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chap. xcviij. c’est refutare feudum regium. Voyez Loyseau, traité du déguerpissement, liv, I. chap. ij. n. 4. & Déguerpissement. (A)

GUERRE, sub. f. (Art milit. & Hist.) différend entre des princes ou des états, qui se décide par la force ou par la voie des armes. C’est-là à-peu-près la définition de Grotius, qui dit que la guerre est l’état de ceux qui tachent de vuider leurs différends par la voie de la force.

Suivant Montecuculli, la guerre est une action d’armées qui se choquent en toute sorte de maniere, & dont la fin est la victoire. Cette définition n’est pas absolument exacte, parce que lorsqu’un état puissant en attaque un plus foible, le but de la guerre dans le dernier n’est pas tant de remporter la victoire sur l’aggresseur, que de s’opposer à ses desseins.

Quoi qu’il en soit, l’idée de la guerre est trop commune & ses effets trop connus, pour s’arrêter à l’expliquer plus particulierement. Comme les princes n’ont point de tribunal sur terre qui puisse juger de leurs différends & de leurs prétentions, c’est la guerre ou la force qui peut seule en décider, & qui en décide ordinairement.

Nous n’entrerons dans aucun détail sur les différentes circonstances qui rendent les guerres justes ou injustes. Nous renvoyons pour ce sujet au savant traité de Grotius, de jure belli ac pacis ; nous donnerons seulement une legere idée de la guerre offensive & de la guerre défensive. Elles peuvent se diviser chacune en guerre de campagne, & en guerre des siéges.

La guerre offensive est celle dans laquelle on se propose d’attaquer l’ennemi. Dans la défensive, on a pour principal objet de résister aux efforts de l’ennemi, & de l’empêcher de faire des conquêtes.

La guerre de campagne est celle qui se fait entre deux armées opposées. A l’égard de celle des siéges, elle consiste dans l’attaque & dans la défense des places.

Avant que d’entrer dans quelque détail sur ce sujet, observons d’abord que la guerre est un art qui a ses regles & ses principes, & par conséquent sa théorie & sa pratique. « Tous les Arts & tous les Métiers se perfectionnent par l’exercice. Si cette maxime a lieu dans les plus petites choses, à plus forte raison dans les plus importantes. Or qui doute que l’art de la guerre ne soit le plus grand de tous ? C’est par lui que la liberté se conserve, que les dignités se perpétuent, que les provinces & l’empire se maintiennent : c’est cet art auquel les Lacédémoniens autrefois, & ensuite les Romains, sacrifierent toutes les autres sciences. C’est l’art de ménager la vie des combattans & de remporter l’avantage » Vegece, traduction de M. de Sigrais.

L’étude d’un art si important doit, selon M. de Folard, faire la principale occupation des princes & des grands. Rien de plus brillant que la carriere d’un général qui fait servir sa science, son zele, & son courage au service du prince & de la patrie : « quel est l’art, dit cet auteur, qui égale un particulier à son souverain, qui le rend dépositaire de toute sa puissance, de toute la gloire, & de toute la fortune des états » ? La guerre seule a cet avantage : peut-il être un motif plus noble & plus intéressant pour chercher à s’y distinguer !

Les regles ou les principes de la guerre qui en forment la théorie, ne sont autre chose que le fruit des observations faites en differens tems pour faire combattre les hommes le plus avantageusement qu’il est possible. Thucidide remarque que la fameuse guerre du Peloponnese servit à augmenter l’expérience des Grecs dans l’art militaire ; parce que comme cette guerre fut souvent interrompue & recommencée, chacun s’appliquoit à rectifier les fautes qui avoient été remarquées dans les campagnes précédentes.

La premiere idée qu’on a dû avoir lorsqu’on a

formé des hommes pour combattre, a sans doute été de les armer pour agir offensivement contre l’ennemi.

Les premieres armes furent d’abord sort simples ; c’étoit de gros bâtons, ou des especes de massues ou casse-têtes, ainsi qu’en ont encore aujourd’hui les Sauvages. On dut aussi se servir de pierres, qu’on jettoit de loin avec la main : mais on trouva bientôt l’invention de la fronde, pour les jetter de plus loin & avec plus de force. Il y a apparence qu’on songea ensuite à armer les bâtons d’un fer pointu ; qu’on trouva, bientôt après l’invention des épées ou des sabres ; & qu’à l’imitation des pierres qu’on lançoit avec la fronde, on imagina l’arc pour lancer également les fleches : car toutes ces armes sont de la plus haute antiquité.

Après avoir armé les combattans, il fut aisé de s’appercevoir qu’en les faisant agir en foule & sans ordre, ils ne pouvoient se servir de leurs armes, & qu’ils s’embarrasseroient réciproquement.

Pour remédier à cet inconvénient, on les forma sur des lignes droites, & l’on mit plusieurs de ces lignes les unes derriere les autres, pour en augmenter la force. Voyez Rangs & Files.

Après avoir armé les troupes & leur avoir donné l’arrangement précédent, il fallut leur apprendre à se servir de leurs armes, & à se mouvoir en ordre de tous les sens ; c’est-à-dire qu’il fallut leur apprendre l’exercice ou le maniement des armes, & les évolutions. Voyez Exercice & Evolution.

Les hommes en faisant usage de leurs armes contre l’ennemi, chercherent à se couvrir ou à se garentir de l’effet des siennes. Pour cet effet on imagina les armes défensives, telles que les casques, cuirasses, bouchers, &c. Voyez Armes défensives.

Les troupes étant armées ou exercées, il fallut les diviser en plusieurs corps, propres à agir & à se mouvoir facilement : de-là l’origine des compagnies, des cohortes, des régimens, des bataillons, &c.

On songea aussi à arranger ces différens corps entr’eux, comme les troupes le sont dans leurs corps particuliers, & l’on forma les ordres de bataille sur deux ou trois lignes de troupes. Voyez Ligne de Troupes & Ordre de Bataille.

On ne s’avisa vraissemblablement pas dans les premiers tems de faire combattre les hommes à cheval ; mais il fut aisé de s’appercevoir bien tôt du besoin de la cavalerie pour poursuivre l’ennemi, le disperser après sa défaite, & l’empêcher de se rallier.

Il y a apparence que la cavalerie fut d’abord destinée à cet effet, & qu’elle ne consistoit guere qu’en troupes legeres : mais on vit ensuite que cette cavalerie pourroit encore rendre d’autres services ; qu’elle étoit propre en plaine à combattre l’ennemi, & que d’ailleurs par la rapidité de ses mouvemens, elle pouvoit se transporter bien-tôt d’un lieu en un autre & se tirer du danger bien plus promptement que l’infanterie : on forma donc des corps de cavalerie plus ou moins nombreux, suivant la nature des peuples & des pays où l’on faisoit la guerre[1].

La cavalerie pouvant harceler l’infanterie en campagne, & essayer de la défaire sans craindre de se commettre par la facilité qu’elle a de se retirer, on imagina des armes de longueur pour la tenir en respect ; c’est-à-dire qu’on inventa les sarisses ou les piques, dont la longueur empêchoit le cheval du cavalier de tomber sur le fantassin : par-là l’infanterie

  1. Il n’est pas question d’examiner ici si les anciens, au lieu de monter sur les chevaux pour combattre, les ont d’abord attelés à des chars. Nous renvoyons pour ce sujet à l’article Equitation. Il nous suffit que la cavalerie ait été de la plus haute antiquité dans les armées, & c’est surquoi les anciens auteurs ne laissent aucun doute.