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queue, pour que l’ouvrier soit le maître d’arrêter le mouvement de la tenaille : la partie qui est exposée au frottement de la camme, est garnie d’une fausse queue bien coulante entre deux anneaux de fer ; à la tête de la fausse queue, prend une corde qui passant sur une poulie attachée au-dessus de l’attelier, vient se rendre à un morceau de bois flexible attaché par une de ses extrémités au plancher, vers le pié de l’ouvrier, élevé de l’autre de la hauteur de la camme ; l’ouvrier mettant le pié sur ce morceau de bois, le fait baisser, & conséquemment fait lever la fausse queue ; moyennant quoi, les cammes passent sans rien rencontrer.

La tenaille est de fer, & pour dégrossir peut peser jusqu’à deux cents livres ; le chaînon de cinquante à soixante ; il y en a de différentes grosseurs. La tenaille peut avoir deux piés de longueur : la force doit être aux branches depuis le clou aux mords. Cette partie porte quatre à cinq pouces de largeur, sur trois à quatre pouces d’épaisseur : le derriere des mords est évuidé pour le passage du fer, qui doit se tirer à côté. L’intérieur des mords est entaillé, pour que le fer ne puisse s’échapper quand il est serré.

L’équipage est monté sur un chassis élevé, pour que l’auge logé en-dessous puisse être dirigé & réparé commodément ; sur ce chassis est fortement attachée en plan incline une piece de bois de 18 à 20 pouces d’équarrissage, nommée attelier ; le reste du chassis est garni de planches. Le montant F est rendu mobile par une mortaise pratiquée dans l’attelier, & ne peut se dévoyer, au moyen d’une broche de fer qui traverse la partie enfermée dans l’attelier. Quand la queue est en retour, comme en Z, l’extrémité de l’attelier est encochée. Quand la queue n’est qu’un prolongement du montant, l’attelier est percé à jour. pour que la tenaille descende aisément par son propre poids, on en éleve les branches, comme vous voyez en I & G ; & le dessous est garni d’une plaque de fer.

Contre les mords de la tenaille, de l’attelier portent quatre montans de fer de deux pouces d’équarrissage sur six pouces d’hauteur, bien clavetés en-dessous, mortaisés en-dessus : ces montans NN se répondent deux à deux à la distance de quinze à vingt lignes ; une paire éloignée de l’autre d’environ un pié : c’est dans ces montans que se placent les filieres.

Une filiere est un morceau d’acier de trois pouces de largeur sur un pouce d’épaisseur, & deux à trois piés de longueur. Le morceau d’acier se perce en échiquier de deux rangs de trous de différens diametres, moitié plus large en-devant que contre la tenaille, pour l’entrée du fer, & pour que le frottement se fasse sur une moindre étendue. Pour faire un trou, il faut trois poinçons. Quand le morceau d’acier est chauffé, on frappe sur le plus gros poinçon pour l’enfoncer jusqu’au tiers, ensuite un de moindre diametre, & finalement le plus petit. On n’attend point que le troisieme poinçon perce à jour : quand on voit l’empreinte de l’ouverture, on laisse refroidir l’acier, pour l’achever à froid. Les trous se placent a un pouce de bord & à un pouce de distance les uns des autres : quand ils sont tous recherchés, on trempe la filiere, & on la place dans les montans de fer NN, où elle est arrêtée en-dessus par les clés O, en-dessous & des côtés par des coins. Il faut que le milieu de la tenaille soit vis-à-vis les trous du bas. Quand on veut faire travailler ceux du dessus, on ne fait que mettre sous la tenaille une lame de fer d’un pouce d’épaisseur.

Le fer le plus doux est le meilleur pour la filiere ; on se sert de celui qui a passé à la fenderie, ou qu’on a battu sous le martinet, choisissant celui-ci qui par sa

grosseur approche le plus de l’épaisseur qu’on veut donner au fil. L’ouvrier fait chauffer le bout des baguettes, afin de les arondir & diminuer sur la longueur d’environ six pouces ; ce qui s’appelle amorcer. Il présente à la plus grosse filiere la partie amorcée, & dirige la tenaille, dans les mords de laquelle il en fait recevoir l’extrémité, & donne l’eau a la roue : l’ouvrier est assis à côté, tenant d’une main un linge trempé dans l’huile autour du fer Q, & de l’autre main reçoit le fil au sortir des mords I. Pour dégrossir du gros fil, il n’y a que deux ou trois cammes à la roue ; pour du fil plus petit, il peut y en avoir davantage, sur-tout si l’arbre est gros. Un même arbre peut faire marcher plusieurs atteliers, comme vous le voyez à la Pl. XII. quand le fer est ébarbé à la premiere filiere, l’ouvrier le présente à un de moindre diametre, & ainsi de suite. Pour le plus gros fer, il faut dix à quinze filieres ; pour le moyen, vingt à trente ; le plus petit, trente à quarante : cette opération va très-vite ; chaque coup de tenaille pouvant tirer 2 pouces. L’arbre monté à deux cammes peut faire 10 tours par minute ; conséquemment tirer quarante pouces ; plus le fer est fin, plus l’arbre peut aller vite, & être chargé de cammes : deux ouvriers en gros fil peuvent fabriquer cent cinquante pesant par jour ; en moyen, quatre-vingt ou cent au dessous : le plus ou le moins dépend de la finesse. Quand on veut filer extrèmement fin, comme le frottement n’est pas violent, on peut le tirer à bras d’hommes, comme vous le voyez à la Pl. XI. Pour un mille de fer filé gros & moyen, il faut environ trois pintes d’huile & quatre vans de charbon. Il y a un déchet d’environ cinquante liv. par mille. Les fils-de-fers gros & moyens se mettent dans les manufactures en bottes de vingt-cinq livres, liées en quatre endroits : pour le fil fin les bottes sont depuis cinq à quinze. Voyez à l’article Trifilerie, toutes les especes différentes de fil & leur emploi. Cet article est de M. Bouchu, maître de forges à Veuxsaules, proche Château-vilain.

* FORGER, v. act. c’est battre sur l’enclume un métal avec un marteau. On forge à froid & à chaud mais plus souvent à chaud. Ce mot varie d’acception. Voici, par exemple, un cas ou il est presque synonyme à planer ; c’est chez les Potiers-d’étain. Forger, c’est, après que la vaisselle est tournée, la battre, avec différens marteaux, sur le tas. Pour cet effet on a des morceaux de cuivre jaune en plaques de largeur, longueur & épaisseur convenables, bien écroüies ou serrées & polies au marteau ; on les nomme platines. Les platines sont planes pour les fonds des vaisselles, contournées pour les côtés. On commence par frotter legerement sa piece de vaisselle, avec un linge enduit de suif en-dedans & en-dehors : cela s’appelle ensuifer. On pose ensuite une platine sur l’enclume, qui est couverte d’une peau de castor gras. On fait tenir la platine sur la peau, avec une colle faite de poix-résine grasse & de suif ; on frappe là-dessus sa piece à coups de marteau, & on lui fait prendre une forme plus réguliere que celle qu’elle a reçue des moules ; on atteint les inégalités du tour ; on rend l’ouvrage compact, uni, brillant, & d’un meilleur service ; on le dégraisse & on le polit avec un linge & du blanc d’Espagne en poudre. Mais ce travail n’a lieu que sur l’étain fin. L’étain commun se forge autrement. On ensuife sa piece ; on la monte, c’est-à-dire qu’on la bat sur l’enclume nue. Les coups de marteau paroissent en-dedans & en-dehors ; ils s’étendent du milieu en ligne spirale, mais empiétant toûjours les uns sur les autres, jusqu’à la circonférence de l’ouvrage : c’est pourquoi à chaque coup de marteau que donne l’ouvrier d’une main, de l’autre il fait un peu tourner sa piece sur elle-même. Cette opération s’appelle monter. Après avoir monté une piece, on la renfonce ; la renfon-