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lieu. Le martineur est assis proche le marteau sur un banc, tenant d’un bout dans un crochet de fer où il est mobile, & suspendu de l’autre par une chaîne, afin de pouvoir avancer & reculer sans se déplacer. Le chausseur porte une piece quand elle est chaude ; le martineur la fait battre sur le travers de l’enclume & du marteau, pour l’étirer. Il ne se leve que pour parer, & arrose lui-même le fer en tournant un petit robinet répondant au-dessus du marteau. Quand la premiere est battue d’une étendue convenable à la chaude, le chauffeur en apporte une seconde, & successivement, jusqu’à ce qu’ils en ayent ce qu’ils peuvent forger en un jour ; puis on recommence à chauffer une autre partie de la barre, & ainsi jusqu’à ce qu’elles soient finies. Le marteau n’arrête que pour les repas & le soir, qu’on employe à botteler la journée. Les bottes sont de cinquante livres poids de marc. Les fers se battent en barreaux de cinq, six, à sept lignes ; en mi-plats, en ronds, en bandes de deux à trois lignes d’épaisseur, pour cercles de foudre, &c. On y bat & arrondit du fer pour les fileries ; dans ce cas le martineur ne le pare jamais, mais se contente de l’étirer sur le travers, crainte de déranger le fil des nerfs. Deux ouvriers peuvent forger cinq cents de fer par jour.

On voit dans nos Planches un martinet : mn le soufflet : k un morceau de fer tenant au soufflet, & répondant au levier gh, qui répond par les leviers nc aux cammes de l’arbre, pour donner le mouvement au soufflet : S est un ouvrier qui a débouché le chio. Figure 3. autre ouvrier qui acheve de nettoyer son foyer : I le bout de la thuyere. La figure 1. est le martineur, avec sa bande sous le marteau : a l’enclume : n le marteau, &c. La vûe seule indique toutes les autres pieces.

Art. XI. Les fenderies. Le but des fenderies est de diviser une lame en plusieurs baguettes, suivant l’échantillon qu’on juge à-propos. Pour faire cette division avec exactitude, il faut que les barres de fer soient de la même épaisseur ; ce qui se fait dans des cylindres. Voyez nos Planches. AB est une barre de fer qu’on applatit dans les cylindres, espatards ou applatissoirs CD, qu’on passe ensuite dans les taillans ou ciseaux, représentés ailleurs de différens échantillons. Il ne seroit pas possible d’applatir & fendre une barre de fer, si elle n’étoit adoucie au feu ; ce qui donne lieu à une espece de construction de fours, pour les chauffer en grand nombre & à peu de frais. Pour profiter de la chaleur donnée au fer, qui, quoique adouci, occasionne un violent travail aux applatissoires & aux taillans, on employe la puissance de l’eau d’une chûte, ou de rouets, ou lanternes, pour avoir un grand mouvement. Un coup-d’œil fait voir que tout dépend de la solidité & de l’exactitude des pieces d’une fenderie.

On les fait simples ou doubles ; les simples sont celles dans lesquelles, comme on voit d’abord. On ne monte que les espatards pour applatir une quantité de fer ; ensuite on démonte les espatards, & on substitue les taillans : cette espece a le desavantage qu’il faut chauffer deux fois le fer ; mais il faut moins d’eau, & on peut en espérer plus d’exactitude.

Pour faire les deux ouvrages à-la-fois, on établit l’équipage des applatissoirs, & dans la meche MO du cylindre du dessus, à la partie O, & en continuant la meche du cylindre du bas, on ajuste l’équipage des taillans de façon que le travail se fait sur la même ligne & par le même mouvement. La barre au sortir du four est présentée aux applatissoirs CD, reçûe en B par un ouvrier qui la tire avec des tenailles pour l’entretenir, & la passe par-dessus l’équipage à un ouvrier qui la présente aux taillans : toute cette opération va assez vîte pour n’être point obligé de chauffer le fer deux fois : mais l’inconvénient de ces

fenderies est, qu’étant obligé de serrer & desserrer souvent les tourillons des cylindres, il n’est pas possible que cela n’influe sur les taillans, puisque le mouvement est commun : cette espece de fenderie est très-commune.

La troisieme espece est celle que vous voyez, où les espatards sont devant & les taillans derriere, le tout dans un mouvement uniforme, par la distribution des rouets & lanternes : figure 1. un ouvrier qui tire le fer du four ; 2. & 3. ouvriers qui le présentent aux espatards, & le présentent aux taillans 5. & 6. qui reçoivent la verge au sortir des taillans.

Pour donner une idée claire des fenderies, nous dirons qu’il faut une assez grande quantité d’eau, pour donner le mouvement aux applatissoirs & taillans de dessus, & à ceux du dessous en sens contraire, afin qu’ils mordent & attirent ce qu’on leur présente, & assez de vitesse pour qu’une barre soit tirée du four, passe sous les espatards, & soit fendue dans les taillans en une minute. Il faut que l’intérieur des bâtimens soit spatieux pour loger les deux équipages l’un derriere l’autre & sur la même ligne ; le four à la tête, avec un espace au moins de quinze piés pour manier les bandes de fer ; derriere l’équipage, dequoi les tirer, placer la verge ; les bancs pour l’embottelage, les romaines ; la petite boutique pour la construction des outils, & le magasin.

Comme il faut que les deux roues de chaque côté qui reçoivent l’eau du même réservoir, tournent en sens contraire, s’il y a assez de hauteur, l’eau prendra l’une par-dessus & l’autre par-dessous ; sinon, à un côté on ajoûtera un roüet & une lanterne.

Les roues traverseront un cylindre de bois, qu’on appelle arbre de fenderie, avec tourillons ordinaires de fonte ou de fer, du côté du coursier ; & dans l’intérieur, au lieu de tourillon, un morceau de fer quarré F, de trois pouces & demi de diametre, faisant crosse dans l’intérieur du bout de l’arbre E où il est serre, arrondi contre l’arbre pour porter sur une empoisse, & du reste équarri pour recevoir une boue : ce morceau de fer s’appelle la meche F.

Une boîte G ou N, est un morceau de fer ou de fonte d’environ neuf pouces de longueur sur sept pouces de diametre ou équarrissage, dans le milieu duquel il y a une ouverture quarrée propre à recevoir le bout de la meche F, d’environ quatre pouces de longueur : le reste de l’intérieur de la boite est pour recevoir le bout quarré de l’espatard H, ou le bout quarré de la meche qui a traverse les taillans.

L’espatard RQST est simple ; le double consiste en ce que contre la partie R il faut ajoûter encore une partie quarrée comme T, pour recevoir une boîte à chaque extrémité. Un espatard est un morceau de fonte moulé composé de cinq parties, la bosse Q de sept pouces de diametre ; les deux parties arrondies RS, servant de tourillon, de cinq a six pouces de diametre ; & la partie quarrée T avec sa correspondante supposée pour le tourillon double.

L’arbre & l’espatard du bas portent, sur une empoise mise sous la meche vers l’arbre, & sur les empoises retenues dans les côtés des chassis AA, BB, & l’arbre & l’espatard du dessus portent sur une empoise posée sur un chevalet supposé sous le tourillon O, & sont retenus par les empoises renversées & serrées dans les chassis AB. Quand c’est une fenderie double, il en est de même pour les taillans, dont la meche excedant le chassis, est cousue avec le quarré débordant de l’espatard, par une boîte. Supposons, pour ne pas multiplier les figures, que le bout de l’arbre T fût une trousse de taillans.

Dans une fenderie double, sur la même ligne, l’équipage des espatards & celui des taillans sont environ à six piés de distance l’un de l’autre pour l’aisan-