la terre par la chaleur, sont en plus grand nombre. Selon le même physicien, la matiere des globes de feu est la même que celle de la foudre. Voyez Globe de Feu. Il fait quelquefois des éclairs & du tonnerre en tems serein ; ce que M. Musschenbroek attribue aux exhalaisons qui s’enflamment avant d’être montées assez haut pour produire des nuages. Une grande pluie diminue la foudre, ou même la fait cesser, parce que cette pluie emporte avec elle une grande partie de la matiere qui contribue à former la foudre. Quelquefois la nuée est si épaisse, qu’elle empêche de voir l’éclair, quoiqu’on entende la foudre.

Pour juger de la distance de la foudre, voyez Éclair.

Plusieurs liqueurs fermentent par l’action de la foudre ; d’autres cessent de fermenter, comme le vin & la bierre ; d’autres se gâtent, comme le lait. Ces phénomenes si simples sont très-difficiles à expliquer, & nous ne l’entreprendrons point.

On peut détourner la foudre en tirant des coups de canon ; le son des cloches est un moyen bien moins sûr ; il produit quelquefois plus de mal que de bien, il fait crever la nue au-dessus de l’endroit où l’on sonne, au lieu de la détourner. Voyez l’hist. de l’acad. de 1718.

Les Priscillianistes croyoient que la foudre étoit un effet du démon ; mais leur opinion a été condamnée dans un concile, qui, comme l’observe M. Musschenbroek, s’est conduit très-sagement en cela. (O)

* Foudre, pierres de (Hist. nat. & Physiq.) pierre dont le vulgaire pense que la chûte, ou même la formation du tonnerre est toûjours accompagnée. Leur existence est fort douteuse. M. Lemery croit pourtant qu’il n’est pas absolument impossible que les ouragans, en montant rapidement jusqu’aux nues, n’enlevent avec eux des matieres pierreuses & minérales, qui s’amollissant & s’unissant par la chaleur, forment ce qu’on appelle pierre de foudre. St cette idée de M. Lemery n’est pas une vision, il ne s’en manque guere.

Ce qu’on a pris pour une pierre de foudre, est une matiere minérale, fondue & formée par l’action du tonnerre, ou peut-être même quelque substance, telle que la terre en renferme beaucoup dans les endroits ou elle a été fouillée par des volcans qui se sont éteints.

Le tonnerre étant venu à tomber dans ces endroits, & le peuple y ayant ensuite rencontré ces substances qui portent extérieurement des empreintes évidentes de l’action du feu, il les aura prises pour ce qu’il a appellé des pierres de foudre.

Foudre, (Medec. & Anatom.) Les Medecins recherchent très-curieusement quelle peut être la cause de la mort des hommes & des animaux qui perissent d’un coup de foudre, sans qu’on leur trouve aucun mal, ni aucune trace de ce qui peut leur avoir ôté la vie. Meurent-ils par la frayeur que leur fait le fracas horrible du tonnere, & le grand feu dont ils le voyent environnés ? Sont-ils étouffés par la vapeur du soufre allumé, qui est le poison le plus prompt pour tous les animaux ? Ou bien ne pourroit-on pas croire aussi que lorsque la foudre éclate, & qu’elle chasse l’air de l’endroit ou elle agit, en lui faisant perdre en même tems son élasticité, les animaux se trouvent alors comme dans un vuide parfait, & meurent de la même maniere que ceux que l’on enferme sous le récipient d’une pompe pneumatique ? Il est assez vraissemblable que ces trois causes séparément ou conjointement, produisent la destruction de la machine.

Scheuchzer raconte qu’une femme qui portoit son enfant sur ses bras, fut touchée d’un coup de foudre dont elle mourut, sans que l’enfant en reçût le moindre mal : on voit par cet exemple, que la frayeur seule peut avoir procuré la mort de cette femme, puisque les deux autres causes ne paroissent point avoir eu lieu dans cette occasion.

Lower & Willis ayant ouvert un jeune homme qui avoit été frappé de la foudre, lui trouverent le cœur sain & les poumons très-gonflés ; ce jeune homme n’étoit donc pas mort par la troisieme cause, mais par l’une des deux premieres.

D’autres cas nous apprennent que les hommes peuvent mourir de frayeur, ou que la terreur peut les réduire à l’extrémité : deux exemples suffiront pour le prouver. Le tonnerre étant tombé en 1717 sur la tour de S. Pierre à Hambourg, un jeune garçon de quinze ans qui dormoit sur une chaise, en fut tellement saisi, qu’il demeura quelque tems sans mouvement & sans sentiment. La tour de ville d’Epéries, dans la haute Hongrie, ayant été frappée de la foudre la même année 1717, un étudiant qui se tenoit près d’une fenêtre, tomba par terre presque mort, & ne reprit ses esprits que par les secours de la Medecine.

On dit que MM. du Verney, Pitearn, & autres, ayant ouvert plusieurs personnes qui avoient été frappées de la foudre, leur trouverent les poumons affaissés, comme ceux des animaux qu’on fait mourir dans le vuide. La cause de la mort de ces personne sera donc ici la troisieme de celles que nous avons exposées.

Enfin quelquefois la foudre opere sur le corps de ceux qu’elle fait périr, plusieurs phénomenes fort étranges ; & les mémoires de l’académie de Petersbourg m’en fournissent un exemple trop curieux pour le passer sous silence : ces mémoires rapportent, tom VI. pag. 383. que dans la dissection du cadavre d’un homme tué d’un coup de foudre à Petersbourg, le bas-ventre & la verge furent trouvés prodigieusement enflés. La peau, du côté gauche, ressembloit à du cuir brûlé ; toutes les autres parties du corps avoient une couleur de pourpre, excepté le cou qui étoit rouge comme de l’écarlate : on appercevoit les marques d’une petite hémorrhagie à l’oreille droite : sur le dessus de la tête se voyoit une legere blessure, comme si le péricrane avoit été déchiré ; & le crane n’avoit point souffert : le cerveau néanmoins étoit rempli de sang très-fluide, & l’étui des vertebres d’une grande abondance de sérosités : les poumons étoient noirâtres & tombés, le cœur privé de sang,