Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 7.djvu/161

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

proportion qu’ils étoient avant : le charbon le plus lourd tient le feu le plus long-tems. On sent bien que le bois de pié & du dessus étant dans les fourneaux, c’est avoir mélangé le fort & le foible : il est rare, avec cela, de n’avoir pas, dans de grosses exploitations, quelques especes de bois leger ; en tout cas, quand vous aurez des bois différens par la nature du fond, le plus expédient est de mélanger les charbons dans la proportion du mélange des mines ; dix parties du charbon venu dans l’arbue, quatre de celui venu dans la castine, cela réussit bien à l’expérience & au travail. Le charbon vigoureux convient bien aux fourneaux dans lesquels on cherche à concentrer la chaleur, & où on employe la force de l’air ; il convient encore à la macération des fontes, &c.

Pour les fours des fonderies qui se chauffent avec du bois, je n’ai pas besoin de dire que ceux venus dans la pierraille donnent une flamme plus passagere, mais plus vive & plus prompte, & conséquemment conviennent mieux.

Il est aisé de conclure qu’ayant besoin pour cuire le charbon, d’une certaine épaisseur de terre & de fasins, soûtenue par la feuille sur les fourneaux ; les grandes pluies, qui entassent, battent, & entraînent ; les gelées, qui soûlevent ; les grandes chaleurs, qui raréfient ; les vents qui dérangent, y sont très-préjudiciables : le plus expédient est de choisir le tems qui paroît le moins sujet à ces inconvéniens ; Mars, Avril, Septembre, & Octobre, paroissent les plus propres ; il faut en profiter, pour faire la provision nécessaire : pour cet effet, il faut des voituriers, des releveurs de charbon.

En général, les halles doivent être au vent du nord des usines : cette exposition est moins dangereuse pour le feu ; les uns les font bâtir solidement & à demeure ; les autres ont une carcasse en bois, dont les côtés ont des coulisses qu’on garnit de planches, ainsi que le dessus, à mesure que le charbon arrive : par ce moyen, on les alonge tant qu’on juge à-propos. Le charbon craint sur toutes choses l’humidité : ainsi il ne faut point tarder, quand il est cuit, à le voiturer & le mettre à l’abri ; plus il est brisé, plus à l’air seul il perd de ses parties inflammables. Le charbon récent donne de la chaleur ; mais il est bien-tôt consumé : la raison est qu’ayant tous les pores ouverts, il est plus disposé à une prompte dissolution par une inflammation totale. Il est utile que le refroidissement ait fermé ses pores, pour ne se prêter qu’à une inflammation successive : sur toutes choses, garantissez-le de l’humidité.

La façon de voiturer les charbons n’est pas égale par-tout ; les uns se servent de voitures à quatre roues, qu’on renverse ; mauvaise méthode, qui en écrase une grande quantité : d’autres se servent de bennes sur deux roues, avec des claies par-dessous, qu’on ouvre pour le laisser couler : d’autres se servent de sacs qu’ils chargent sur des bêtes de somme ; la meilleure maniere est celle qui brise moins ; la façon de mesurer le charbon est aussi différente : on parle de muid, de van, de basche, &c. Quand nous aurons besoin d’une dimension, nous la déterminerons par piés ; par ex. un van de Bourgogne équivaut à 5 piés cubes.

La regle pour la mesure des bois, est, par l’ordonnance, fixée à cent perches de vingt-deux piés de roi pour un arpent. Les arpenteurs sont joints aux corps des maîtrises, pour travailler dans l’étendue de leurs ressorts. Je ne puis passer sous silence un abus prodigieux : les bois sont communément dans de grandes inégalités, hauteurs, & profondeurs : on traîne la chaîne en montant, on la traîne en descendant dans une surface convexe ; c’est la demi-circonférence, ou autre courbe qui est mesurée, pendant que ce devroit être la base.

Art. VIII. De l’air. L’air absolument nécessaire

pour la fusion des mines dans les fourneaux, l’est de même pour les forges, fonderies, &c. il est simplement question d’en proportionner la force & la direction suivant le genre de travail.

On communique l’air à des foyers par le moyen de l’eau, ou de soufflets, ou d’ouvertures exposées à l’air libre.

Le premier moyen veut une chûte considérable, quoique d’une petite quantité d’eau. Supposons deux ou trois pouces tombans de douze ou quinze piés ; vous aurez sur le sol du fourneau ou de la forge, du côté & au bas de la thuyere, un bassin percé par le fond d’une ouverture proportionnée à l’eau qui doit tomber : le dessus de ce bassin sera encore percé vis-à-vis le trou de la thuyere ; à cette ouverture il faut adapter un robinet qui étant ouvert laisse entrer l’air par la thuyere, & ferme le jet de côté. Au-dessus de ce bassin sera adapté & scellé un tuyau perpendiculaire de la hauteur de la chûte, au-dessus duquel il y a un entonnoir qui reçoit l’eau à l’air libre ; cette eau est amenée par une conduite, qui ne laisse passer qu’une quantité déterminée & exacte. L’eau entrant dans le tuyau avec beaucoup d’air, & tombant perpendiculairement, est déterminée par son poids à s’échapper par l’ouverture d’en-bas ; l’air moins pesant trouvant une issue ouverte du côté de la thuyere, s’échappe avec une force proportionnée à la hauteur & largeur du tuyau. La difficulté d’avoir de pareilles chûtes & une quantité réguliere d’eau, les gelées, & autres inconvéniens, n’ont pas donné à une machine si simple tout le crédit qu’elle devroit avoir ; l’habitude ne laissant pas même entrevoir les ressources des différentes positions.

Le second moyen a été d’employer des soufflets : d’abord on les a fait de cuir, plus grands, mais de la même forme que ceux des petites boutiques, ils étoient mûs par l’eau & rabaissés par des contrepoids. Depuis peu on a trouvé une maniere plus ingénieuse & sujette à moins d’entretien, en les faisant de bois ; en voici là construction, tant pour les fourneaux que les forges ; ils ne different que par la grandeur : ceux des fourneaux ont depuis quinze jusqu’à vingt piés de longueur ; & ceux des forges, depuis sept jusqu’à neuf piés, sur la largeur proportionnée. M. de Réaumur a calculé qu’un soufflet de forge de sept piés & demi de longueur jusqu’à la tête, de quarante-deux pouces de largeur, finissant à quatorze sur l’élévation de la caisse, de quatorze pouces à sa plus grande portion de cercle, donne 20151 pouces & un tiers en bas, pour le volume d’air poussé par chaque coup de soufflet ; qu’un soufflet de fourneau de 14 piés de longueur donne 98280 pouces en bas.

Les soufflets sont composés du fond & de la caisse ; (Voy. les Pl.) le fond d’un soufflet de fourneau est une talbe de bois M, de quinze piés de longueur jusqu’à la tête R, sur cinq piés de largeur dans le dessus, finissant à 18 pouces vers la tête ; prolongée de 18 pouc. finissant à 1 pié de largeur, pour faire le fond de la tête S. Sur cette table seront fermement attachés tout-autour, jusqu’à la tête, des rebords de six pouces de hauteur sur trois à quatre pouces d’épaisseur, bien dressés : sur ces rebords vous appareillerez des tringles de bois h, aussi-bien dressées, enclavées par leurs extrémités les unes dans les autres, par une encoche & un tenon mobile 9, 10, 11, 12, 13 ; & dans les coins, par des encoches sur le plat à mi-bois. CC, trois ou quatre litteaux de chaque côté, deux au-dessus, 3, 4, 5, 6, deux vers la tête 9, 10, 12, 13 : ces tringles CC s’appellent litteaux : ces litteaux seront affermis par des mentonnets Z : le mentonnet est composé de la racine 1, qui se cloue en-dedans des rebords YS, formant un angle droit avec le menton 2, & tenus ensemble par un tenon & une mortoise : on arrache & place les mentonnets suivant le besoin ;