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Avant de mettre le fourneau en feu, il faut veiller à ce que tout soit en bon état ; que le charbon, la mine, l’arbue, la castine, le sable pour le moulage, ne puissent manquer.

Dans les pays de marque on est obligé d’avertir le directeur du département du jour qu’on met en feu, & de celui qu’on tire la palle, en cette forme : « Je soussigné . . . . propriétaire, régisseur, ou maître du fourneau de . . . . sis à . . . . demeurant à . . . . déclare à M. . . . . directeur de la marque des fers au département de . . . . que le . . . . mois . . . . année . . . . je ferai mettre le feu audit fourneau pour y tirer la palle, le . . . . afin qu’il ait à y faire trouver les commis qu’il jugera à-propos ; déclarant que ledit jour je ferai procéder à la coulée des gueuses ou marchandises, tant en absence que présence, à ce que ledit sieur . . . . n’en ignore, dont acte. A . . . le . . & signer ». Ces actes se font sur papier simple.

Les droits de marque pour fontes ou gueuses sont de cinq livres cinq sous par mille, payables tous les trois mois au domicile du receveur. L’ordonnance de 1680 vous dira l’obligation de numéroter les gueuses. 1. 5. 10. 20. 100. &c.

Il faut être muni pour le service d’un fourneau, au-moins de trois ouvriers, un fondeur ou garde-fourneau, & deux chargeurs.

Les fourneaux se bâtissent de pierre ou de brique. Quand vous faites le corps de la maçonnerie & les fausses parois en brique, il faut qu’elle soit cuite. Pour les parois, vous vous servez de terre à brique, moulée, séchée & liée ; en bâtissant avec de la même terre pétrie, la chaleur du fourneau les aura bien-tôt cuit. Les briques sont les meilleurs matériaux pour les fourneaux ; des parois peuvent durer plusieurs fondages, au lieu qu’avec de la pierre à chaque feu il faut les rebâtir : on les trouve calcinées, & souvent même une partie des fausses parois.

L’ouvrage se fait avec des pierres qui n’éclatent point au feu & qui se calcinent le moins ; mais cela dépend de ce que fournit le pays. Il est commun pour les usines d’un grand travail, d’avoir deux fourneaux accotés ; ils travaillent alternativement ou tous deux ensemble, quand on a besoin de beaucoup de matiere : quand il n’est question que de fonte en gueuses, il suffit d’avoir depuis le bouchage I, un assez grand espace pour faire le moule long de 18 à 20 piés. Le moule IL consiste en du sable humecté à un certain degré, dans lequel on passe la charrue, pour former un vuide triangulaire ; on bat les côtés avec une pelle de fer ; on y imprime le n°. M. on perce le bas du bouchage, & la fonte en fusion y coule. Les marchandises sont à la fin de cet article.

Quand il est question de mettre en travail un fourneau bâti & muni de charbon, & mines mêlées ou disposées naturellement, on commence par bien nettoyer l’intérieur, & les chargeurs avec leurs paniers l’emplissent de charbon. On met le feu par le bas ; on le laisse de lui-même gagner le dessus : quand le charbon est baissé de trois piés & demi, ce qu’on appelle une charge, ou un vuide équivalent environ à vingt piés, ce qu’on connoît avec la mesure XX, on le remplit de charbon, & sur ce charbon on met un panier de mines. Un panier a mines n’a point de dimension fixe, les unes étant plus lourdes que les autres ; c’est ce qu’un chargeur peut commodément porter & lever sur la bune. Le fourneau encore baissé d’une charge, on le remplit de charbon. On met du côté de la thuyere un peu d’arbue seche & en poussiere, & deux paniers de mines ; puis on commence à faire des grilles par le bas.

Les grilles consistent à garnir l’intérieur de l’ouvrage, par le dessus de la dame, de ringards, à assez peu de distance les uns des autres, pour empêcher

les charbons de tomber ; on tire par la coulée ceux qui sont dans l’ouvrage, & on laisse reverbérer la chaleur pour échauffer le fond. On fait & recommence des grilles, jusqu’à ce qu’on voye que le fond est assez enflammé, pour paroître tout en feu & jetter des étincelles. Ce tems se trouve ordinairement proportionné à celui qu’il faut à la premiere mine, pour venir à la thuyere : alors avant que d’ôter la derniere grille, vous garnissez le fond, le devant & les coins de fasins, pour empêcher que la premiere fonte ou fusion ne s’attache aux parois ou au fond, qui n’ont pas encore un assez grand degré de chaleur ; vous pétrissez de l’arbue, & vous l’employez à fermer l’ouverture de la coulée jusqu’à la hauteur de la dame ; vous faites marcher les soufflets, pour donner à l’intérieur le degré de chaleur propre à la fusion. Avec la spatule on garnit le bout de la thuyere d’arbue, & à chaque charge on augmente le degré de la mine, jusqu’à ce qu’on voye que les charges n’en peuvent porter davantage. Il faut beaucoup d’attention sur cette partie. Vous connoissez que le fourneau n’a pas assez de mine, à la grande facilité qu’a la flamme de s’échapper par le dessus, la couleur extrèmement blanche, les charges qui descendent très-vite, la fonte qui noircit en refroidissant. Vous pourrez augmenter la mine jusqu’à ce que les fontes commencent à blanchir & soient très-coulantes ; ce que l’on appelle vives. Le trop de mine rend les fontes bourbeuses, peu coulantes, cassant aisément, chargées de crevasses, aisées d’ailleurs à travailler à la forge, mais avec grand déchet. Le manque de mine ou le trop de chaleur, les rend très-grises, même noires, dures, difficiles à travailler, mais avec peu de déchet. La qualité de la fonte dépend beaucoup de la façon de la travailler au fourneau. Quand un fourneau est trop chargé de mines, avec bon vent & charbon, il est tout simple que la dépuration du métal n’ait pas eu le tems de se faire, sur-tout si le travail y a manqué, ou n’a pû y suffire, comme il arrive dans les barbouillages. Les corps étrangers, l’abondance des corps étrangers se trouvant mêlés avec le métal, il est clair qu’il ne coule point avec facilité ; & qu’obligés d’en faire la séparation à la forge, le déchet doit être très-grand & le travail aisé, puisque ces adjoints se dissolvent aisément. Quand un fourneau manque de mines, & que par la qualité des charbons, ou autres raisons, elles sont très-longues à descendre, il faut beaucoup de tems pour en ramasser une quantité. L’ouvrier cherche naturellement à avancer la fusion des charges supérieures, par le travail du ringard & l’augmentation du vent. La chaleur & le travail donnent le tems & l’aide à un plus grand dépouillement ; ce qui approche le métal de la qualité de fer, puisqu’il est constant que le changement de la fonte en fer se fait par le dépouillement jusqu’à un certain degré, & le travail bien entendu aux foyers des forges : de-là il est clair que ces fontes doivent changer de couleur ; qu’elles doivent être d’autant plus dures & moins coulantes, qu’elles approchent plus de la nature du fer, conséquemment sujettes à moins de déchet, & plus difficiles à travailler. Cette difficulté oblige quelquefois à jetter dans le foyer des crasses de forges pilées, qui servent de fondant.

Il est aisé de sentir pourquoi les fontes bourbeuses sont fort cassantes : les corps dont elles sont mêlées en trop grande abondance gonflent les nerfs, les éloignent, les séparent ; de-là le fer qui par la qualité de la mine seroit doux & nerveux, s’il ne tombe pas entre les mains d’un ouvrier intelligent qui sache lui ôter ce qu’il a de trop, se ressent de la mauvaise constitution de la fonte.

Les fontes bien grises se mettent en grains, qui résistent au ciseau, mais qui se détachent les uns