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tule, nous la regarderons ici nous-mêmes comme un ulcere profond dont les bords sont durs & calleux, & dont l’entrée est étroite, tandis que le fond en est évasé.

Souvent une seule ouverture extérieure conduit à plusieurs cavités intérieures, que l’on nomme sinus ou clapiers ; quelquefois il n’est qu’une seule cavité ; il arrive encore que la carie ou quelqu’autre maladie s’unissent à celle-ci ; dans le premier cas la fistule est composée, & dans le second elle est simple : dans le troisieme elle est compliquée. La vûe nous en fait discerner l’orifice ; le tact nous assûre de sa dureté ; la sonde nous en indique la direction, la profondeur & la complication ; enfin le pus dont la compression sur les parties voisines occasionne la sortie, nous en découvre l’étendue.

De quelqu’espece que soient les fistules, elles procedent en général d’un dépôt qu’un maréchal inattentif ou ignorant n’aura pas ouvert assez promptement. La matiere purulente inclinant toûjours du côté où elle rencontre le moins de résistance, se creuse des routes intérieurement, pénetre dans l’interstice des muscles, & détruit une partie de la graisse avant de vaincre l’obstacle que lui présente la peau, & de se frayer une issue au-dehors ; aussi ces accidens qui peuvent avoir lieu dans toute la sphere du corps de l’animal, se manifestent-ils plus fréquemment dans les parties membraneuses, glanduleuses, abreuvées de lymphe, dans celles où la graisse abonde, comme dans les environs de l’anus, & dans les abcès dont le siége est sur la portion supérieure de l’encolure, sur le garrot, sur les reins, parce qu’alors le pus tendant naturellement vers les parties déclives, & ne pouvant remonter contre sa propre pente, forme nécessairement des sinuosités.

Les suites des fistules sont plus ou moins funestes, selon les lieux qu’elles parcourent ; leur profondeur, la multiplicité des clapiers, leur direction, leur complication de carie, d’hypersarcose, d’inflammation, & selon leur ancienneté.

L’objet principal que l’on doit se proposer dans leur traitement, est de procurer la régénération des chairs loüables & bonnes dans toutes leurs cavités ; il s’agit à cet effet de faciliter la sortie de la matiere suppurée, d’emporter & de détruire toutes les callosités, & même la carie, si la fistule est compliquée.

Les fistules simples & récentes dont les bords sont legerement endurcis, & dont le sinus est peu profond, demandent simplement une contre-ouverture pratiquée dans leur fond, pour exciter une suppuration dans toute leur étendue ; on y passe une meche garnie de médicamens foiblement consomptifs ; ce moyen suffit ordinairement pour fournir au pus une issue libre & convenable, pour dissiper les callosités, pour donner lieu à la régénération desirée, & pour conduire enfin la plaie à une heureuse cicatrice. Mais si ces mêmes callosités sont considérables, la contre-ouverture ne produira point ces salutaires effets ; on sera nécessairement contraint d’ouvrir en entier la fistule, de couper même une grande partie des chairs dures qui en couvre les bords & les parois, & d’entretenir toûjours la suppuration jusqu’au moment où le tout sera en état d’être cicatrisé

Cette dilatation importe encore davantage dans le cas où les fistules sont compliquées de carie ; soit que la carie occasionnée par le séjour & la corrosion des matieres purulentes, puisse être envisagée comme une suite de la fistule, soit que son opposition à la réproduction des chairs loüables dans le fond de l’ulcere nous détermine à l’en regarder comme une des principales causes, on ne pourra se dispenser de recourir au cautere actuel, à l’effet de provoquer une exfoliation, & de la détruire ; tous les autres secours, tels que ceux que promettent la rugine & les

médicamens desquamatoires n’étant en aucune maniere comparables à celui que nous retirons dans la pratique de l’application du feu. Voyez Feu.

Quant aux fistules composées dont la dureté & les sinuosités ne représentent rien d’extraordinaire, on pourra tenter d’en procurer la réunion, en obviant à ce que la matiere n’y séjourne, & en rapprochant les parois, si cependant une compression méthodique sur le fond est praticable. Lorsque les sinus sont vastes & les bords extrèmement calleux, il ne reste au maréchal d’autres voies, que celles de la dilatation qu’il doit faire avec l’instrument tranchant.

Il est des cas où il n’est pas possible, & où il seroit très-dangereux d’ouvrir & de dilater les fistules dans toute leur étendue ; tels sont ceux où elles sont extrèmement profondes, & où il est à craindre d’offenser avec le bistouri, des nerfs & des vaisseaux sanguins d’un certain ordre. Il faut se contenter alors d’en dilater l’entrée ou avec l’instrument, ou avec de l’éponge préparée. On injectera dans le fond des liqueurs détersives, on y portera même, si on le peut sans péril, des médicamens consomptifs, toûjours dans l’intention de remplir les vûes générales que l’on doit avoir, & l’on sera sur-tout exactement & scrupuleusement attentif à ne jamais tamponner l’ouverture des fistules dont on entreprendra la cure par des tentes ou des bourdonnets trop durs, d’autant plus que de tels pansemens n’ont que trop souvent rendu calleux & fistuleux des ulceres profonds.

Ces divers traitemens extérieurs ne doivent point au surplus dispenser le maréchal de tenir l’animal à un régime humectant & modéré, de l’évacuer prudemment, afin de diminuer la quantité des humeurs qui affluent sur la partie malade, de s’attacher à réparer les vices & les desordres intérieurs, &c. (e)

Fistule à l’Anus. (Manége, Maréchall.) La fistule lachrymale échappée aux yeux de tous nos observateurs, ne pourroit être dans l’animal qu’une maladie funeste, puisque d’un côté on ne se livroit à aucune recherche relativement aux moyens d’y remédier, & que de l’autre tous les efforts de la nature seule en étoient incapables.

La fistule à l’anus, avoüée & connue par plusieurs auteurs, ne me paroît pas avoir été moins négligée. Effrayés en apparence par la difficulté d’opérer le cheval, & retenus véritablement par les obstacles qui naissent d’une ignorance non assez profonde pour se déguiser entierement la nécessité du savoir, les uns ne nous indiquent que des médicamens absolument impuissans ; & les autres, en bannissant toute méthode curative, telle que celle qui dans l’homme est suivie des plus grands succès, ne nous proposent que la voie cruelle, & souvent pernicieuse des ligatures & des cauteres. Si cependant la maladie & la structure des parties qu’elle attaque ne different point essentiellement dans le cheval, il est certain qu’on peut se flater de le rétablir, lorsqu’aidé d’ailleurs des connoissances sur lesquelles la science d’opérer doit être étayée, on se conformera à la pratique chirurgicale ; il faut donc convenir que tous les inconvéniens qu’on pourroit entrevoir, eu égard au régime & aux pansemens, ne seront que des prétextes frivoles, & non des motifs suffisans de ne pas tenter : & c’est dans cette idée que je me crois obligé de tracer quelques préceptes relativement au manuel de l’opération à laquelle le maréchal doit avoir recours.

L’ulcere sinueux & calleux dont il s’agit ici, est toûjours la suite d’un dépôt que la trop grande quantité de sang, son acrimonie, son épaississement, des coups ou des irritations quelconques, peuvent occasionner. Selon les progrès de la matiere qui se creuse des routes dans le tissu graisseux, aux environs de l’extrémité de l’intestin rectum, la fistule reçoit des dénominations diverses. Une cavité percée d’une