Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 6.djvu/892

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

VIII. Dans les vaisseaux cylindriques, situés perpendiculairement, & qui ont des bases égales, la pression des fluides sur les fonds est en raison de leurs hauteurs ; car puisque les vaisseaux sont perpendiculaires, il est évident que l’action ou la tendance des fluides, en vertu de leur pesanteur, se fera dans les lignes perpendiculaires aux fonds : les fonds seront donc pressés en raison des pesanteurs des fluides ; mais les pesanteurs sont comme les volumes, & les volumes sont ici comme les hauteurs. Donc les pressions sur les fonds seront en raison des hauteurs. Remarquez qu’il est ici question d’un même fluide, ou de deux fluides semblables & de même nature.

IX. Dans des vaisseaux cylindriques, situés perpendiculairement, qui ont des bases inégales, la pression sur les fonds est en raison composée des bases & des hauteurs ; car il paroît par la démonstration précédente, que les fonds sont pressés dans cette hypothèse en raison des pesanteurs ; or les pesanteurs des fluides sont comme leurs masses, & leurs masses sont ici en raison composée des bases & des hauteurs : par conséquent, &c.

X. Si un vaisseau incliné ABCD, (figure 8.) a même base & même hauteur qu’un vase perpendiculaire BEFG, les fonds de ces deux vases seront également pressés.

Car dans le vaisseau incliné ABCD, chaque partie du fond CD est pressée perpendiculairement, par la seconde loi-ci-dessus, avec une force égale à celle d’une colonne verticale de fluide, dont la hauteur seroit égale à la distance qui est entre le fond CD, & la surface AB du fluide : or la pression du fond EF est évidemment la même.

XI. Les fluides pressent selon leur hauteur perpendiculaire, & non pas selon leur volume. Par exemple, si un vase a une figure conique, ou va en diminuant vers le haut, c’est-à-dire s’il n’est pas large en haut comme en bas, cela n’empêche pas que le fond ne soit pressé de la même maniere que si le vase étoit parfaitement cylindrique, en conservant la même base inférieure : c’est une suite de tout ce qui a été dit ci-dessus.

En général, la pression qu’éprouve le fond d’un vaisseau, quelle que soit sa figure, est toûjours égale au poids d’une colonne du fluide, dont la base est le fond du vaisseau, & dont la hauteur est la distance verticale de la surface supérieure de l’eau au fond de ce même vase.

Donc si l’on a deux tubes ou deux vases de même base & de même hauteur, tous deux remplis d’eau, mais dont l’un aille tellement en diminuant vers le haut, qu’il ne contienne que vingt onces d’eau, au lieu que l’autre s’élargissant vers le haut contienne deux cents onces, les fonds de ces deux vases seront également pressés par l’eau, c’est-à-dire que chacun d’eux éprouvera une pression égale au poids de l’eau renfermée dans un cylindre de même base que ces deux bases, & de même hauteur.

M. Pascal est le premier qui a découvert ce paradoxe hydrostatique ; il mérite bien que nous nous arrêtions à l’éclaircir : une multitude d’expériences le mettent hors de toute contestation. On peut même, jusqu’à un certain point, en rendre raison dans quelques cas, par les principes de méchanique.

Supposons, par exemple, que le fond d’un vase CD, (fig. 9.) soit plus petit que son extrémité supérieure AB ; comme le fluide presse le fond CD, que nous supposons horisontal, dans une direction perpendiculaire EC, il n’y a que la partie cylindrique intérieure ECDF, qui puisse presser sur le fond, les côtés de ce vase soûtenans la pression de tout le reste.

Mais cette proposition devient bien plus difficile

à démontrer, lorsque le vase va en se rétrécissant de bas en haut : on peut même dire qu’elle est alors un paradoxe que l’expérience seule peut prouver, & dont jusqu’ici on a cherché vainement la raison.

Pour prouver ce paradoxe par l’expérience, préparez un vase de métal ACDB (fig. 10.), fait de maniere que le fond CD puisse être mobile, & que pour cette raison il soit retenu dans la cavité du vaisseau, moyennant une bordure de cuir humide, afin de pouvoir glisser, sans laisser passer une seule goutte d’eau. Par un trou fait au haut du vase AB appliquez successivement différens tubes d’égales hauteurs, mais de différens diametres Enfin, attachant une corde au bras d’une balance ; & fixant l’autre extrémité de la corde au fond mobile, par un petit anneau K, mettez des poids dans l’autre bassin, jusqu’à ce qu’il y en ait assez pour élever le fond CD : vous trouverez alors non-seulement qu’il faut toûjours le même poids, de quelque grandeur ou diametre que soit le tube, mais encore que le poids qui élevera le fond, lorsque ce fond est pressé par un fluide contenu dans un très-petit tube, l’élevera aussi quand il sera pressé par le fluide qui seroit contenu dans tout le cylindre HCDI. Par la même raison, si un vase ABCD (fig. 11.), de figure quelconque, est plein de liqueur jusqu’en GH, par exemple, le fond CD sera pressé par la liqueur, comme si le vase étoit cylindrique : mais ce qui est bien à remarquer, il ne faudra pour soûtenir le vase, qu’une force égale au poids de la liqueur ; car la partie Ff est pressée perpendiculairement à HD suivant FO, avec une force proportionnelle à la distance de GH à EF ; & cet effort tend à pousser le point F suivant FV, avec une force représentée par . Or le point K est pressé en em-bas avec une force  : donc le fond CD n’est poussé au point K que par une force . Donc lorsque le fond CD tient au vase, il n’est poussé en em-bas que par une force=au poids du fluide : mais lorsque ce fond est mobile, il est poussé en em-bas par une force proportionnelle à , parce que la résistance ou réaction du point F suivant FV, n’a plus lieu.

XII. Un corps fluide pesant, lequel placé vers la surface de l’eau, se précipiteroit en em-bas avec une grande vîtesse, étant placé néanmoins à une profondeur considérable, ne tombera point au fond.

Ainsi plongez l’extrémité inférieure d’un tube de verre dans un vase de mercure, à la profondeur d’un demi-pouce ; & bouchant alors l’extrémité inférieure avec votre doigt, vous conserverez par ce moyen environ un demi-pouce de mercure suspendu dans le tube : enfin tenant toûjours le doigt dans cette même disposition, plongez le tube dans un long vase de verre plein d’eau, jusqu’à ce que la petite colonne de mercure soit enfoncée dans l’eau à une profondeur treize ou quatorze fois plus grande que la longueur de cette même colonne : en ce cas, si vous ôtez le doigt, vous verrez que le mercure se tiendra suspendu dans le tube, par l’action de l’eau qui presse en en-haut ; mais si vous élevez le tube, le mercure s’écoulera. Au reste cette expérience est délicate, & demande de la dextérité pour être bien faite.

La pression des fluides, selon plusieurs physiciens, nous donne la solution du phénomene de deux marbres polis, qui s’attachent fortement ensemble lorsqu’on les applique l’un à l’autre. L’atmosphere, selon ces physiciens, presse ou gravite avec tout son poids sur la surface inférieure & sur les côtés du marbre inférieur : mais elle ne sauroit exercer aucune pression sur la surface supérieure de ce même marbre, qui est très-intimement contigue au marbre supérieur, auquel elle est suspendue : sur quoi voyez l’article Cohésion, &c.