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parce que dans des cercles trop petits, la tangente suivant laquelle le cheval devroit tirer, fait un trop grand angle avec ces cercles ; & le cheval pousse le rayon suivant la corde du cercle : il fait avec le rayon des angles si aigus par derriere, que dans un trotoir de 19 piés de diametre, Desaguliers a éprouvé qu’un cheval perd les deux cinquiemes de la force qu’il auroit eue dans un trotoir de 40 piés de diametre ; ce qui le détermine à lui donner au moins cette étendue.

Les Meûniers s’imaginent qu’il suffit de conserver la proportion des vîtesses de la puissance & du poids qui a lieu dans les plus grands trotoirs ; ou que diminuant le diametre de la roue en couteau, de même qu’on diminue la distance du cheval au centre, la difficulté du tirage sera la même, n’ayant point égard à l’entortillement du cheval : mais ces ouvriers ne prennent pas garde à l’effort qu’ils font faire au cheval par cette disposition.

Desaguliers croit que la maniere la plus efficace d’employer les hommes à des machines qui produisent leur effet par le jeu des pompes qu’elles renferment, est de faire agir ces hommes en marchant, tout le poids du corps étant successivement appliqué aux pistons des pompes, &c.

M. Daniel Bernoulli, p. 181-2. de son hydrodynamique, regarde comme le plus avantageux de tous l’effet que produit dans les machines la pression d’un homme qui marche, vû que c’est le genre de travail auquel nous sommes le plus accoûtumés. Il croit, ibid. p. 198. que cet avantage peut augmenter l’effet du double.

Desaguliers, à la fin du II. tome, détermine ainsi le maximum de la perfection des machines hydrauliques. Un homme, dit-il, avec la meilleure machine hydraulique, ne peut pas élever plus d’un muid d’eau par minute à dix piés de hauteur, en travaillant tout le jour ; mais il peut en élever presque le double en ne travaillant qu’une ou deux minutes. M. Dan. Bernoulli établit qu’un homme, avec la machine la plus parfaite, pourra élever à chaque seconde un pié cubique d’eau à la hauteur d’un pié.

Il n’en est pas des forces des animaux comme des forces des corps inanimés. Une force animale donnée ne peut produire tous les mouvemens où le poids & la vîtesse sont en raison réciproque. Un homme ne peut parcourir qu’un certain espace dans un certain tems, quand même il ne tireroit aucun poids. Celui qui éleve 100 livres à dix piés de hauteur, ne pourroit élever dans le même tems une livre à 1000 piés de hauteur.

Si deux hommes également robustes font d’abord le même effort avec la même vîtesse ; que l’un des deux ensuite double son effort, & l’autre sa vîtesse ; l’effet produit sera toûjours le même : mais la difficulté qu’éprouvera le second pourra être beaucoup plus considérable. Cette remarque de M. Dan. Bernoulli éclaircit ce que nous venons de dire touchant la difference des forces animées & inanimées.

S’Gravesande a très-bien vû, physices elementa mamathematica, tom. I. n°. 1856. que si on cherche le maximum de l’effet qu’un animal peut produire, il faut d’abord déterminer un degré de vitesse avec laquelle il puisse agir commodément : il faut ensuite chercher le maximum d’intensité d’une action qui puisse être continuée un tems assez long.

M. Bouguer dit fort bien, dans son traité du navire, p. 109. qu’il seroit de la derniere importance dans plusieurs rencontres, de connoître combien la force des hommes diminue, lorsqu’ils sont obligés d’agir avec plus de promptitude : c’est ce que l’Anatomie, quoique extrémement aidée de la Géométrie dans ces derniers tems, ne nous a point encore appris. On peut exprimer, poursuit-il, cette relation par les coordonnées d’une ligne courbe, dont quelques-uns des symp-

tomes se présentent : mais cela n’empêche pas qu’elle

ne soit également inconnue. Voyez Mouvement des animaux.

M. Martine, prop. 24 & 25 de son livre de similibus animalibus, assûre que les forces contractives des muscles, & les forces absolues des membres mis en mouvement dans des animaux semblables, sont comme les racines cubes des quatriemes puissances de leurs masses. Il me paroît que l’auteur sonde ses preuves sur un grand nombre d’hypothèses douteuses, ou qui n’ont point d’application dans la nature (voyez Application de la Géométrie à la Physique), mais je crois qu’il réussit très-bien à détruire la prétendue demonstration de Cheyne, dont l’opinion adoptée par Freind & par Wainewright, est que les forces des animaux de la même espece ou du même animal, en différens tems, sont en raison triplée des quantités de la masse du sang. (g)

Forces vitales, (Thérapeut. Médicinale.) ce sont dans les malades quelques actions qui accompagnoient auparavant la santé, & qu’on peut pour cette raison regarder comme des restes de l’état sain qui précédoit & des effets de la vie présente : c’est pourquoi on leur donne le nom de forces : elles dépendent du mouvement qui reste aux humeurs dans la circulation par les vaisseaux.

Or ce mouvement, si petit qu’il puisse être, suppose du-moins encore une circulation par le cœur, les poumons, & le cervelet, dans laquelle conséquemment consiste la moindre force de la vie, qui est susceptible d’acquérir divers degrés d’augmentation.

L’état de la vie se connoît donc par ces forces : celles-ci se manifestent par les effets qu’elles produisent dans le malade ; ces effets sont l’exercice qui se fait des fonctions encore permanentes. Ces fonctions consistent en ce que les humeurs sont poussées par les vaisseaux & les visceres. Pour que cela se fasse, il faut une certaine quantité d’humeurs bien conditionnées, & une continuité de mouvement de ces humeurs par les vaisseaux mêmes.

L’action des vaisseaux dépend uniquement de la contraction des fibres, au moyen de laquelle contraction les fibres tiraillées & distendues en arc par la liqueur qui circule, se racourcissent, se disposent en ligne droite, s’approchent vers l’axe de leur cavité, & poussent les humeurs qu’elles contiennent : telles sont par conséquent, à proprement parler, les forces des vaisseaux. Voyez Fibre.

Mais il est évident que ces forces viennent d’une vertu de ressort & de contraction, par laquelle la fibre résiste à sa distraction : elles requierent en même tems dans les membranes vasculeuses des grands vaisseaux, deux sortes d’humeurs alternativement poussées ; l’une très-tenue, dans les plus petits vaisseaux nerveux ; l’autre plus épaisse, dans les grands vaisseaux.

L’art de prédire l’évenement d’une maladie, est principalement fondé sur la connoissance de la comparaison des causes dont dépend ce qui reste encore de forces vitales au malade, avec les causes qui ont produit sa maladie actuelle.

On connoît l’efficacité de la cause qui entretient encore la vie, par les fonctions qui restent principalement vitales, ensuite animales & naturelles : ce qui s’énonce ordinairement par deux axiomes. 1°. Plus il y a de fonctions semblables aux mêmes fonctions qui ont coûtume de se faire dans la santé, & plus elles leur sont semblables, plus les forces de la nature sont grandes & efficaces, & plus il y a d’apparence de recouvrer une santé parfaite. 2°. Plus est saine dans le malade cette fonction dont plusieurs autres dépendent comme de leur cause, plus les affaires du malade sont en bon train ; & l’on tire des conséquences opposées des propositions contraires, (D. J.)