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& trois valets ; le marteleur est chargé de l’équipage de sa renardiere ou chaufferie, de l’entretien des outils, & doit travailler à son tour avec un chauffeur ; deux ouvriers font ordinairement six, quelquefois huit renards par tournées ; la tournée finie, ils sont relevés par deux autres chauffeurs & un goujat, & ainsi de suite. L’affinerie va de même par tournée ; & le maître affineur est spécialement chargé de l’entretien de son ouvrage & des outils de son affinerie.

Ces outils consistent en un gros ringard, deux moyens, deux fourgons, une pelle de fer, une écuelle à mouiller, des tenailles à cingler, à chauffer avec leurs clés ou clames, à forger avec leur anneau, un crochet, & plusieurs masses.

Un ringard est un barreau de fer dont les angles sont abattus ; le bout destiné au travail finissant en coin.

Le grand ringard se passe sous la gueuse qui est au feu, & sert au goujat de levier, pour l’avancer ou le reculer suivant le besoin. Les ringards ordinaires servent à détacher des côtés & du fond de l’ouvrage la fonte en fusion, & la ramasser en un volume. Les fourgons moins gros que les ringards, sont arrondis, & servent à être passés à-travers la fonte en fusion dans l’ouvrage ; tant pour joindre un morceau à l’autre, que pour faire jour à la chaleur & aux scories en fusion.

Dans les tenailles, on distingue les branches & le mord. Le mord est la partie depuis le clou qui sert à serrer : dans les tenailles à cingler, les branches sont arrondies & les mords unis, rentrant seulement un peu en-dedans à l’extrémité ; dans celles à chauffer, les branches sont plus fortes & mi-plates, les angles abattus, les mords très-gros, longs, & forts pour embrasser les pieces. Les branches se serrent avec des clés ou clames : une clame est un morceau de fer plat & étroit, courbé aux deux extrémités, faisant précisément une S, qu’on tire en en-haut des branches pour serrer, & que le chauffeur desserre d’un coup de pié, quand la piece est hors du feu sur la grande taque, pour être reprise par une tenaille à forger ; la tenaille à forger est la même que la tenaille à cingler, à cela près qu’un des mords est large & arrondi pour embrasser plus fortement la piece ; d’où on les appelle tenailles à coquille. Les branches se serrent par un anneau de fer mobile, que l’ouvrier pousse tant qu’il est nécessaire, en serrant de la main le bout des branches. La pelle de fer avec un manche de bois pour être plus legere, sert à ramasser les charbons autour du feu, les morceaux de fer autour de l’enclume ; enlever les crasses du chio, &c. L’écuelle à mouiller est une calotte de fer battu, d’un pié de diametre, avec une douille de fer qui lui sert de manche ; sa place est proche le basche ; elle sert à arroser le feu, rafraîchir la partie forgée des maquettes, jetter de l’eau sous le marteau quand on pare le feu, &c. Le crochet sert à tirer les loupes ou renards du feu, les masses ; à les battre & y pratiquer une place pour la tenaille : elles servent aussi à l’entretien des équipages, où il y a souvent à serrer & desserrer, &c. il y a encore le hacheret qui est un double ciseau avec un manche de bois ; il sert à couper les pailles qui se levent sur le fer en le forgeant ; des ciseaux de toute espece, à chaud, à froid, pour tailler les enclumes & marteaux de fonte, &c. des marteaux à chapeler, qui sont des doubles ciseaux à froid, dont l’usage est de dresser les aires des enclumes & marteaux, en frappant de tous sens ; ils servent à enlever une bosse : le trait du ciseau & autres traces s’effacent par le frottement d’un morceau de pierre de meule & du grais.

Il faut encore qu’une forge soit munie ou d’une pompe qui puisse jetter l’eau par-tout, ou au-moins d’une seringue de cuivre tenant beaucoup d’eau.

L’équipage du marteau consiste en pieces cachées

& en pieces vûes. Les pieces cachées sont les grillages servant de fondation ; les longrines, qui emboitent le bas des attaches, la croisée, le pié d’écrevisse, le stoc : les pieces vûes sont l’arbre, le court-carreau, les attaches, les bras-boutans, le drosme, les jambes, le ressort, l’enclume, le marteau.

Comme il est question d’une grande solidité, il faut que toutes ces pieces se soûtiennent mutuellement avec une fondation ferme : le tout sur le bord de l’eau qui doit mettre la roue en mouvement.

Pour cet effet, excavez l’espace nécessaire pour loger toutes les pieces : il faut vingt piés sur quinze pour donner dix-huit pouces d’épaisseur à la grande attache, deux piés & demi d’intervalle de la grande attache au court-carreau ; deux piés d’épaisseur au court-carreau ; du court-carreau au stoc, sept piés ; trois piés d’épaisseur au stoc, & quatre piés devant le stoc, pour placer & affermir les chassis qui doivent l’embrasser : pour la largeur, le court-carreau devant être au milieu, on aura pour un côté un pié de court-carreau ; du court-carreau à l’arbre, pour placer la jambe, dix-huit pouces ; l’épaisseur de l’arbre, de deux piés & demi ; le petit bras-boutant de l’attache à un pié au-delà de l’arbre ; & un pié & demi de vuide pour le passage.

L’excavation faite, si le terrein n’est pas solide, bâtissez en grillages, comme à la fondation des fourneaux ; & quand vous aurez trois grillages d’établis & garnis, placez le stoc, & le faites embrasser par le bas d’un chassis en bois à encoches, dont les longrines & traversines doivent tenir un grand espace, & être enfermées dans la mâçonnerie.

Le stoc est communément un bloc de fort bois de chêne, de 7, 8, ou 9 piés de longueur sur au-moins trois piés de diametre, posé debout pour recevoir l’enclume. Quand vous serez au milieu du stoc, vous l’affermirez encore d’un pareil chassis enfermé dans le massif avec un troisieme chassis au-dessus, dont les côtés passeront sous la croisée & les traversines de la grande attache : le dessus du stoc se garnit de trois ou quatre forts cercles de fer ; & on pratique dans le milieu une ouverture quarrée propre à recevoir l’enclume & l’y affermir : cette ouverture s’appelle la chambre de l’enclume.

Comme un morceau de bois de cette grosseur est rare & coûteux dans certaines provinces, quelques-uns se servent de quatre morceaux bien joints & liés en fer ; cela ne dure guere : le plus expédient est, depuis la fondation, d’élever chassis sur croix alternativement jusqu’au dernier, que vous ferez le plus épais, & qui formera la chambre de l’enclume : il doit être cramponne & broché en fer dans celui de dessous, qui est arrêté dans la mâçonnerie, & dont les côtés passent sous la croisée : des bois de 7 à 8 pouces pour le fond, & de 12 pour le de nier, font un excellent ouvrage. Le dessus, en cas de vétuste, est aisé à renouveller ; au lieu que c’est un ouvrage pénible & coûteux, quand il faut déraciner un stoc : dans le cas qu’un stoc debout périt par la chambre, comme cela arrive toûjours, on peut achever de raser les bords, & établir des chassis pour remplacer le dessus.

Quand la totalité du massif sera près du sol, vous établirez quatre longrines depuis le bord sur le coursier qui remplissent la longueur du total, posées un peu en pente pour ne pas gêner les bouts de la roue ; une à chaque bout, une de chaque côté, & à deux piés du stoc, arrêtées par trois traversines à encoches & broches, une devant & à deux piés du stoc ; une devant & derriere le court-carreau. L’encoche de la tête des longrines sur l’eau est en-dessous, & porte sur deux fortes traversines, dans le milieu desquelles traversines on a ménagé une ouverture pour recevoir la grande attache & lui servir de collier.