Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 7.djvu/1070

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’eau, & fait avec elle un bouillonnement sensible ; au lieu que le gypse calcine ou plâtre, ne s’échauffe point, à beaucoup près, si vivement avec l’eau, & n’y cause point de bouillonnement sensible. 3°. Le gypse calciné ou le plâtre mêlé avec l’eau, prend du corps & devient en peu de tems dur comme une pierre, sans qu’on soit obligé d’y joindre du sable ; au lieu que la pierre calcaire calcinée, ou la chaux, ne prend point seule du corps avec l’eau, il faut pour cela y joindre du sable, & le mélange ne prend de la consistance & de la dureté que lentement. 4°. La chaux éteinte reprend toutes ses propriétés par une nouvelle calcination ; au lieu que le plâtre ne les reprend jamais par ce moyen, & n’est plus propre à se durcir avec l’eau. Le plâtre en se séchant augmente de volume & se gonfle ; au lieu que le mortier diminue plûtôt que d’augmenter. M. Macquer rend raison de ces différences par ses conjectures, confirmées par des expériences. Voyez les mémoires de l’académie royale des Sciences, an. 1747.

Les gypses se trouvent par couches dans le sein de la terre. C’est la butte de Montmartre qui fournit presque tout le plâtre qui s’employe dans les bâtimens de Paris. Cette petite montagne présente plusieurs phénomenes, dignes de l’attention des Naturalistes. Elle est placée au milieu d’un pays tout-à-fait calcaire, & est composée d’un grand nombre de couches paralleles à l’horison, dans lesquelles on assûre n’avoir jamais trouvé de coquilles fossiles, quoique toutes les pierres des environs de Paris en soient remplies, & ne soient, pour ainsi dire, formées que de leurs débris. On y trouve deux couches de gypse. La couche inférieure est d’une si grande épaisseur qu’on n’en a point encore trouvé la fin, quoique dans certains endroits on ait creusé jusqu’à 70 ou 80 piés de profondeur. On trouve assez fréquemment au milieu de cette masse de gypse, des ossemens & vertebres de quadrupedes qui ne sont point pétrifiés, mais qui sont déjà un peu détruits, & qui sont très-étroitement enveloppés dans la pierre : on assûre même qu’on y a trouve autrefois un squelette humain tout entier ; mais comme ce dernier fait n’est point appuyé d’autorités incontestables, on n’en garantit point la vérité.

Quoiqu’on ne puisse point toûjours distinguer à la simple vûe les parties qui composent la pierre gypseuse, ces parties sont pourtant constamment d’une figure réguliere & déterminée. Suivant M. de Jussieu, tous les gypses réduits en poussiere, & considérés au microscope, présentent une infinité de petits parallelipipedes transparens, dont la longueur excede de beaucoup les autres dimensions, & dont la surface est parsemée irrégulierement de globules très-petits par rapport à eux. M. de Jussieu ayant observé que quand l’air étoit humide ces globules changeoient de figure & en prenoient une ovale applatie, & qu’ils disparoissoient quand l’humidité s’évaporoit, a jugé que c’étoient des parties salines qui entrent dans la composition du gypse. Quand on observe de même la poussiere de plâtras ou de plâtre desanimé & inutile, on voit encore les mêmes parallelipipedes & les globules ; mais ils sont mêlés avec beaucoup d’autres petits corps différens d’eux & de figures irrégulieres. M. de Jussieu conjecture que ces corps ont été introduits par l’eau quand on a gaché le plâtre, & croit que ce sont eux qui empêchent les platras de pouvoir être recalcinés de nouveau & redevenir utiles. Voyez l’histoire de l’académie des Sciences, ann. 1719. page 13. & suiv.

Les propriétés du gypse ont depuis long-tems attiré l’attention des Chimistes & des Naturalistes ; mais jusqu’à-présent on n’a point encore pû trouver exactement ce qui le constitue, & ce qui produit sa différence d’avec les pierres calcaires. Bien

des auteurs ont cru que le gypse étoit formé par la combinaison de l’acide vitriolique, avec la terre calcaire ; ce qui fait qu’on nomme sélénite ce qui ressemble, à quelques égards, au gypse : mais M. Pott a trouvé qu’elle en différoit à beaucoup d’autres. Ce savant chimiste a fait un grand nombre d’expériences pour l’analyse du gypse : la pierre spéculaire lui a donné une quantité considérable de flegme ou d’eau d’une odeur desagréable, mais insipide, & dans laquelle il n’a pu trouver aucune trace sensible d’alkali volatil, quoique M. Henckel l’eût prétendu : il croit plûtôt que la substance saline qui est contenue dans le gypse, est de la nature du sel marin. Le gypse pulvérise & mis dans une chaudiere sur le feu, aussitôt qu’il est bien séché, devient fluide comme de l’eau & bouillonne ; il ne faut pour cela qu’un degré de feu qui rougisse la matiere : cela prouve qu’il est chargé d’une quantité d’eau très-considérable ; c’est aussi ce qui paroît être cause de la promptitude avec laquelle il s’unit avec l’eau & prend corps avec elle. Quelques auteurs regardent ce phénomene comme une preuve que le gypse est très-chargé de sel, & prétendent que son durcissement avec l’eau n’est dû qu’à une crystallisation qui se fait sur le champ. Dans la calcination du gypse à feu ouvert, il en part pendant quelque tems une fumée ou vapeur très-forte ; si le feu est continué trop long-tems, le plâtre qui en provient ne se durcit point lorsqu’on le mêle avec de l’eau, & il reste en poudre sans prendre corps.

Le gypse entre en fusion au miroir ardent ; mais à un feu ordinaire il n’entre point en fusion sans addition : voilà pourquoi il est très-propre à faire des supports pour les substances qu’on veut exposer à un feu violent. M. Pott nous apprend avoir trouvé dans le gypse une portion très petite de phlogistique & de principe colorant ; & que dans la calcination des pierres gypseuses les moins pures, on apperçoit une matiere sulphureuse qui s’enflamme. Ce savant chimiste a combiné le gypse avec différentes substances, tant terreuses que salines, dans des proportions variées ; ce qui lui a donné un grand nombre de produits différens, comme on peut voir dans le II. chap. du t. I. de sa Lithogéognosie. Lorsqu’on répand de l’eau sur du gypse calciné, le mélange s’échauffe, & il en part une odeur très-desagréable. M. Rouelle a trouvé que lorsqu’on calcine le gypse il en part une odeur d’arsenic très-sensible. M. Brandt, savant chimiste suédois, a aussi examiné le gypse, & il a trouvé qu’il n’a point une terre qui par la calcination devienne caustique, comme la chaux vive. Il a mêlé du gypse avec du verre de bouteille, pour en faire une sorte de porcelaine ; il a donné un feu très-vif pendant 24 heures, & il est parti du mélange une odeur de foie de soufre très-forte qui remplit son laboratoire. Mémoires de l’académie royale de Suede, année 1749.

Suivant les observations des Minéralogistes, on n’a point encore trouvé de métaux dans le gypse.

Les anciens ont regardé le gypse comme un poison ; cependant quelques medecins en ont ordonné l’usage intérieur, qui ne peut être que très-inutile & même dangereux, comme on peut en juger par les accidens qui résultent des plâtres neufs. Voyez Platre.

On contrefait le marbre avec du gypse très-pur calciné, réduit en une poudre très-fine, passé au tamis ; on l’humecte avec de l’eau gommée, & on y mêle les couleurs convenables pour former les veines : ce mélange prend de la consistance & un très beau poli. Voyez Stuc.

On voit par ce qui vient d’être dit, 1°. que les Naturalistes ont souvent regardé comme gypse des substances qui ne l’étoient point ; 2°. que les principes qui constituent cette pierre, & qui produisent les phénomenes qu’elle présente, sont encore inconnus & demandent bien des expériences pour être déve-