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non plus que les faces, les courtines, les différens angles des bastions, &c. Cette fortification est presque la seule d’usage ; parce qu’il est rare de trouver des places dans un terrein uni, & dont l’enceinte forme un polygone régulier qui ait ses côtés de la grandeur nécessaire pour être fortifiée.

Comme dans la fortification réguliere on n’est gêné par aucune circonstance ni du terrein ni de l’enceinte, on dispose l’arrangement de toutes les parties de la fortification de la maniere la plus avantageuse pour la défense : c’est pourquoi les regles qu’on suit alors, servent de principes pour la fortification irréguliere qui se trouve d’autant plus parfaite, que ces regles y sont plus exactement observées.

La fortification réguliere est préférable à l’irréguliere ; parce que tous ses côtés opposent la même résistance, & qu’elle n’a point de parties foibles dont l’ennemi puisse profiter. La fortification irréguliere n’a pas le même avantage ; la nature du terrein de la place, la bisarrerie de son enceinte jointe à l’inégalité de ses côtés & de ses angles, rendent souvent cette fortification très-difficile. On fait ensorte de rendre tous les côtés ou les fronts également forts ; mais malgré l’habileté des Ingénieurs, on ne peut presque jamais y parvenir. Les places les mieux fortifiées en Europe en fournissent plusieurs exemples.

La fortification durable est celle qu’on employe aux villes & aux lieux qu’on veut mettre en état de résister en tout tems aux entreprises de l’ennemi ; c’est celle de nos places de guerre, & de tous les autres lieux qu’on dit être fortifiés.

La fortification passagere, qu’on appelle aussi fortification de campagne, est celle qu’on employe dans les camps & les armées, & dont les travaux se font & ne subsistent que pendant la guerre : telle est celle qu’on fait pour assûrer la tête des ponts à la guerre, pour couvrir des quartiers, retrancher & fortifier un camp, assûrer des communications, &c.

Dans cette fortification l’on n’a nul égard à la solidité & à la durée. « Il faut se déterminer sur le champ, dit M. de Clairac dans son livre de l’ingénieur de campagne, & tracer de même ; il faut régler l’ouvrage sur le tems & sur le nombre des travailleurs ; ne compter que sur les matériaux que l’on a sous la main, & n’employer que la pelle, la pioche & la hache. C’est plus particulierement en campagne que par-tout ailleurs, qu’un ingénieur doit avoir le coup-d’œil juste, savoir prendre un parti & saisir ses avantages, être fertile en expédiens, inépuisable en ressources, & faire paroître une activité infatigable ».

On divise encore la Fortification en naturelle, artificielle, ancienne, moderne, offensive, & défensive.

La fortification naturelle est celle dans laquelle la situation propre du lieu en empêche l’accès à l’ennemi : telle seroit une place sur le sommet d’une montagne, dont les avenues ou les chemins pourroient être fermés facilement : telle seroit encore une place entourée de marais inaccessibles, &c. Ces obstacles & ceux de pareille espece que le terrein fournit, sont des fortifications naturelles.

La fortification artificielle est celle dans laquelle on employe le secours de l’art pour mettre les places & les autres lieux qu’on veut conserver à l’abri des surprises de l’ennemi. C’est proprement notre fortification ordinaire, dans laquelle on tâche par différens travaux d’opposer à l’ennemi les mêmes obstacles & les mêmes difficultés qu’on éprouve dans la fortification naturelle.

La fortification ancienne est celle des premiers tems, laquelle s’est conservée jusqu’à l’invention de la poudre à canon ; elle consistoit en une simple enceinte de muraille flanquée de distance en distance par des

tours rondes ou quarrées. Voyez le commencement de cet article.

La fortification moderne est celle qui s’est établie depuis la suppression de l’ancienne, & dans laquelle on employe les bastions au lieu de tours.

Lorsqu’un château, une ville, ou quelque autre lieu est fortifié avec des tours, on dit qu’il est fortifié à l’antique ; & lorsqu’il l’est avec des bastions, on dit qu’il est fortifié à la moderne.

La fortification offensive a pour objet toutes les précautions nécessaires pour attaquer l’ennemi avec avantage ; elle consiste principalement dans les différens travaux de la guerre des siéges.

La fortification défensive est celle qu’on employe pour résister plus avantageusement aux attaques & aux entreprises de l’ennemi. On peut dire qu’en général toutes les fortifications sont défensives, car leur objet est toûjours de mettre un petit nombre en état de résister & de se défendre contre un plus grand.

Un général qui a en tête une armée ennemie beaucoup plus nombreuse que la sienne, cherche à suppléer au nombre qui lui manque par la bonté des postes qu’il lui fait occuper, ou par les différens retranchemens dont il sait se couvrir. On ne fortifie les places, qu’afin qu’une garnison de cinq, six, huit ou dix mille hommes, puisse résister pendant quelque tems à une armée, quelque nombreuse qu’elle puisse être. S’il falloit pour défendre les places des garnisons beaucoup plus fortes, capables de se soûtenir en campagne devant l’ennemi, la fortification deviendroit non-seulement inutile, mais onéreuse à l’état par les grands frais qu’exigent sa construction & son entretien.

Il est dangereux par ces deux considérations, de multiplier le nombre des places fortes sans grande nécessité, & sur-tout, dit un auteur célebre, « de n’entreprendre pas aisément d’en fortifier de nouvelles ; parce qu’elles excitent souvent la jalousie des états voisins, & qu’elles deviennent la source d’une longue guerre, qui finit quelquefois par un traité, dont le principal article est leur démolition ».

Depuis l’établissement de la fortification moderne, les Ingénieurs ont proposé différentes manieres de fortifier, ou, ce qui est la même chose, différens systèmes de fortification. Bien des gens en imaginent encore tous les jours de nouveaux ; mais comme il est fort difficile d’en proposer de plus avantageux moins dispendieux que ceux qui sont en usage, la plûpart de ces idées nouvelles restent dans les livres, & personne ne se met en devoir de les faire exécuter.

Ce qu’on peut desirer dans un nouveau système de fortification, peut se réduire à quatre points principaux.

1°. A donner à l’enceinte des places une disposition plus favorable, pour que toutes les parties en soient moins exposées au feu de l’ennemi, & particulierement au ricochet.

2°. Que le nouveau système puisse s’appliquer également aux places régulieres & irrégulieres, & se tracer aisément sur le papier & sur le terrein.

3°. Qu’il n’exige point de dépense trop considérable pour la construction & l’entretien de la fortification.

Et 4°. que cette fortification n’ait pas besoin d’une garnison trop nombreuse pour être défendue. V. . Ce point est un des plus importans ; car outre l’inconvénient de renfermer dans des places des corps de troupes, qui serviroient souvent plus utilement à grossir les armées, il faut des magasins considérables de guerre & de bouche, pour l’approvisionnement de ces places. Or si une longue guerre vous en ôte le pouvoir, les villes ne peuvent plus faire qu’une