Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 6.djvu/838

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

seule ouverture, forme une fistule simple & incomplette ; si cette ouverture est en-dehors, la fistule est dite borgne & externe, & borgne & interne lorsqu’elle est dans l’intérieur. Deux issues, l’une en-dehors & l’autre en-dedans de l’intestin, la rendent complette ; & plusieurs clapiers engagent à la déclarer composée.

Quelles que soient ces différences, l’opérateur les saisit aisément par les moyens que j’ai indiqués en traitant de la fistule en général. Une ouverture avec dureté dans le voisinage du fondement, & qui fournit de la matiere purulente, manifeste en effet une fistule externe dont la sonde découvre la direction, la profondeur & les sinuosités ; & comme l’introduction du stilet dans l’ouverture doit être suivie & accompagnée de l’introduction des doigts du maréchal dans le large orifice de l’anus du cheval, il lui est facile de juger si, ce même stilet pénétrant dans l’intestin, la fistule est complette. Celles qui sont borgnes & internes ne s’annoncent point aussi clairement, sur-tout dès que l’on n’a aucune connoissance du dépôt qui peut y avoir donné lieu. L’écoulement du pus avant ou après les déjections, en est l’unique symptome, soit qu’il arrive conséquemment à la compression du foyer de l’humeur causée par la présence des excrémens, soit que cette compression soit produite par la contraction des parties qui reviennent sur elles-mêmes & se resserrent lorsque l’animal a fienté ; il est question dans une occurrence semblable, de passer les doigts dans le rectum, à l’effet de reconnoître le lieu de l’ouverture de la fistule, lieu que désignent sûrement une dureté & une élévation senties & apperçues. On doit ensuite glisser adroitement un stilet recourbé dans l’issue découverte, pour s’assûrer de l’état du mal ; toutes ces recherches qui seront précédées de la précaution d’assujettir tellement l’animal dans le travail, qu’il ne puisse s’y refuser, ne conduisent à rien d’avantageux, si la fistule est si profonde qu’il ne soit pas possible d’y porter l’instrument, sans craindre d’intéresser des parties, telles que la vessie, qui dans l’animal avoisine étroitement le rectum, ou d’ouvrir des vaisseaux considérables, tels que les arteres hémorrhoïdales ; alors elle doit être regardée comme incurable ; mais dans tous les autres cas on ne doit point abandonner le cheval à son sort. Il s’agit de le préparer d’abord à l’opération que l’on médite, par la saignée, un breuvage purgatif, quelques lavemens émolliens, un régime humectant, & une diete assez sévere.

Ces médicamens généraux administrés, & le corps de l’animal étant suffisamment disposé, on le vuidera exactement une heure ou deux avant d’opérer, & on lui donnera un lavement. On le placera ensuite dans le travail, avec le même soin que l’on a eu lorsqu’il n’a été question que de le sonder. Sa queue sera fermement relevée & attachée à une des traverses de la charpente dans laquelle il sera renfermé.

L’objet que doit se proposer le maréchal, est d’ouvrir la fistule & d’emporter toutes les callosités.

Il est nécessairement astraint de rendre complettes celles qui ne le sont pas. Ainsi l’ouverture est-elle externe, il y introduira un stilet d’une grosseur proportionnée, & dont l’extrémité pénétrante ne sera point aiguë. Il le glissera aussi près qu’il pourra de l’intestin, dans lequel ses doigts seront introduits, & lorsqu’il en sentira la pointe, il le poussera avec assez de force pour percer cet intestin, ce qui se pratique facilement. Il l’obligera ensuite d’entrer plus avant, & il le pliera pour ramener & pour faire sortir par l’anus celui des bouts qui se sera fait jour dans le rectum, de façon que la fistule se trouvera comme embrochée par cet instrument, & contenue entre ses deux extrémités. Si l’ouverture est interne, il examinera s’il n’est point extérieurement aucun endroit où

la matiere purulente s’annonce par une legere fluctuation, mais il aura attention dans le même instant de boucher l’orifice situé dans l’intestin, de maniere que la compression faite au-dehors ne puisse déterminer cette matiere à fluer par cet orifice intérieur ; dès que l’ondulation se sera fait sentir, il pratiquera une ouverture à la peau, par le moyen de laquelle il communiquera du-dehors en-dedans de la fistule, sinon & à défaut d’une fluctuation reconnue, il portera son stilet recourbé, à l’effet de l’insinuer dans l’ouverture interne, & de faire une incision à l’endroit du tégument, sous lequel l’extrémité recourbée rampante lui désignera le trajet du sinus. Cette incision faite, il maintiendra le stilet, ainsi que dans le premier cas prévû. Quant à la fistule complette, l’introduction de cet instrument n’est point aussi pénible, & le procédé est plus simple, mais l’opération est la même, de quelqu’espece qu’elle puisse être.

Le maréchal saisi des deux extrémités du stilet qu’il tiendra jointes & unies, emportera avec le bistouri toute la portion contenue dans l’anse ; il coupera même au-delà, afin de comprendre dans la partie enlevée, toutes les callosités du canal fistuleux. Il considérera ensuite, en portant le doigt dans la plaie, s’il en est quelques-unes encore, il les détruira ; il observera de plus, si quelques sinus suintant de la matiere ne lui ont point échappé ; il les ouvrira avec les ciseaux ou le bistouri, s’ils ne sont pas profonds : & dans le cas où ils approcheroient de l’intestin, il coupera l’intestin même ; en un mot, il s’attachera à former une plaie exactement sanglante dans toute son étendue, & entierement dénuée de clapiers & de duretés. Il ne doit pas oublier aussi de visiter soigneusement le rectum. Souvent la matiere en rongeant les graisses circonvoisines, en opere la dénudation. Alors on l’incisera, & les levres dans le lieu incisé se consolideront avec les parties prochaines, sans quoi le vuide qui subsisteroit dans le fond, seroit un obstacle à la réunion.

Cette opération faite, on remplira la plaie de charpie, & on conduira le cheval à l’écurie. Là, on l’entravera du derriere, & on le captivera de telle sorte dans la place qui lui est destinée, que le maréchal puisse faire son pansement tranquillement & sans danger. Il consiste à garnir cette même plaie très-exactement, pour que les matieres n’y fassent aucun amas. Une quantité proportionnée de charpie brute qu’il substituera à celle qu’il a placée, l’animal étant dans le travail, suffira à cet effet, mais il évitera de tamponner, c’est-à-dire de comprimer trop fortement. Le dehors de la plaie sera couvert d’un plumaceau, & le tout sera maintenu par un emplâtre agglutinatif, sur lequel on mettra quelques compresses ou de la filasse. Tout cet appareil sera maintenu par un cuir coupé en quarré, aux quatre pointes duquel seront bredies de solides attaches. Deux d’entr’elles aboutiront supérieurement en passant sur la croupe à un surfaix où elles seront fixées & arrêtées : les deux autres qui passeront entre les cuisses, & qui dans leur trajet ne gêneront ni les testicules ni le fourreau, répondront inférieurement à ce même surfaix dans lequel elles seront engagées. On pourra encore y fixer le bas de la queue de l’animal, qui, tirée en dessous, servira d’un second appui & d’un second soûtien. Un des plus considérables inconvéniens qu’entraîne cette opération, est l’obligation de panser l’animal chaque fois qu’il a fienté, mais cette obligation n’est point d’une nature à préférer la perte du cheval à la satisfaction de se refuser aux peines qu’elle peut causer. D’ailleurs le régime auquel sa situation le condamne, doit être assez sévere pour que les excrémens ne soient pas abondans ; car dès les premiers jours, le son, l’eau blanche, la farine de froment dans son seau, doivent être ses seuls alimens. Quant aux au-