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qui ne sont autre chose que les genres & les especes, se forment par abstraction, lorsque nous ne considérons que les qualités communes à certains êtres, pour en former une notion sous laquelle ces êtres soient compris. La fameuse question de l’existence à parte rei des universaux, qui a fait tant de bruit autrefois, mérite à peine d’être indiquée aujourd’hui. Pierre & Paul existent : mais où existe l’idée générale de l’homme, ailleurs que dans le cerveau qui l’a conçûe ? Voyez Abstraction.

Être actuel, c’est celui qui existe avec toutes ses déterminations individuelles, & on l’appelle ainsi par opposition au suivant.

Être potentiel ou en puissance, c’est celui qui n’existe pas encore, mais qui a ou peut avoir sa raison suffisante dans des êtres existans : c’est ce qu’on appelle la puissance prochaine. Mais quand les êtres qui renferment la raison suffisante de quelques autres n’existent pas encore eux-mêmes, la puissance des êtres qui en doivent résulter est dite éloignée ; & cela plus ou moins, à proportion de l’éloignement où sont de l’existence les êtres qui renferment leur raison d’existence. Une semence féconde à laquelle il ne manque que le tems & la culture, est dans la puissance prochaine de devenir la plante ou l’arbre qu’elle contient ; mais les plantes de même espece qui viendront de la semence produite par la plante qui est encore cachée elle-même dans sa semence, ne sont que dans une puissance éloignée.

Être positif, c’est celui qui consiste dans une réalité, & non dans une privation. La vûe, par exemple, la lumiere, sont des êtres positifs qui désignent des choses réelles dans les sujets où ils se trouvent.

Être privatif, c’est celui qui n’exprime qu’un défaut, & l’absence de quelque qualité réelle : tels sont l’aveuglement, les ténebres, la mort. On transforme souvent par une notion imaginaire ces privations en êtres réels, & on leur donne gratuitement des attributs positifs : cependant c’est un abus, & l’être privatif n’est autre chose que la négation de tout ce qui convient à l’être positif.

Être permanent, c’est celui qui a toutes ses déterminations essentielles à la fois. Un horloge est un être permanent, dont toutes les parties existent ensemble.

Être successif, c’est celui dont les déterminations essentielles sont successives : tel est le mouvement, dont une détermination n’existe qu’après l’autre.

Être simple, composé, fini, infini, nécessaire, contingent, vrai ; voyez-en les articles. Article de M. Formey.

Être moral, (Droit nat.) Les êtres moraux sont certaines modifications attachées aux choses, soit essentiellement par la volonté divine, soit par institution humaine pour le bonheur & l’avantage des hommes dans la société, autant qu’elle est susceptible d’ordre & de beauté, par opposition à la vie des bêtes.

Tous les êtres moraux essentiellement attachés aux choses, peuvent être réduits à deux, le droit & l’obligation : c’est-là du moins le fondement de toute moralité ; car on ne reconnoît rien de moral, soit dans les actions, soit dans les personnes, qui ne vienne ou de ce que l’on a droit d’agir d’une certaine maniere, ou de ce que l’on y est obligé.

Les êtres moraux qui ont été produits par l’institution divine, ne peuvent être anéantis que par le créateur : ceux qui procedent de la volonté des hommes, s’abolissent par un effet de la même volonté, sans pourtant que la substance physique des personnes reçoive en elle-même le moindre changement. Par exemple, quand un gentilhomme est dé-

gradé, il ne perd que les droits de la noblesse ; tout

ce qu’il tenoit de la nature subsiste toujours en son entier : c’est ce qu’exprime si bien le beau mot de Démetrius de Phalere, lorsqu’on eut appris à ce philosophe que les Athéniens avoient renversé ses statues ; mais, répondit-il, ils n’ont pas renversé la vertu en considération de laquelle ils me les avoient dressées. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Être sensitif ou Ame, voyez Evidence.

Être suprème, Dieu, premiere cause, intelligence par essence. Voyez Evidence.

ETRÉCIR un Cheval, (Manége & Maréchal.) c’est l’amener insensiblement sur un terrein moins étendu ; c’est en resserrer la piste. (e)

Etrécir, (S’- ) action du cheval qui diminue, en se resserrant lui-même, l’espace sur lequel on l’exerce, & qui fausse ainsi les lignes qu’il devroit décrire. Voyez Retrécir & Elargir. (e)

ETRENNES, s. f. (Hist. anc. & mod.) présens que l’on fait le premier jour de l’année. Nonius Marcellus en rapporte sous les Romains l’origine à Tatius roi des Sabins, qui régna dans Rome conjointement avec Romulus, & qui ayant regardé comme un bon augure le présent qu’on lui fit le premier jour de l’an de quelques branches coupées dans un bois consacré à Strenua déesse de la force, autorisa cette coûtume dans la suite, & donna à ces présens le nom de strenæ. Quoi qu’il en soit, les Romains célébroient ce jour-là une fête de Janus, & honoroient en même tems Junon ; mais ils ne le passoient pas sans travailler, afin de n’être pas paresseux le reste de l’année. Ils se faisoient réciproquement des présens de figues, de dattes, de palmier, de miel, pour témoigner à leurs amis qu’ils leur souhaitoient une vie douce & agréable. Les cliens, c’est-à-dire ceux qui étoient sous la protection des grands, portoient ces sortes d’étrennes à leurs patrons, & y joignoient une petite piece d’argent. Sous l’empire d’Auguste, le sénat, les chevaliers, & le peuple, lui présentoient des étrennes, & en son absence ils les déposoient au capitole. On employoit le produit de ces présens à acheter des statues de quelques divinités, l’empereur ne voulant point appliquer à son profit les libéralités de ses sujets : de ses successeurs, les uns adopterent cette coutûme, d’autres l’abolirent ; mais elle n’en eut pas moins lieu entre les particuliers. Les premiers chrétiens la desapprouverent, parce qu’elle avoit trait aux cérémonies du Paganisme, & qu’on y mêloit des superstitions : mais depuis qu’elle n’a plus eu pour but que d’être un témoignage d’estime ou de vénération, l’Eglise a cessé de la condamner. Voyez An. (G)

Etrenne, (Comm.) se dit, parmi les Marchands, de la premiere marchandise qu’ils vendent chaque jour. Ils disent en ce sens : voilà mon étrenne : cette étrenne me portera bonheur. Dict. de Comm. de Trév. & Chamb. (G)

ETRENNER, v. n. parmi les Commerçans & surtout les Détailleurs, c’est commencer à vendre. Ne voulez-vous pas m’étrenner, je n’ai encore rien vendu. (G)

ETREPER, (Jurisprud.) vieux mot qui signifioit extirper, arracher. Voyez Beaumanoir, ch. xljx. lviij. & les chap. xxvj. & xxviij. du premier livre des établissemens. (A)

ETRÉSILLON, en Architecture, piece de bois serrée entre deux dosses, pour empêcher l’éboulement des terres dans la fouille des tranchées d’une fondation. On nomme encore étrésillon, une piece de bois assemblée à tenon & mortaise avec deux crochets, qu’on met dans les petites rues, pour retenir à demeure des murs qui bouclent & déversent. Ces étrésillons, qu’on nomme aussi étançons, servent encore à retenir les pié-droits & plate bandes des portes &