Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 7.djvu/166

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des autres. L’aire d’une enclume de forge, par exemple, au travail seul s’égrenera ; ne pourroit-on pas en trouver la raison dans le degré de chaleur qu’elle a essuyé au fourneau ?

La plupart des fondeurs font diminuer la quantité de mines, quand ils veulent couler des enclumes ou autres agrès de forge : les charges alors produisent moins de fonte. Dans la nécessité d’en amasser assez pour couler une masse de 2 à 3000, il faut beaucoup de tems ; la chaleur augmente par ce tems, & par la quantité de métal en bain.

Pour mettre au jour cette partie essentielle, distinguons cinq degrés de chaleur, abstraction faite pour un moment du plus ou moins de mines, ce qui y contribue beaucoup ; & disons que les nerfs des mines en fusion au premier degré, seront gonflés, éloignés les uns des autres, par le remplissage, fontes bourbeuses, cassantes & blanches.

Au deuxieme, le dépouillement sera fait de façon qu’il reste assez de matiere pour remplir les vuides des nerfs sans les gonfler ni séparer ; fontes solides, d’un blanc un peu mêlé, & coulantes ; ce sont celles qu’on appelle vives.

Au troisieme, les nerfs restent joints les uns aux autres ; mais le remplissage nécessaire est beaucoup détruit. Fontes grises, cette couleur venant des vuides qui paroissent noirs, & de la cassure des parties nerveuses qui paroît blanche.

Au quatrieme, les nerfs recourbés par la violence du feu, feront des grains très-durs, mais aisés à séparer les uns des autres ; le remplissage brûlé, couleur noire & fontes point coulantes.

Plus de chaleur acheve de détruire le grain, rend la matiere spongieuse, aisée à casser, les débris friables, comme on le voit au fer brûlé : de-là on peut conclure que les fontes vives sont de la meilleure qualité.

Nous sommes entrés dans ce détail pour faire entendre que la qualité du fer vient de l’espece de mine ; que quand un fer est doux de sa nature, il peut néanmoins être cassant, ou par le trop de remplissage qui gonfle & éloigne les nerfs, ou par la forme circulaire qu’un trop grand degré de chaleur ou la trempe lui aura fait prendre. Otez au premier ce qui l’embarrasse ; au second rendez l’extension & la souplesse par le mélange de nouveaux fondans ; & à la trempe, par un refroidissement naturel, vous aurez du fer doux relativement à la qualité de la mine. Employez tout ce que vous voudrez ; d’un fer cassant par la nature de la mine, vous n’en ferez jamais un fer doux.

L’exactitude du produit d’un fourneau dépend de l’égalité du vent, de la régularité des charges, de l’uniformité des mines & des charbons, & de l’intelligence du fondeur dans son travail.

Le travail consiste à garantir du feu toutes les parties du bas, mais principalement la thuyere. Pour cet effet il faut y veiller, en ôter ce qui s’y attache ou l’embarrasse, & ne pas la laisser échauffer faute d’arbue.

Avec les matériaux que nous avons supposé, un fourneau échauffé peut, à vingt charges, produire cinq milliers de fonte en vingt-quatre heures, & soûtenir un an & plus de travail. On dit qu’il y a des especes de mines qui produisent, à travail égal, jusqu’à six & sept milliers : en tout cas la qualité des mines, des charbons, le manque de soin ou d’intelligence, en réduisent souvent le produit à moins quelquefois de trois milliers. Quand les charges rendent moins, sans qu’il y ait de dérangement dans un fourneau, il est bien clair que cela vient de la qualité de la mine.

Il y a plusieurs choses essentielles ; les dimensions qu’on donne à un fourneau, l’inclinaison des parois,

le foyer qui est le plus grand espace au-dessus des échalages, la position de la thuyere, l’ouverture du dessus.

L’inclinaison des parois facilite la descente de la mine ; donc si vous en avez qui descende plus difficilement, qui se mettent en masses, vous pourrez augmenter l’inclinaison ; si elle s’attache aux angles, vous pouvez les arrondir ; si le degré de chaleur n’est pas assez grand au foyer, outre qu’une plus grande inclinaison des parois donnera un plus grand espace, vous l’aggrandirez encore en le ceintrant ou en élevant la tour & la bune. La thuyere doit être posée de façon qu’elle distribue le vent également : c’est à son passage que les mines en dissolution sont forcées de se séparer des corps étrangers, par la violence & le rafraîchissement subit du vent. En l’examinant un peu de tems, on voit cette séparation par le produit des étincelles, qu’une seule ou plusieurs parties de mines accrochées jettent en forme d’étoiles. Cette séparation est aussi sensible & brillante à la coulée des gueuses, la fraîcheur de l’air ou du moule comprimant les ressorts des parties extérieures, les fait éclater, & ce à proportion du degré de froid. Bien plus sensible encore, si vous jettez en l’air de la fonte liquide : mieux enfin à la compression du gros marteau sur les loupes ou renards, dont on rapproche les parties étendues par la chaleur, quand il se trouve des parties de fontes mal travaillées dans les foyers de la forge.

Nous n’avons cessé de répéter le mélange de l’arbue & de la castine avec la mine. La raison est que la castine fondant la premiere, chaque partie se grossit de sa voisine, & en tombant laisse des vuides qui donnent entrée à la chaleur. L’arbue résiste plus long-tems, & tient toute cette matiere liée & criblée dans le foyer, jusqu’à ce que la mine en fondant l’entraîne elle même, à quoi contribue beaucoup la pesanteur des charges qui se renouvellent par le dessus. Si vous mettez séparément la castine, la mine, l’arbue ; l’une fond d’abord, la mine tombe toute crue, & l’arbue reste : au lieu que dans le mélange tout descend uniformément.

Comme la matiere de fer en fusion pese davantage, elle se précipite dans le creux & sous le vent, ou elle en trouve déjà en bain, & où les scories en fusion plus legeres surnagent : quand elles ont le degré de liquidité convenable, aidées du vent, elles sortent par le dessus de la dame, & ce à mesure que le creuset se remplit. Quand les crasses commencent à vouloir sortir, l’ouvrage du fondeur ou de celui qui le remplace, est de remuer avec un ringard la fonte en fusion dans le creuset, ce qui aide la dépuration du métal ; cela desserre le devant du fourneau & donne liberté aux crasses de sortir. Il verra aussi si la thuyere n’est point embarrassée ; & dans le cas où les matieres qui viennent du dessus l’échaufferoient ou en boucheroient l’ouverture, d’un coup de ringard par le dessus de la dame il la débarrassera & la rafraîchira de pâte d’arbue. Les crasses trop liquides annoncent une trop grande quantité de castine ; les tenaces & gluantes trop d’arbue. L’ouverture du dessus trop étroite, défaut où tombent les fondeurs qui cherchent à augmenter le degré de chaleur, fait brûler l’ouvrage : la raison en est sensible ; il faut une ouverture proportionnée à une circulation d’air convenable, & on a vû combien il entre d’air dans un fourneau.

Les fourneaux sont sujets à beaucoup d’accidens. Les plus communs sont la déflagration de la thuyere, de la tympe, de toute une partie de l’ouvrage, les barbouillages, les éruptions. La déflagration peut venir 1°. d’une mauvaise construction, ou fausse direction du total ; 2°. d’une partie de l’ouvrage mal jointe ; 3°. d’une fausse position des soufflets ; 4°.