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ou plûtard, ont le corps sensiblement plus gros & mieux formé, que ne l’est ordinairement celui des nouveau-nés ; les cheveux sont plus longs ; l’accroissement des dents, quoique cachées sous les gencives, est plus avancé ; le son de la voix est plus net & le ton en est plus grave qu’aux enfans de neuf mois. On pourroit reconnoître à l’inspection du nouveau-né, combien sa naissance auroit été retardée, si les proportions du corps de tous les enfans de neuf mois étoient semblables, & si les progrès de leur accroissement étoient reglés : mais le volume du corps & son accroissement varient, selon le tempérament de la mere & celui de l’enfant ; ainsi tel enfant pourra naître à dix ou onze mois, qui ne sera pas plus avancé qu’un autre qui sera né à neuf mois.

Les fœtus des animaux n’ont qu’un terme pour naître. Les jumens portent le leur pendant onze à douze mois ; d’autres comme les vaches, les biches, pendant neuf mois ; d’autres comme les renards, les louves, pendant cinq mois ; les chiennes pendant neuf semaines ; les chattes pendant six ; les femelles des lapins trente-un jours : la plûpart des oiseaux sortent de l’œuf au bout de vingt-un jours ; quelques-uns, comme les serins, éclosent au bout de treize ou quatorze jours, &c. La variété est à cet égard tout aussi grande qu’en toute autre chose qui est du ressort & des opérations de la nature : cependant il paroît que les femelles des plus gros animaux, qui ne produisent qu’un petit nombre de fœtus, sont constamment celles qui portent le plus long-tems ; & que le tems du séjour de leur fœtus dans le ventre de la mere est toûjours le même.

On doit observer aussi que l’accouchement dans ces différens animaux est sans hémorrhagie : n’en doit-on pas conclure que le sang que les femmes rendent toûjours après leur accouchement, est le sang des menstrues ; & que si le fœtus humain naît à des termes si différens, ce ne peut être que par la variété de l’action de ce sang, qui se fait sentir sur la matrice à toutes les révolutions périodiques ; action qui est aussi vraissemblablement une des principales causes de l’exclusion du fœtus, dans quelque tems qu’elle se fasse, & par conséquent des douleurs de l’enfantement qui la précedent. En effet ces douleurs sont, comme on sait, tout au-moins aussi violentes dans les fausses-couches de deux & de trois mois, que dans les accouchemens ordinaires ; & il y a bien des femmes qui ont dans tous les tems & sans avoir conçu, des douleurs très-vives, lorsque l’écoulement périodique est sur le point de paroître : ces douleurs sont de la même espece que celles de la fausse-couche ou de l’accouchement ; dès-lors ne doit-on pas soupçonner qu’elles viennent de la même cause ?

L’écoulement des menstrues se faisant périodiquement & à des intervalles déterminés, quoique la grossesse supprime cette apparence, elle n’en détruit cependant pas la cause ; & quoique le sang ne paroisse pas au terme accoûtumé, il doit se faire dans ce même tems une espece de révolution, semblable à celle qui se faisoit avant la grossesse aussi y a-t-il des femmes dont les menstrues ne sont pas supprimées dans les premiers mois de la grossesse : il y a donc lieu de penser que lorsqu’une femme a conçû, la révolution périodique se fait comme auparavant ; mais que comme la matrice est gonflée, & qu’elle a pris de la masse & de l’accroissement (Voyez Matrice), les canaux excrétoires étant plus serrés & plus pressés qu’ils ne l’étoient auparavant, ne peuvent s’ouvrir ni donner d’issue au sang, à moins qu’il n’arrive avec tant de force, ou en si grande quantité, qu’il puisse se faire passage malgré la résistance qui lui est opposée : dans ce cas il paroîtra du sang, & s’il en coule en grande quantité, l’avortement suivra ; la matrice reprendra la forme qu’elle avoit auparavant, parce que

le sang ayant rouvert tous les canaux qui s’étoient fermés, ils reviendront au même état qu’ils étoient. Si le sang ne force qu’une partie de ses canaux, l’œuvre de la génération ne sera pas détruite, quoiqu’il paroisse du sang ; parce que la plus grande partie de la matrice se trouve encore dans l’état qui est nécessaire pour qu’elle puisse s’exécuter : dans ce cas il paroîtra du sang, & l’avortement ne suivra pas ; ce sang sera seulement en moindre quantité que dans les évacuations ordinaires.

Lorsqu’il n’en paroît point du tout, comme c’est le cas le plus ordinaire, la premiere révolution périodique ne laisse pas de se marquer & de se faire sentir par les mêmes symptomes, les mêmes douleurs : il se fait donc dès le tems de la premiere suppression, une violente action sur la matrice ; & pour peu que cette action fût augmentée, elle détruiroit l’ouvrage de la génération : on peut même croire avec assez de fondement, que de toutes les conceptions qui se font dans les derniers jours qui précedent l’arrivée des menstrues, il en réussit fort peu, & que l’action du sang détruit aisément les foibles racines d’un germe si tendre & si délicat, ou entraîne l’œuf avant qu’il se soit attaché à la matrice. Les conceptions au contraire qui se font dans les jours qui suivent l’écoulement périodique, sont celles qui tiennent & qui réussissent le mieux ; parce que le produit de la conception a plus de tems pour croitre, pour se fortifier & pour résister à l’action du sang & à la révolution qui doit arriver au tems de l’écoulement. C’est sans doute par cette considération que le célebre Fernel, pour calmer les alarmes que donnoit à toute la France la stérilité de la reine, donna d’abord ses attentions aux écoulemens périodiques : après en avoir corrigé les irrégularités, il crut que le tems qui pouvoit le plus faire espérer la fécondité, étoit celui qui suivoit de près les regles.

Le fœtus ayant eu le tems de prendre assez de force pour résister à la premiere épreuve de la révolution périodique, est ensuite plus en état de souffrir la seconde, qui arrive un mois après cette premiere : aussi les avortemens causés par la seconde période sont-ils moins fréquens que ceux qui sont causés par la premiere ; à la troisieme, le danger est encore moins grand, & moins encore à la quatrieme & à la cinquieme : mais il y en a toûjours. Il peut arriver & il arrive en effet de fausses-couches dans les tems de toutes ces révolutions périodiques ; seulement on a observé qu’elles sont plus rares dans le milieu de la grossesse, & plus fréquentes au commencement & à la fin. On entend bien, par ce qui vient d’être dit, pourquoi elles sont plus fréquentes au commencement : il reste à expliquer (toûjours d’après M. de Buffon, qui nous fournit une grande partie de cet article) pourquoi elles sont aussi plus fréquentes vers la fin que vers le milieu de la grossesse.

Le fœtus vient ordinairement au monde dans le tems de la dixieme révolution ; lorsqu’il naît à la neuvieme ou à la huitieme, il ne laisse pas de vivre, & ces accouchemens précoces ne sont pas regardés comme de fausses-couches, parce que l’enfant quoique moins formé, ne laisse pas de l’être assez pour pouvoir vivre ; on a même prétendu avoir des exemples d’enfans nés à la septieme & même à la sixieme révolution, c’est à dire à cinq ou six mois, qui n’ont pas laissé de vivre ; il n’y a donc de différence entre l’accouchement & la fausse-couche, que relativement à la vie du nouveau né ; & en considérant la chose généralement, le nombre des fausses-couches du premier, du second, & du troisieme mois, est très-considérable par les raisons que nous avons dites, & le nombre des accouchemens précoces du septieme & du huitieme mois, est aussi assez grand en comparaison de celui des fausses-couches des qua-