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plusieurs variations considérables : l’intercalaison sera fort longue & l’accès fort court, si l’eau produite par le canal d’entretien est peu abondante, que le réservoir ait peu de capacité, & que le calibre du siphon soit considérable. A mesure que l’eau augmentera dans la source intérieure, toutes choses restant d’ailleurs les mêmes, l’intercalaison sera plus courte & l’accès plus long ; ensorte que le cours de la fontaine sera précisément une augmentation & une diminution successive d’eau sans aucune uniformité interposée. Si l’eau augmente de telle sorte dans le courant d’entretien, qu’il puisse fournir en même tems à la dépense continuelle du canal E, & à l’écoulement soûtenu du siphon FCA, la fontaine sera uniforme.

En supprimant l’ouverture E (fig. 78.) & supposant qu’il y en eût une autre G dans la cavité DGEC plus élevée que F, orifice de la courte jambe du siphon, & au-dessous de sa courbure en C, il résultera différens effets.

Si le courant d’entretien peut seulement fournir à ce canal en G, sa décharge produira une source continuelle & uniforme ; si le courant d’entretien augmente, la cavité se remplira jusqu’à la courbure du siphon en C, qui coulera pour lors ; & son produit se combinant avec celui du canal G, la fontaine qui en résultera, & qui aura d’abord été uniforme, éprouvera dans la suite des accès d’écoulement. Mais lorsque le siphon aura épuisé l’eau du réservoir jusqu’au niveau de l’orifice G, la fontaine perdra le produit de ce canal. Elle sera intercalaire, & lorsque le siphon aura cessé de couler, il y aura une intermittence jusqu’à ce que le courant d’entretien ait rempli le réservoir au niveau de l’ouverture G, & pour lors l’eau commencera à paroître dans le bassin de la fontaine. Après que le siphon & la décharge de l’ouverture G auront fait baisser l’eau au-dessous de G, si le siphon FGA entraîne autant d’eau que la source intérieure D en peut fournir, la fontaine entretenue par G, en supposant qu’elle ait un bassin éloigné de la source que le siphon fournit, sera à sec, & l’eau n’y reparoîtra que lorsque le courant d’entretien D produira moins que la dépense du siphon. C’est par ce méchanisme que l’on peut expliquer pourquoi certaines fontaines, telles qu’il y en a plusieurs en Angleterre & ailleurs, coulent tout l’été ou dans la sécheresse, & sont à sec en hyver ou depuis les pluies. On voit que ces fontaines augmentent précisément lorsqu’elles sont sur le point de tarir, c’est-à-dire lorsque l’eau dans la caverne approche plus de la courbure C du siphon ; elles seront plûtôt à sec si l’été est humide, & elles couleront plus tard après un hyver pluvieux. Toutes circonstances avérées par les observations. La marche contraire des autres sources vient aussi de la même cause différemment combinée. Tous ces effets dépendent, comme nous l’avons vû, des pluies : on ne peut donc en tirer aucune conséquence défavorable au système que nous avons embrassé sur la cause de l’entretien des sources, comme l’ont prétendu Plot & quelques autres Physiciens, aussi peu capables d’apprétier les faits que de les combiner.

9°. Lorsque les fontaines intermittentes cessent de l’être ; elles éprouvent un peu après l’instant où l’intermittence devroit avoir lieu, une espece d’intercalaison, & leur cours ne consiste, comme nous l’avons vû, que dans un accroissement & une diminution successive d’eau, ce qui forme un accès sensible.

Fontaines intercalaires composées. Ces sortes de fontaines ne sont précisément que les intermittentes composées, dont le jeu (fig. 79.) se trouve combiné avec le produit d’un courant en L continuel & soûtenu, qui se réunit en H ; leur explication dépen-

dra donc des principes que nous avons établis ci-devant (n°. 7.)

Quoique nous ayons déjà vû comment les différens produits du courant d’entretien peuvent modifier les phénomenes des fontaines, il est aisé de faire voir comment un même méchanisme peut offrir successivement les différens caracteres que nous y avons distingués, c’est-à-dire l’intercalaison, l’intermittence, & l’uniformité. Soient les deux réservoirs ABC, & IKF (fig. 79.) qui communiquent par un siphon DCE. Le second réservoir a une ouverture par le bas en K. Si le canal d’entretien A fournit plus d’eau qu’il n’en faut pour faire couler continuellement le siphon DCE, le canal K versera continuellement de l’eau, & le surplus se déchargera par le siphon GFH, ensorte que la fontaine qui recevra le produit de ces deux courans, sera intercalaire. Mais si le courant A est assez abondant pour fournir à la dépense du canal K & du siphon GFH, ou même à la seule dépense de K, la source aura pour lors un cours uniforme ; & si l’eau diminue de telle sorte qu’elle ne puisse fournir à l’entretien du siphon GFH, la fontaine en H sera intermittente.

D’après le méchanisme que nous venons de développer, on a réalisé aisément le cours de ces sources, & rendu sensibles leurs effets par des fontaines artificielles, dont on peut voir les modeles dans un mémoire du pere Planque, & dans ceux que le savant M. Astruc a publiés sur l’histoire naturelle de Languedoc, page 283. dans les Transactions philosophiques, n°. 423, & dans la Physique de Desaguliers, & dans nos figures qui en présentent les coupes.

Nous observerons ici que ces machines présentent un moyen très-naturel de varier les effets des eaux jaillissantes ou courantes de nos jardins. L’art n’est jamais sans agrémens lorsqu’il imite la nature.

En conséquence de ces inventions par lesquelles on est parvenu à rendre trait pour trait les opérations de la nature, on peut assurer que la structure intérieure des fontaines est telle qu’on l’avoit supposée d’abord. Car en remontant des effets à la cause avec tant de succès, on est tenté d’admettre pour vrai, après une discussion & une explication exacte des phénomenes, ces agens & cet échafaudage qui n’avoient été d’abord admis que comme possibles, & d’une maniere purement précaire.

Quoi qu’il en soit, cette explication se trouve dans les pneumatiques de Heron d’Alexandrie, qui vivoit 120 ans avant l’ere chrétienne, sur-tout dans les premieres propositions de cet ouvrage. Pline le jeune, epistolar. lib. IV. epistol. xxx. après avoir parcouru plusieurs moyens assez peu raisonnables, tels que les vents soûterreins, le balancement des réservoirs, des mouvemens analogues aux marées pour expliquer les écoulemens singuliers de la fontaine de Côme, située près du lac de ce nom dans le duché de Milan, ajoûte : « N’y auroit-il pas plûtôt, dit-il, une certaine capacité dans les veines qui fournissent cette eau, de telle sorte, que lorsqu’elles sont épuisées, & qu’elles en rassemblent de nouvelles, le courant est moindre & plus lent, & devient plus considérable & plus rapide lorsque ces veines peuvent verser l’eau qu’elles ont recueillies ». An latentibus venis certa mensura, quæ dum colligit quod exhauserit, minor rivus & pigrior ; cum collegit, agilior majorque profertur ?

On voit que Pline a senti ce que les Physiciens modernes ont développé avec plus de précision. On peut consulter Kircher, mund. subterran. lib. V. sect. 5. cap. jv. le cursus mathematicus de Dechalles, le voyage des Alpes de Scheuchzer, en 1723. tome II. page 404. les Trans. philos. n°. 204. & 423. enfin les mémoires sur l’histoire du Languedoc.

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