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attiré l’attention du peuple & des Philosophes, sont celles dont l’intermission ne dure que quelques heures ou quelques jours.

Je crois qu’on peut rapporter à la classe des intercalaires les fontaines uniformes qui éprouvent des accroissemens assez subits & passagers après de grandes pluies, ou par la fonte des neiges.

Enfin plusieurs fontaines présentent dans leurs cours des modifications qui les font passer successivement de l’uniformité à l’intermittence, & de l’intermittence à l’intercalaison, & revenir ensuite à l’uniformité par des nuances aussi marquées. Nous expliquerons tous ces différens phénomenes : & nous tâcherons de donner les dénoüemens de ces bisarreries apparentes. Nous ne parlons pas ici des fontaines à flux & reflux, qui avoient été imaginées avoir quelque rapport dans leur écoulement & leur intermission avec les marées. Après des examens refléchis, on a vû disparoître la prétendue analogie qu’on avoit cru trouver entre leurs accès & l’intumescence de la mer, & tomber totalement la correspondance imaginaire de leur réservoir avec le bassin de l’Océan. Nous ne croyons donc pas devoir nous astreindre à l’ancienne distribution des Géographes sur cet article. C’est une supposition révoltante que d’attribuer aux mouvemens des marées les accès des fontaines que l’on trouve au milieu des continens. Cependant il est très-possible que certaines sources situées à une très-petite distance des bords de la mer, ayent avec ses eaux une communication soûterreine ; & pour lors je conçois que l’intumescence produira un refoulement jusque dans le bassin de ces sources, assez semblable à celui que les fleuves éprouvent à leur embouchure lors du flux. Mais cette cause n’agit point sur le méchanisme intérieur de l’écoulement des fontaines.

On doit expliquer ainsi ce que Pline rapporte (hist. nat. lib. II. cap. ciij. & lib. III. cap. xxvj.) que dans une petite île de la mer Adriatique, près de l’embouchure de la riviere du Timavo, on trouve des fontaines d’eau chaude qui croissent & décroissent avec le flux & le reflux qui est sensible au fond du golfe. On les nomme bagni di monte falcone Cluvier en a fait une description exacte, & observe qu’ils ne sont qu’à deux traits d’arbalête de la mer. Il assûre qu’ils sont assujettis à des retours d’intumescence & de détumescence dépendans de ceux de la mer. Les sources mêmes du Timavo plus éloignées dans les terres, éprouvent, suivant le même historien, de semblables variations. Cluvier, Italia antiqua, lib. I. cap. xx. Kircher, mund. subt. lib. V. cap. vj. & Fallope, de aquis Therm. cap. iij. nous assûrent que ces mouvemens ont lieu, parce qu’un gouffre soûterrein dans lequel il s’engloutit une grande quantité d’eau, communique avec la mer qui reflue jusque-là, ou du moins soûtient les eaux de ce gouffre, & enfle par-là celles du bassin des sources du Timavo, avec lequel le gouffre s’abouche.

Pour expliquer le méchanisme des fontaines périodiques, soit intermittentes, soit intercalaires, on a supposé des réservoirs & des siphons dans les entrailles de la terre. Et ces suppositions sont fondées sur l’inspection attentive de l’organisation que le globe présente en plusieurs endroits à sa surface. On rencontre dans les provinces de Derby & de Galles, en Angleterre, dans le Languedoc, dans la Suisse, des cavernes dont les unes donnent passage aux eaux qui y abordent de toutes parts, & d’autres les rassemblent & ne les versent qu’après avoir été remplies. Les coupes de ces cavernes qui s’offrent à découvert aux yeux des observateurs dans les pays montueux, nous autorisent à en placer au sein des collines, où se trouvent les fontaines périodiques.

Quant aux siphons dont le jeu n’est pas moins né-

cessaire, nous les admettons avec autant de fondement.

Dans les premieres couches de la terre, on observe, comme nous l’avons remarqué ci-devant, des courbures très-propres à donner aux couches qui contiennent les eaux pluviales, la forme d’un siphon ; & d’ailleurs certaines lames de terres étant facilement emportées par des filtrations réitérées, les parois des couches supérieures & inférieures formeront une cavité ou un tuyau de conduite qui voiturera l’eau comme les branches d’un siphon cylindrique. De cette sorte le siphon sera un assemblage de petits conduits recourbés, pratiqués entre les couches de glaises, ou bien entre des rochers fendus & entre-ouverts, suivant une infinité de dispositions.

Je conçois même que les siphons doivent se rencontrer précisément dans un endroit rempli de cavernes propres à faire l’office de réservoir. Supposons que les couches inclinées AB, (Pl. Phys. fig. 78.) n’étant point soûtenues depuis C jusqu’en D, parce qu’il y a au-dessous une caverne CED, se soient affaissées insensiblement, & qu’elles ayent quitté leur premiere direction & pris la situation CF ; alors les couches inférieures AC avec CF forment un siphon dont les parties CF n’atteignent pas le fond de la caverne ; & les autres vers A descendent plus bas que ce fond. Mais les portions supérieures des couches vers B conservant leur situation inclinée, & leur ouverture en D, formée par l’interruption des couches CF affaissées, pourront verser de l’eau dans la caverne. On voit par-là que la courbure du siphon en C, est moins élevée que l’ouverture des couches qui fournissent l’eau, ce qui est essentiel pour le jeu du siphon.

Maintenant donc la cavité CED recevant l’eau qui coule entre les couches entr’ouvertes en D, & qui s’y décharge avec plus ou moins d’abondance, se remplira jusqu’à ce qu’elle soit parvenue à la courbure du siphon en C. Alors le siphon joüant commence à épuiser l’eau de la caverne, & il cesse lorsque l’eau est descendue au-dessous de l’orifice de la plus courte jambe en F. Le jeu du siphon recommencera dès que l’eau fournie par les couches D, aura rempli la cavité au niveau de la courbure C. Cet écoulement sera suivi d’une intermission, & l’intermission d’un nouvel écoulement qui se succederont toûjours dans le même ordre périodique, tant que le canal d’entretien D fournira la même quantité d’eau. Ensorte que si le siphon décharge son eau dans des couches qui soient interrompues en A, ou dans un réservoir à cet endroit de la surface de la terre, il se formera une fontaine périodique. Voyez Siphon.

On conçoit aisément que de la combinaison des siphons, des réservoirs, & des canaux d’entretien, il doit résulter des variations infinies dans l’écoulement des fontaines périodiques dont il suffit d’indiquer ici les plus singulieres ; en un mot, celles que la nature nous offre en plusieurs endroits.

Fontaines intermittentes. Pour qu’une fontaine soit intermittente, il est nécessaire que le siphon ACF entraîne plus d’eau que n’en fournit le canal d’entretien D. Car si ce dernier canal en décharge dans le réservoir autant que le siphon en peut vuider, l’écoulement du siphon sera continuel, parce que l’eau se soûtiendra dans la caverne toûjours à la même hauteur ; & la fontaine formée par le produit du siphon en A, aura un cours uniforme.

De ce principe & de la supposition du méchanisme précédent, nous tirons plusieurs conséquences capables de nous guider dans l’apprétiation des différentes variétés des fontaines intermittentes.

1°. Le tems de l’intermission ou de l’intervalle de deux écoulemens est toûjours égal à celui qu’employe le canal d’entretien à remplir le bassin de la caverne