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pête qui écarta les vaisseaux les uns des autres, ensorte qu’ils ne purent se rejoindre ensemble qu’à la Corogne. Elle en partit le 12 Juillet, & entra dans le canal à la vûe des Anglois, qui la laisserent passer.

On sait assez quel en fut le succès, sans le détailler de nouveau. Les Espagnols perdirent dans le combat naval, outre six à sept mille hommes, quinze de leurs plus gros vaisseaux ; & ils en eurent un si grand nombre qui se briserent le long des côtes d’Ecosse & d’Irlande, qu’en 1728 le capitaine Row en découvrit un du premier rang sur la côte occidentale d’Ecosse ; & qu’en 1740 on en apperçut deux autres de cet ordre dans le fond de la mer près d’Edimbourg, dont on retira quelques canons de bronze, sur la culasse desquels étoit une rose entre une F & une R.

Les Provinces-Unies frapperent au sujet de cet évenement une médaille admirable, avec cette exergue, la gloire n’appartient qu’à Dieu ; & au revers étoit représentée la flotte d’Espagne, avec ces mots : elle est venue, elle n’est plus.

Soit que Philippe II. reçût la nouvelle de la destruction de la flotte avec une fermeté héroïque, comme le dit Cambden ; soit au contraire qu’il en ait été furieux, comme Strype le prétend sur des mémoires de ce tems-là qui sont tombés entre ses mains, il est au moins sûr que le roi d’Espagne ne s’est jamais trouvé depuis en état de faire un nouvel effort contre la Grande-Bretagne : au contraire, l’année suivante Elisabeth elle-même envoya une flotte contre les Espagnols, & remporta des avantages considérables.

On a sagement remarqué que ces prodigieuses armées navales n’ont presque jamais réussi dans leurs expéditions : l’histoire en fournit plusieurs exemples. L’empereur Léon I. dit le-Grand par ses flateurs, qui avoit envoyé contre les Vandales une flotte composée de tous les vaisseaux d’Orient, sur laquelle il avoit embarqué 100 mille hommes, ne conquit pas l’Afrique, & fut sur le point de perdre l’Empire.

Les grandes flottes & les grandes armées de terre épuisent un état ; si l’expédition est longue, & si quelque malheur leur arrive, elles ne peuvent être secourues ni réparées : quand une partie se perd, le reste n’est rien, parce que les vaisseaux de guerre, ceux de transport, la cavalerie, l’infanterie, les munitions, les vivres, en un mot chaque partie dépend du tout ensemble. La lenteur des entreprises fait qu’on trouve toûjours des ennemis préparés ; outre qu’il est rare que l’expédition ait lieu dans une saison commode, qu’elle ne tombe dans le tems des tempêtes, qu’elle n’en essuie d’imprévûes, qu’elle ne manque des provisions nécessaires ; & qu’enfin les maladies se mettant dans l’équipage, ne fassent échoüer tous les projets. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Flotte d’une Ligne à pêcher, c’est un morceau de liége ou de plume qui flotte sur l’eau, pour marquer l’endroit où est l’hameçon, & découvrir si quelque poisson y mord.

Flotte, dans les Manufactures de soie, est synonyme à écheveau.

FLOTTER, v. n. (Hydrodyn.) se dit d’un corps qui placé sur un fluide dans lequel il n’enfonce qu’en partie, fait des oscillations sur ce fluide. Voyez Oscillation.

Pour qu’un corps soit en repos sur la surface d’un fluide, il faut, 1°. que la force avec laquelle le fluide tend à le pousser en en-haut, soit égale à l’effort avec lequel la pesanteur du corps tend à le pousser en em-bas. 2°. Il faut de plus que ces deux forces soient dirigées en sens contraire & dans une même ligne droite, autrement le corps ne seroit pas en repos, & il lui arriveroit la même chose qu’à un bâton

dont les deux extrémités sont poussées en sens contraire avec des forces égales ; car ce bâton tourne autour de son centre, comme tout le monde sait. Si donc une de ces deux conditions n’est point observée, le corps ne sera pas en repos. Or pour déterminer son mouvement, il faut considérer, 1°. que l’action que le fluide exerce sur lui, est égale à la pesanteur d’un volume de fluide égal à la partie plongée ; 2°. que cette force a pour direction une ligne verticale qui passe par le centre de gravité de la partie plongée. Or, suivant les principes donnés au mot Centre spontané de Rotation, & démontrés dans mes recherches sur la précession des équinoxes (art. 90.), cette force doit tendre, 1°. à faire mouvoir le centre de gravité du corps verticalement de bas en-haut, de la même maniere que si cette force passoit par le centre de gravité du corps : ainsi le centre de gravité sera poussé en en-haut verticalement par cette force, & en em-bas par la pesanteur du corps ; d’où l’on tirera une premiere équation. 2°. La force du fluide tend outre cela à faire tourner le corps autour de son centre de gravité, de la même maniere que si ce centre de gravité étoit fixement attaché ; ce qui produira une seconde équation. Nous ne pouvons dans un ouvrage tel que celui-ci, entrer dans un plus grand détail ; mais nous renvoyons à notre essai d’une nouvelle théorie de la résistance des fluides, Paris, 1752, chap. vj. où nous avons traité cette matiere, que nous nous proposons de discuter encore plus à fond dans les mémoires de l’académie des Sciences de Paris, quoique l’ouvrage qu’on vient de citer contienne absolument tous les principes nécessaires pour résoudre la question dans tous les cas possibles. Dans les mémoires de Petersbourg de 1747, imprimés en 1750, & qui ne sont parvenus entre mes mains que long-tems après l’impression de mon ouvrage, M. Daniel Bernoulli a traité aussi des oscillations d’un corps qui flotte sur un fluide : mais il n’a égard qu’au cas où les deux oscillations sont isochrones, c’est-à-dire où l’oscillation verticale se fait dans le même tems que l’oscillation autour du centre de gravité ; & il paroît regarder comme très-difficile la solution du problème général, que je crois avoir donnée. (O)

Flotter, terme de Riviere, se dit des bois que l’on jette sur une riviere à bois perdu, ou de ceux dont on fait un train. Voyez l’article Bois.

FLOTTILLE, s. f. (Commerce.) c’est-à-dire petite flotte, nom que les Espagnols donnent à quelques vaisseaux qui devancent leur flotte de la Vera-Crux au retour, & qui viennent donner avis en Espagne de son départ & de son chargement. Voyez Flotte. Dictionn. de Comm. de Trév. & de Chamb. (G)

FLOTTISTES, s. m. pl. (Commerce.) On nomme ainsi en Espagne ceux qui font le commerce de l’Amérique par les vaisseaux de la flotte, pour les distinguer de ceux qui y commercent par les galions, & qu’on appelle galionistes. Voyez Flotte & Galions. Dictionnaire du Commerce, de Trévoux, & de Chambers. (G)

FLOU, (Peinture.) vieux mot qui peut venir du terme latin fluidus, & par lequel on entend la douceur, le gout moëlleux, tendre & suave qu’un peintre habile met dans son ouvrage. On trouve floup dans Villon, & Borel croit qu’il signifie floüet, c’est-à-dire mollet, délicat. Quoi qu’il en soit, peindre flou (car ce terme est une espece d’adverbe), c’est noyer les teintes avec legereté, avec suavité & avec amour ; ainsi c’est le contraire de peindre durement & séchement. Pour peindre flou, ou, si on aime mieux que je me serve de la périphrase, pour noyer les teintes moëlleusement, on repasse soigneusement & délicatement sur les traits exécutés par le pinceau, avec une petite brosse de poils plus legers & plus