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sontale : donc si le levier fait un angle de 70 degrés avec la ligne des bras, la position du corps sera inclinée à l’horison d’un angle de plus de 60 degrés, qui est tout au plus l’inclinaison où un homme peut marcher : le sinus de 70 degrés sera au sinus de son complément comme 3 à 1, à très-peu-près ; & par conséquent, l’effort du poids de 80 livres, selon la direction horisontale, sera un peu moins de 27 liv. L’effort ne sera pas plus grand dans la même inclinaison, soit que la corde soit attachée vers les épaules ou au milieu du corps, le rapport des sinus demeurant le même. Si le levier supposé faisoit avec la ligne des bras un angle de 45 degrés, on voit que le poids du corps soûtiendroit 80 livres : mais la ligne du corps étant alors beaucoup plus inclinée à l’horison, que de 45 degrés, un homme pourroit à peine se soûtenir.

Un homme panché en arriere tire avec bien plus de force que lorsqu’il est courbé en avant : le levier suppose dans le cas précédent est au contraire dans celui-ci plus incliné à l’horison que la ligne du corps : c’est pour cette raison que les rameurs tirent les rames de devant en arriere. M. de la Hire n’a pas remarqué qu’ils ne se renversent qu’après s’être panchés en avant : le poids de leur corps acquiert plus de force par cette espece de chûte. D’ailleurs l’homme en voguant agit avec plus de muscles à-la-fois pour surmonter la résistance, que dans aucune autre position.

Après avoir égalé l’effort continuel d’un homme qui pousse, a 27 livres, M. de la Hire remarque qu’un cheval tire horisontalement autant que sept hommes ; & en conséquence il estime la force d’un cheval à 189 livres, ou un peu moins de 200 livres : les chevaux chargés peuvent tirer un peu plus, cet effet dépendant en partie de leur pesanteur. Cependant il faut prendre garde dans les machines, que si on combine l’effet de la pesanteur du cheval avec l’effet de son impulsion, on rallentira sa vîtesse, puisqu’à chaque pas il est obligé de monter effectivement.

Desaguliers divise le cercle que décrit la manivelle d’un vindas en quatre parties principales ; il donne 160 livres de force à un homme qui la fait tourner lorsqu’elle est à la hauteur de ses genoux ; 27 livres, lorsqu’elle est plus élevée ; 130 livres lorsqu’il l’oblige à descendre, en y appuyant le poids de son corps ; & 30 livres, lorsqu’elle est au point le plus bas. Ces forces font 347 liv. qui divisées par 4, donnent  ; c’est le poids qu’un homme pourroit élever continuellement, s’il n’étoit oblige de s’arrêter pour prendre haleine : ce qui fait que le poids l’emporte au premier point foible, sur-tout quand la manivelle se meut lentement, comme cela doit être si l’homme veut employer toute sa force dans toute la circonférence du cercle qu’il décrit. Il faudroit encore qu’il agît toûjours par la tangente de ce cercle ; ce qui n’arrive point. Il faut de plus que la vîtesse soit assez grande pour que la force appliquée aux points avantageux ne soit pas éteinte avant que d’arriver aux points foibles ; ce qui rendroit ce mouvement irrégulier & difficile à continuer. De-là Desaguliers conclut qu’un homme appliqué à la manivelle d’un vindas, ne peut surmonter plus de 30 livres, travaillant dix heures par jour, & élevant le poids de trois piés & demi par seconde : ce qui est la vîtesse ordinaire des chevaux. Il veut qu’on augmente cette vîtesse d’un sixieme, & même d’un tiers, si l’on se sert du volant, & qu’on diminue le poids à proportion. On suppose toûjours que le coude de la manivelle ne décrive pas un cercle plus grand que la circonférence du rouleau ; ce qui donneroit à l’homme un avantage méchanique. Dans cette supposition, si deux hommes travaillent aux extrémités d’un treuil horisontal, ils soûtiendront plus aisément 70 livres, qu’ils n’en auroient porté 30 chacun séparément, pourvû que le

coude de l’une des manivelles soit à angles droits avec l’autre. On se contente de placer les manivelles dans une direction opposée : mais on sent que la compensation qui résulte de cette coûtume est bien moins avantageuse que l’arrangement proposé par Desaguliers : ce physicien célebre corrige les inégalités de la révolution du treuil, quand le mouvement est rapide, comme de 4 ou 5 piés par seconde, par l’application d’un volant, ou plûtôt d’une roue pesante qui fasse des angles droits avec l’essieu du vindas. Par-là un homme pourra quelque tems surmonter une résistance de 80 livres, & travailler un jour entrer, quand la résistance est seulement de 40 livres.

La plus grande force des chevaux & la moindre force des hommes, est lorsqu’ils tirent horisontalement en ligne droite. M. de la Hire nous apprend, mém. acad. des Sciences, ann. 1702, p. 261. que les chevaux attachés aux bateaux qui remontent la Seine, lorsqu’ils ne sont point retardés par plusieurs empêchemens qui surviennent dans la navigation, soûtiennent chacun 158 livres, en faisant un pié & demi par seconde, & travaillant dix heures par jour.

M. Amontons rapporte des observations curieuses dans son mémoire sur son moulin à feu, parmi ceux de l’academie des Sciences, ann. 1699, p. 120-21. expérience sixieme. Les ouvriers qui polissent les glaces se servent pour presser leurs polissoirs, d’une fleche ou arc de bois dont un bout arrondi pose sur le milieu du polissoir ; l’autre qui est une pointe de fer, presse contre une planche de chêne arrêtée au-dessus de leur travail. Par des expériences faites avec des polissoirs de différentes grandeurs pressés par des fleches de différentes forces, il a trouvé que la force moyenne nécessaire pour les tirer, est de 25 liv. que par conséquent la volée de leur fleche étant d’un pié & demi, & le tems qu’ils employent à pousser & à retirer leur polissoir étant d’une seconde, leur travail équivaut à l’élévation continuelle d’un fardeau de 25 liv. à 3 piés par seconde ; il ne faut guere compter que sur dix heures de leur travail.

On lit dans les réflexions de M. Couplet sur le tirage des charretes & des traineaux, mém. acad. p. 63-4. que les charretes ordinaires attelées de trois chevaux, menent habituellement sur le pavé une charge de pierres de taille d’environ 50 piés cubiques, & par conséquent de près de 7 milliers. Il remarque aussi que nos haquets de brasseur à Paris, attelés d’un seul cheval grand & fort, & à Rome, les charretes montées sur leurs roues de six piés de diametre, attelées d’un seul cheval, portent des charges qu’un effort moyen de 200 l. ne pourroit pas surmonter. M. Couplet entend ici l’effort moyen des chevaux, qu’il a supposé plus haut, d’après la détermination de M. de la Hire : mais il est étonnant qu’il n’ait pas pris garde que M. de la Hire ne parle point des charrois, où l’on n’a que les frotemens à surmonter : ensorte qu’un cheval de taille médiocre tirera souvent plus de mille livres, s’il est attaché sans desavantage à une charrete. M. de la Hire, & Desaguliers après lui, considerent l’action des chevaux qui élevent un fardeau hors d’un puits, par exemple, par le moyen d’une poulie ou d’un cylindre qui a le moindre frotement possible. C’est dans ce cas que les chevaux tireront environ 200 livres l’un dans l’autre, en travaillant huit heures par jour, & faisant à-peu-près deux milles & demi par heure, c’est-à-dire environ trois piés & demi par seconde. Le même cheval, s’il tire 240 livres, ne peut travailler que six heures par jour, & ne va pas tout-à-fait aussi vite dans les deux cas : s’il porte quelque poids, il tirera mieux que s’il n’en porte point.

On doit estimer de même le travail des chevaux dans les moulins & les machines hydrauliques. Il faut donner au troitoir des chevaux qui font mouvoir les cabestans de ces machines, un assez grand diametre,